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La médecine tropicale en Roumanie

La médecine tropicale roumaine commence son essor à partir de deux principales sources d'inspiration, l'une d'origine asiatique, l'autre africaine.

La médecine tropicale en Roumanie
La médecine tropicale en Roumanie

, 01.01.2024, 01:17

La Roumanie se tourne vers le Tiers-monde

Avec le démembrement des empires coloniaux après la Seconde Guerre
mondiale et l’ouverture des nouveaux Etats indépendants vers le monde, la Roumanie
commence à réorienter sa politique étrangère et attache de plus en plus d’importance
aux relations avec ce que l’on appelait à l’époque le Tiers-monde, et ce que l’on
appelle aujourd’hui le Sud global. Aussi, la Roumanie commence à mettre en œuvre
des programmes de coopération dans les domaines de l’éducation ou de l’économie,
mais aussi des programmes d’assistance humanitaire censés réduire l’écart de
développement entre ces pays et le monde développé, mais aussi d’atténuer l’impact
des crises dont ces Etats étaient régulièrement traversés.

Des risques sanitaires à la hausse



Pourtant, l’ouverture de cette partie du globe aux échanges de
diverses natures impliquait une hausse des risques sanitaires associées. Face à
cela, la Roumanie tente donc de s’armer, en développant la recherche médicale,
notamment dans le domaine des maladies tropicales. Domaine où la compétition entre le monde
occidental et le bloc des Etats socialistes agencés autour de l’Union
soviétique s’est manifesté sans ambages comme dans tous les autres domaines.

Bogdan-Cristian Iacob, médecin, chercheur et historien
du domaine, avait étudié de près l’évolution de la recherche médicale roumaine
avant 1989 et la manière dont ses résultats étaient reflétés dans la presse du
temps. Mentionnant les traités du docteur Ludovic Păun, un des plus importants
spécialistes roumains dans le domaine des maladies tropicales, Bogdan-Cristian
Iacob remarquait :


« L’on peut constater combien était minimisée l’importance
de la recherche occidentale. L’Assemblée mondiale de la Santé, organe
décisionnel suprême de l’OMS, avait pris en 1974 l’initiative de mettre sur
pied un programme spécialement dédié à l’étude des maladies tropicales. La
proposition avait été officiellement présentée à l’initiative des Etats du bloc
socialiste et des Etats africains, bien que l’idée d’une meilleure coordination
globale dans le domaine appartînt au monde occidental. L’influence occidentale allait
être encore davantage mise en évidence deux années plus tard, lorsque Ludovic
Păun remarquait qu’aucun spécialiste du monde socialiste n’avait été convié à
prendre part à la première session de recherche du programme lancé sous la base
de l’initiative adoptée en 1974. La présence et l’influence des sociétés
financières et des compagnies pharmaceutiques dans ce cadre fait conclure au
spécialiste roumain que le programme soutenu par l’OMS poursuivait sans l’avouer
des objectifs mercantiles, censé faciliter l’accès au marché des médicaments produits
dans les laboratoires occidentaux. Aussi, la médecine tropicale roumaine
apparaissait aussi bien en réponse à un besoin réel des nations du Sud et à l’ouverture
de la Roumanie au Tiers-monde que d’une volonté affirmée de faire barrage à la
politique des Etats capitalistes ».

Des approches très différentes


De fait,
les recherches dans le domaine de la médecine tropicale avaient démarré en
Occident bien avant, au temps de l’époque coloniale. Mais la vision des Etats
socialistes à l’égard de la manière dont il fallait aborder la réponse à apporter
face aux maladies tropicales comprenait une certaine dimension idéologique. En
effet, les régimes communistes appréciaient que la réponse occidentale face aux
maladies tropicales fût fondée d’une manière excessive sur les traitements
médicaux, alors que les régimes socialistes prônaient une réponse holistique,
qui faisait la part belle à la prévention, à l’éducation sanitaire et au bien-être
du patient.

Bogdan-Cristian Iacob
explique combien ces deux visions étaient divergentes, jusqu’à s’avérer
incapables de constituer fut-ce un vocabulaire commun.


« Le terme de médecine tropicale avait du mal à
pénétrer dans la Roumanie des années 60. Le terme tropical avait du mal à s’imposer.
Dans les publications officielles, il avait été remplacé par « pays au
climat difficilement supportable ». L’appellation « maladies
infectieuses », moins connoté aux yeux des idéologues du régime, était
utilisée en lieu et place de « maladies tropicales ». Il permettait aussi
de mettre en évidence le rôle de la Roumanie dans l’éradication du paludisme. Par
ailleurs, la politique étrangère de la Roumanie hésitait à s’immiscer dans la
région de l’Afrique subsaharienne. Ce n’est qu’à partir de 1970 et du
changement en matière de politique étrangère imprimé par Nicolae Ceaușescu, qui
conçoit les relations nouées avec les Etats du Tiers-monde comme une
alternative à l’Occident, que les choses vont changer. »

Sources d’inspiration : l’Inde et l’Afrique



La médecine tropicale roumaine commence son essor à partir de deux
principales sources d’inspiration, l’une d’origine asiatique, l’autre
africaine. La première c’est l’Inde. Des médecins roumains, tel le docteur
Ludovic Paun y vont et s’y spécialisent. Il y a ensuite l’assistance
médicale que la Roumanie accorde à certains pays, tels l’actuelle République
démocratique du Congo, la Guinée, l’Angola, le Mozambique. Des missions
médicales sont envoyées dans ces pays pour y étudier des maladies spécifiques.
La grande épidémie de peste de 1961 touche jusqu’aux Balkans et l’Ouest de l’Union
Soviétique. Les virus sont importés par des étudiants en provenance de ces pays,
porteurs asymptomatiques du virus, ou par des coopérants roumains envoyés dans la
région. Face au danger que ces maladies importées font courir à la société, le
régime finance la recherche médicale et fonde en 1974, à Bucarest, l’Hôpital
Clinique de Maladies Infectieuses et Tropicales « Dr. Victor Babes », au sein
duquel la recherche médicale roumaine dans le domaine comptera quelques réussites
remarquables dans le traitement de la peste, de la bilharziose, de la
leishmaniose, de la lèpre, de la filariose lymphatique, et de l’onchocercose. D’autres
programmes ont visé l’étude du choléra, de la peste, de la fièvre jaune, du typhus
exanthématique et la variole.

L’apparition du VIH jette les recherches dans un coin d’ombre



Dans la décennie suivante, les recherches médicales roumaines commencent
aussi à prendre de plus en plus appui sur les recherches occidentales. En
parallèle, la Roumanie tente de bâtir son propre modèle de recherches dans le
domaine des maladies infectieuses. Les années 80, caractérisés par l’apparition
du VIH, jettent toutefois les recherches médicales roumaines dans le domaine
des maladies tropicales dans un immérité coin d’ombre. (Trad. Ionut Jugureanu)

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