La Radio Deutsche Welle
En 1963, la Deutsche Welle allait inaugurer ses émissions en langue roumaine
Steliu Lambru, 05.09.2023, 10:46
Le
nombre de chaînes radio étrangères qui ont diffusé des émissions en langue
roumaine au fil du temps est assez conséquente. Parmi celles-ci, l’une s’était
distinguée à l’époque de la guerre froide notamment : la radio publique
allemande, la Deutsche Welle. Cette chaîne commence à émettre depuis Bonn, la
capitale de l’Allemagne de l’Ouest, le 3 mai 1953. Dans son discours d’inauguration,
le président allemand d’alors, Theodor Heuss, avait résumé la mission de la
nouvelle radio publique allemande en utilisant le terme, en français, de
détente. Cette volonté de réconciliation s’affirmait ainsi d’emblée et marqua par
la suite l’histoire de ce porte-voix de la République fédérale d’Allemagne.
Dix
années plus tard, en 1963, la Deutsche Welle allait
inaugurer ses émissions en langue roumaine. L’historienne Tatiana Korn avait
quitté la Roumanie en 1962 pour s’établir en Allemagne fédérale, après avoir épousé
un Saxon originaire de Roumanie. Reconvertie au journalisme, elle fit partie de
la rédaction roumaine de Deutsche Welle de 1963 et jusqu’en 1993. Interviewée
en 1998 par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine sur son
expérience de journaliste au sein de la rédaction roumaine de la radio publique
allemande, Tatiana Korn racontait :
« La Deutsche Welle était la voix de l’Allemagne d’après
la guerre, censée présenter les réalités de ce pays dans toute leur diversité. Evidemment,
il était impossible de lancer tout de suite des émissions dans les différentes
langues étrangères, à destination de ces publics. Les premières rédactions en
langues étrangères visaient les transmissions vers le continent noir, vers les
pays africains, puis vers l’Asie, l’Amérique, l’Amérique latine. Au fil du
temps et à fur et à mesure que la guerre froide devenait de plus en plus
chaude, la Deutsche Welle a pris la décision de fonder la rédaction de l’Europe
de l’Est, à commencer par la section soviétique, suivie de près par la section
destinée à la Yougoslavie, à la Hongrie, enfin à la Roumanie et à la Bulgarie,
fondées début 1963. »
Mais
les débuts d’une entreprise d’une telle envergure sont forcément difficiles. Tatiana
Korn :
« L’on
était tout d’abord à court de ressources humaines, des gens qui puissent
travailler dans la rédaction roumaine de radio Deutsche Welle. On avait ainsi démarré
avec seulement une demi-heure de transmission quotidienne en langue roumaine. Il
fallait maîtriser parfaitement les deux langues : le roumain et l’allemand.
Il fallait parler un roumain sans accent. Parler sur les ondes en utilisant un
roumain avec un fort accent bavarois était impensable. Il fallait aussi avoir
des qualités de speakerine radio. Vous savez, cela va peut-être voue étonner,
mais il n’y a pas grand monde qui soit capable de parler correctement à la
radio. Et puis, il y avait des difficultés d’ordre technique. Transmettre sur
les ondes courtes à de telles distances, en l’absence d’antennes relais, s’apparentait
semble-t-il à une mission impossible. »
En dépit de ces
embûches inhérentes, la section roumaine s’était progressivement étoffée, même
si au départ les bénévoles, qu’il s’agisse des traducteurs spécialisés en technologie,
en médecine, en culture ou en politique avaient endossé un rôle significatif. Des
journaux édités en Roumanie atterrissaient sur la table de la section roumaine,
car ses rédacteurs se devaient d’être mis au courant du langage et du style
utilisés par la presse officielle roumaine de l’époque. Par ailleurs, la
politique de ressources humaines de la radio Deutsche Welle éliminait la
possibilité à ce que d’anciens membres ou sympathisants nazis ou communistes puissent
rejoindre la rédaction. De ces premiers rédacteurs en langue roumaine que la
radio Deutsche Welle allait consacrer, rappelons les noms de Nadia Șerban, Ioana
Exarhu, Elisabeta Panaitescu, Mihai Negulescu, Virgil Velescu. Une fois passées
les maladies d’enfance, le programme en langue roumaine de radio Deutsche Welle
allait couvrir 3 émissions d’une heure chacune au quotidien.
Le programme comprenait
dix minutes d’actualités, suivies d’émissions culturelles, scientifiques, de chroniques
diverses, que Tatiana Korn aimait se rappeler avec nostalgie :
« La
première transmission du jour démarrait à midi. Ce n’était pas idéal pour l’audience
qui nous visions. Toutefois, l’on s’était rendu compte que ces émissions
touchaient tous ceux qui n’étaient pas actifs, les retraités notamment. Et ces
derniers parlaient autour d’eux de ce qu’ils entendaient sur nos ondes, suscitant
l’intérêt de leur entourage. En fait, nous ne pouvions pas émettre à d’autres
heures, à cause de la grille de répartition des fréquences. Mais cela s’était
finalement avéré une bonne chose, d’autant que la qualité de la réception était
meilleure le jour que le soir, c’est une caractéristique des transmissions sur
ondes courtes. Vous savez, les satellites et tout cela, on n’en connaissait pas
à l’époque ».
Parmi les chaînes
radio occidentales qui ont transmis en langue roumaine durant la guerre froide,
radio Free Europe a occupé une place particulière dans le cœur des auditeurs qui
se trouvaient enfermés derrière le rideau de Fer. Mais radio Deutsche Welle a
été la voix de l’Allemagne occidentale de l’après-guerre. Une voix forte,
distinctive et décente, articulée par de grands professionnels du journalisme d’expression
roumaine. (Trad. Ionut Jugureanu)