La République de Ploiesti
Les comploteurs sétaient proposé de prendre le contrôle du service de télégraphe, tout en misant sur lappui de larmée et de la population de plusieurs villes importantes. Inspirés par les libéraux de gauche, les groupes de conspirateurs étaient déçus par le règne de Carol et par linstabilité gouvernementale des années 1866-1870. A cela sajoutait la guerre franco- allemande, déclenchée le 19 juillet 1870 et qui allait sachever par la capitulation de la France le 10 mai 1871 ; un dénouement qui a provoqué dans les rangs des Romains une vague de sympathie envers lHexagone et dantipathie envers le roi allemand Carol.
Steliu Lambru, 12.09.2016, 13:00
Les comploteurs sétaient proposé de prendre le contrôle du service de télégraphe, tout en misant sur lappui de larmée et de la population de plusieurs villes importantes. Inspirés par les libéraux de gauche, les groupes de conspirateurs étaient déçus par le règne de Carol et par linstabilité gouvernementale des années 1866-1870. A cela sajoutait la guerre franco- allemande, déclenchée le 19 juillet 1870 et qui allait sachever par la capitulation de la France le 10 mai 1871 ; un dénouement qui a provoqué dans les rangs des Romains une vague de sympathie envers lHexagone et dantipathie envers le roi allemand Carol.
Bien que les leaders du complot aient hésité à mettre en œuvre leur projet, les conspirateurs de Ploiesti, menés par le futur général Alexandru Candiano-Popescu, ont avancé dans leur démarche et se sont emparés de la Préfecture et du Télégraphe. Devant une foule de plusieurs milliers de personnes, Candiano-Popescu a décrété la déchéance du roi Carol et sest proclamé préfet du département de Prahova dont Ploiesti était le chef-lieu.
La foule, enflammée par son discours, sest dirigée ensuite vers une unité militaire pour se munir darmes. Face au refus dobéir du comandant, elle sest rendue à la prison de la ville où elle a libéré les détenus. Le putsch militaire a pris fin peu de temps après que le chef du service de télégraphe de la ville de Predeal eut interrompu la communication avec Bucarest. Le soir même, larmée a procédé à larrestation de quelque 400 suspects et des responsables politiques libéraux Ion C. Bratianu, Eugeniu Carada, Nicolae Golescu. Le leader des conspirateurs de Ploiesti a été à son tour arrêté à Buzau.
Moins de 24 heures après sa création, la République de Ploiesti disparaissait. 41 conspirateurs ont été déférés à la justice, qui les a pourtant acquittés. Bien quépisode court et intense de lhistoire roumaine, la République de Ploiesti a joué un rôle important dans la vie politique autochtone. De lavis de Silvia Marton de la Faculté de Sciences Po de lUniversité de Bucarest, la rébellion était inévitable, vu le dysfonctionnement des structures de lEtat roumain de lépoque : « A lépoque, tout semblait encore possible. Les protagonistes de la République de Ploiesti, le roi Carol I, les conservateurs, les modérés, dautres libéraux, se trouvaient tous au début de leurs démarches, à une époque où tout semblait encore possible. On avait limpression que lon pouvait encore construire. On assistait à une vague de volontarisme qui allait entraîner pas mal de choses blâmables. Les conspirateurs espéraient, mais sans beaucoup de conviction, construire un Parlement et un régime, éventuellement une République. Mais, avant tout, ils voulaient dun régime où le Parlement occupe une place importante. Carol lui-même cherchait sa place, il ne comprenait pas très bien ce qui se passait. Très sûr de ses actes, Bratianu tentait de dominer tous les gouvernements quil rejoignait. Par ailleurs, les conservateurs essayaient davoir leur mot à dire. Finalement, jeunes ou moins jeunes, ils semblaient tous fort confiants en la justesse de leurs idées. »
On a interrogé Silvia Marton sur les principales idées ayant servi de fondement à la République de Ploiesti : « Qualifiée de coup dEtat par les procureurs, la République de Ploiesti a été en quelque sorte une contre-réaction à ladresse des conservateurs et surtout du roi prussien de Roumanie, Carol de Hohenzollern. Deux caricatures parues dans le journal libéral-radical Ghimpele (Lépine), une publication très progressiste de lépoque, se sont avérées fort suggestives pour la dimension sociale de cette période-là. Par linstallation de la République, les conspirateurs souhaitaient mettre un terme aux privilèges. La plupart des boyards se rangeaient du côté des conservateurs; ils avaient préservé leurs fonctions politiques, ils étaient élus et réélus et du coup très visibles sur la scène politique. Une sensibilité sociale, démocratique, existait indéniablement. Le terme « démocrate » est dailleurs employé par les initiateurs de la République pour désigner la fin des prérogatives attribuées traditionnellement aux boyards en tant que seuls représentants et auteurs de la politique roumaine. On assistait, si vous voulez, à une réaction de la bourgeoisie. »
La République de Ploiesti a également marqué une révision de lattitude de la classe politique envers lEtat, les réformes et le souverain. Silvia Marton : « Toujours en vie, Cuza était en exile quand il fut élu à trois reprises, dans plusieurs circonscriptions. Il renonce aux mandats, écrit des lettres élégantes, pour refuser dassumer ses mandats et pour remercier son électorat. Mais, les libéraux, les révolutionnaires de 1848, les radicaux sont ses adversaires. A leurs yeux, Cuza et le roi Carol étaient des dirigeants autoritaires. Carol était bien autoritaire. Il adoptait des décisions en ignorant le Parlement et en cela il ressemblait de nouveau à Alexandru Ioan Cuza. Or cette situation était insupportable. De lavis des libéraux, trop de pouvoir concentré entre les mains du gouvernement indiquait une tendance dangereuse. Cest ce qui les pousse à manifester des tendances républicaines et à exiger la responsabilité du gouvernement devant le parlement. Ce ne sera quà partir de 1870- 1871 que lon acceptera la responsabilité du gouvernement qui fonctionne de mieux en mieux, tandis que le roi redéfinit son rôle, arrivant au bout de quelques années à faire et à défaire les gouvernements. »
Dernier spasme de la formation de lEtat roumain moderne et démocrate, lépisode de la République de Ploiesti a renforcé la démocratie roumaine. Après 1870, la Roumanie obtient son indépendance en 1877- 1878 et devient royaume, ce qui lui permettra dadopter une politique censée lui assurer de la stabilité et une meilleure gouvernance.