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La révolution roumaine de 1989, vue de l’étranger

En l’espace de ces 9 jours, la
Roumanie parvint à recouvrir sa liberté, perdue 45 années auparavant, lorsque
l’Armée rouge occupe le pays, à la fin de la Seconde guerre mondiale.
L’étincelle de la révolte anticommuniste s’allume le 16 décembre 1989, à
Timișoara, lorsque quelques protestataires épars tentent d’éviter l’évacuation
forcée du pasteur Laszlo Tokes de sa maison et de la ville. Mais ce qui sembla
d’abord un feu de pailles embrasera en quelques jours le pays tout entier.

La révolution roumaine de 1989, vue de l’étranger
La révolution roumaine de 1989, vue de l’étranger

, 26.12.2022, 05:57

En l’espace de ces 9 jours, la
Roumanie parvint à recouvrir sa liberté, perdue 45 années auparavant, lorsque
l’Armée rouge occupe le pays, à la fin de la Seconde guerre mondiale.
L’étincelle de la révolte anticommuniste s’allume le 16 décembre 1989, à
Timișoara, lorsque quelques protestataires épars tentent d’éviter l’évacuation
forcée du pasteur Laszlo Tokes de sa maison et de la ville. Mais ce qui sembla
d’abord un feu de pailles embrasera en quelques jours le pays tout entier.








Le journaliste Mircea Carp,
rédacteur senior à la radio Free Europe de l’époque, raconte l’étonnement de
cette rédaction roumaine, de ces gens, peut-être les mieux informés du pays,
face à la rapide évolution de la situation : « Au mois de décembre
1989, les événements de Timisoara ont mis le feu aux poudres. Il faut bien
reconnaître que l’on a été pris au dépourvu. Nous nous étions préparés à un
changement de régime certes, même au niveau d’un changement éventuel de notre
grille de programmes. Mais là, tout d’un coup, les événements du 16 et du 17
décembre nous ont pris au dépourvu. Qui aurait pu imaginer cela ? »








Une
fois déclenché, le mouvement populaire ne semblait plus pouvoir être arrêté. Et
les journalistes de Radio Free Europe, de leur siège de Munich, étaient d’autant
plus surexcités qu’ils étaient loin des événements.






Mircea Carp : « Le premier qui avait transmis sur les ondes
radio ce qui se passait à Timisoara a été mon collègue Sorin Cunea. A partir du
18 décembre, la rédaction s’est réorganisée, et nous avons commencé à assurer
une permanence, 24/24. On travaillait en équipes de 3 ou 4, sans jamais
s’arrêter, préparant nos émissions sous la pression des événements, nous
appuyant sur les infos fournies par les agences de presse, par certains
voyageurs aussi. Nous tentions de faire la part des choses, nous assurer que
l’on avait à faire à des infos fiables, vérifiées, solides, même si cela a été
difficile avant le 21/22 décembre, lorsque la chappe de plomb du régime a volé
en éclats. »







En 1999,
le journaliste hongrois Peter Marvanyi de Radio Budapest racontait au Centre
d’Histoire orale de la Radiodiffusion roumaine son vécu. Un an auparavant, le
journaliste avait pris part au grand rassemblement pour la liberté et la démocratie,
organisé dans la capitale hongroise.








Peter Marvanyi : « J’avais pris part à
Budapest en 1988 à ce rassemblement qui avait réuni entre 80 et 100 mille
manifestants, des gens qui scandaient pour la victoire de la démocratie, aussi
bien en Hongrie qu’en Roumanie. Et puis, à partir du 16 décembre 1989, nous, la
radiodiffusion magyare, avons commencé à regarder de près les événements qui étaient
en train de se dérouler à Timisoara. J’étais rédacteur de nos émissions
d’actualités, et nous avions commencé à en informer notre public, le public
magyar. Les informations qui nous parvenaient étaient extrêmement volatiles,
souvent contradictoires. D’une seule chose on était sûr : l’on traversait
un moment historique. »









En 2003, le Centre d’histoire
orale de la Radiodiffusion roumaine avait interviewé Dinu Zamfirescu, opposant
anticommuniste, en exile en France, sur la manière dont il a vécu les jours de
la révolution roumaine de 1989.








Dinu Zamfirescu : « Je
suivais tout d’abord les chaînes françaises de radio et de télévision. J’avais
même été embarqué par deux d’entre ces dernières, notamment par France 3, où
j’étais invité quasiment tous les jours dans le studio. J’étais le Roumain de
service pour ainsi dire, à qui, accompagné de deux journalistes français, l’on demandait
de commenter l’actualité. Et je me souviens qu’on avait deux moniteurs, dont le
public ignorait l’existence, et sur lesquels défilait l’information en continu.
Et puis, le 25 décembre, paf : la nouvelle de l’exécution de Ceausescu.
Cela se passait alors même que j’étais sur le plateau. L’on m’avait bien
évidemment demandé de commenter la nouvelle qui venait juste de tomber. J’avais
dit qu’il s’agissait de la première grande erreur du régime nouvellement
instauré à Bucarest. Je leur ai dit qu’il aurait fallu garder Ceausescu en prison,
lui réserver un véritable procès, qu’il fallait l’interroger, pour en apprendre
davantage. Et qu’il est probable à ce que certains membres du nouveau pouvoir
installé à Bucarest craignaient ce que Ceausescu aurait pu dévoiler. Un ancien
ministre français des Affaires étrangères avait pourtant dit qu’il est fort
bien qu’il eût été exécuté. J’avais alors répliqué qu’il est probable à ce que ce
monsieur ait quelque chose à se reprocher. Ce n’était pas à exclure, vous
savez. Aujourd’hui, j’aurais probablement un autre avis au sujet de l’exécution
de Ceausescu. Au fond, c’est peut-être mieux que cela s’est passé de la sorte. »









Le 22 décembre 1989, beaucoup
de Roumains, leurs voisins, et le monde entier apprenaient la chute du régime
de Ceausescu grâce aux médias étrangèrs. Par bonheur, dès le 22 décembre, les
médias roumains, muselés jusqu’alors, étaient à leur tour en mesure d’affronter
l’air fort de la liberté. (Trad. Ionut Jugureanu)

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