La Roumanie au sein du Pacte de Varsovie
La Roumanie adhère donc avec l'Albanie, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, l'Allemagne de l'Est, la Pologne, la Hongrie et l'URSS au Pacte créé à Varsovie en 1955. la Hongrie et l'URSS au Pacte créé à Varsovie en
Steliu Lambru, 22.01.2024, 12:35
La fin de la
Seconde Guerre mondiale retrouve une Europe exsangue, coupée en deux par ce qui
deviendra sous peu le rideau de fer. L’on retrouve ainsi, d’une part, l’Europe
centrale et de l’Est occupée par l’Armée rouge et qui finira par devenir une
annexe de l’URSS, de l’autre l’Europe occidentale, démocratique, mais épuisée à
son tour par la guerre. Une fois érigé, le mur de Berlin deviendra le symbole
de cette cassure qui allait dorénavant séparer deux mondes opposés, qui se
regardaient en chien de faïence. Deux mondes qui ne tarderont pas à former deux
blocs, deux alliances militaires prêtes à s’empoigner à tout moment : l’OTAN
à l’Ouest, le Pacte de Varsovie à l’Est.
Occupée
militairement par l’URSS et transformée en un pays dirigé par un régime communiste
importé, la Roumanie adhère donc avec l’Albanie, la Bulgarie, la
Tchécoslovaquie, l’Allemagne de l’Est, la Pologne, la Hongrie et l’URSS au
Pacte créé à Varsovie en 1955. Le soulèvement hongrois de 1956 montre à
profusion le peu d’adhésion que vouaient les nations occupées aux régimes communistes
imposés par l’Union Soviétique et à l’alliance militaire dirigée par cette
dernière.
En 1968, le Pacte de
Varsovie est confronté à une première défection, celle de l’Albanie. En effet,
au plus fort de la dispute sino-soviétique, Tirana embrassera la ligne dure du
communisme version Mao.
1968 est encore l’année
de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie, à la
seule exception notable de la Roumanie, dirigée déjà par Nicolae Ceausescu
depuis 1965, et qui préfère se tenir à l’écart. Les troupes soviétiques,
bulgares, est-allemandes, polonaises et hongroises écrasent le Printemps de
Prague, dans leur tentative de mettre un terme aux réformes perçues comme trop
libérales du président Alexander Dubcek. Le Pacte de Varsovie, dirigé par la
doctrine Brejnev, soumet tout simplement les intérêts des Etats de l’Europe centrale
et de l’Est aux intérêts soviétiques. Bucarest et Belgrade, qui manifestent certaines
velléités d’indépendance à l’égard de Moscou craignent que l’intervention
soviétique en Tchécoslovaquie ne soit que le début d’une mise à pas globale des
régimes des pays « frères ». Dans une interview passée en 2002 et
conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, le
général de contre-informations Neagu Cosma affirme que la Roumanie s’était
préparée en 1968 à une telle éventualité, grâce à l’infiltration de l’un de ses
agents, un colonel polonais, au sein du commandement du Pacte de Varsovie. Neagu
Cosma :
« Ce
Polonais s’était réfugié chez nous, en Roumanie, alors qu’il n’était encore qu’un
enfant, avec sa famille, en 1939, lors de l’invasion allemande de la Pologne.
Il suit chez nous les premières années d’école, il apprend la langue, et s’éprend
de son pays d’adoption. La Roumanie était un peu sa deuxième patrie. Puis, un
beau jour, autour du 20 juillet 1968, il contacte son collègue roumain, un
certain colonel Bichel. Et il raconte à ce dernier ce qu’il avait appris, à
savoir que Brejnev avec Andropov, le chef du KGB, et avec l’état-major de l’Armée
Rouge préparaient l’invasion de la Tchécoslovaquie, mais aussi de la Roumanie
et de la Yougoslavie, une invasion censée renverser les trois dirigeants qui dérangeaient
Moscou : Dubcek, Ceauşescu et Tito. Un groupe de travail de l’état-major
du Traité de Varsovie planchait déjà sur le sujet. En entendant cela, notre brave
colonel Bichel était resté bouche bée. Le Polonais détailla le plan soviétique :
l’opération devait débuter par l’invasion de la Tchécoslovaquie, celle de la
Roumanie allait suivre deux ou trois semaines après, enfin celle de la
Yougoslavie dans un délai similaire. Au moment où il détaillait à notre officier
les plans soviétiques, les troupes du Pacte étaient déjà en train d’affluer
vers la Tchécoslovaquie. »
Si la Pacte de Varsovie
semblait se mesurer à armes égales avec l’OTAN, si sur le papier les deux blocs
militaires semblaient équilibrés en termes d’effectifs et de capacités, la
supériorité qualitative des capacités occidentales faisait une sacrée
différence.
En 1994, le diplomate
Vasile Șandru remémorait la manière dont les Etats membres du Pacte de Varsovie
choisirent de mettre un terme à l’alliance militaire qui les avaient liées pendant
plus de 35 ans, dans le contexte des révolutions de velours qui avaient secoué
les pays de l’Est. Ecoutons-le :
« La
première réunion a été présidée par Jozsef Antal, le premier-ministre hongrois. Il y avait à l’agenda
de la réunion notamment l’avenir de la sécurité et de la coopération européennes.
Des questions générales si l’on peut dire. Mais le deuxième point à l’agenda c’était
carrément la révision de la nature du Pacte de Varsovie. Et dans son
intervention, Gorbachev commence par faire encore une fois l’évaluation de la
situation en Europe et, face à cela, des perspectives du Pacte de Varsovie dans
le nouveau contexte, marqué par la chute des régimes communistes. Il s’arrête
longuement sur la situation de l’Allemagne. Finalement, rien n’a été décidé à l’issue
de la réunion, à l’exception de la constitution d’un groupe de travail censé
plancher sur l’avenir du Pacte de Varsovie, et qui sera basé à Prague. Mais après
cela, c’en est fini. Il n’y a plus eu de réunion du Comité politique
consultatif du Pacte. Il y a juste eu une dernière rencontre des ministres des
Affaires étrangères des Etats membres qui ont signé la dissolution du Pacte. »
L’acte de décès du
Pacte de Varsovie fut signé le 1er juillet 1991, à Prague, après l’annonce
du retrait de la Tchécoslovaquie, de la Pologne et de la Hongrie. La hache de
la guerre froide était enterrée, et une nouvelle page de l’histoire de l’Europe
était en train de s’écrire. (Trad. Ionut Jugureanu)