La Gazette des mathématiques
Dans l’histoire de près de 250 années d’existence de la presse roumaine, la Gazette des mathématiques occupe une place à part. Durant ses 129 années d’existence la Gazette des mathématiques fut l’agora des meilleurs mathématiciens, chercheurs, ingénieurs, économistes et passionnés du domaine.
Steliu Lambru, 16.12.2024, 10:32
Gazette des mathématiques, une place à part dans la presse roumaine
Dans l’histoire de près de 250 années d’existence de la presse roumaine, la Gazette des mathématiques occupe une place à part. Parue à Bucarest en 1895 à l’initiative d’un groupe de fondateurs formés de mathématiciens et d’ingénieurs (Victor Balaban, Vasile Cristescu, Ion Ionescu, Mihail Roco et Ioan Zottu), le collectif de rédaction s’ouvre, après la mort prématurée de l’ingénieur Victor Balaban, à la mathématicienne Constanța Pompilian d’abord, aux ingénieurs Tancred Constantinescu, Emanoil Davidescu, Mauriciu Kinbaum et Nicolae Niculescu et aux mathématiciens Andrei Ioachimescu et Gheorghe Țițeica ensuite. Durant ses 129 années d’existence la Gazette des mathématiques fut l’agora des meilleurs mathématiciens, chercheurs, ingénieurs, économistes et passionnés du domaine. Si dans son premier numéro la Gazette des mathématiques ne comprenait que 16 pages et ne fut tiré qu’en 144 exemplaires, elle arrivera à être éditée à 120.000 exemplaires dans les années 1980.
Riche de cette tradition, la Gazette des mathématiques constitue un outil précieux pour prendre la mesure de l’évolution de l’enseignement en Roumanie.
Le mathématicien Bogdan Suceavă détaille :
« Avoir pu conserver une telle base de données nous offre le privilège de pouvoir mettre les choses en perspective. Le chercheur peut ainsi suivre l’évolution des stratégies pédagogiques utilisées pour aborder, pour enseigner, pour conceptualiser les mathématiques au fil de plus d’un siècle. C’est un matériel riche d’enseignements et qui nous permettrait d’extrapoler cette expérience à d’autres domaines ».
Une créativité à part
Mais la Gazette des mathématiques s’est depuis toujours distinguée notamment par la créativité de son approche. Bogdan Suceavă :
« Prenez un cas intéressant, celui de Sebastian Kaufman, élève de lycée à l’époque et qui, lors du concours organisé par la Gazette des mathématiques, avait oublié ses formules de trigonométrie à l’oral. Il se fait descendre dans l’éditorial de la gazette. Sebastian Kaufman deviendra par la suite, à brève échéance, un grand mathématicien, un chercheur et un innovateur en sciences mathématiques. Et il n’était qu’élève de lycée. Mais la gazette avait ce don de motiver les gens, de les pousser à l’innovation, de les faire réfléchir. Un environnement créatif, une véritable pépinière de mathématiciens remarquables. »
Les concours internationaux qui ont fait la renommée des élèves roumains
Du nom de la Gazette de mathématiques est liée l’apparition des Olympiades internationales de mathématiques, un concours prestigieux où les jeunes mathématiciens roumains, riches de leurs 78 médailles d’or, 146 médailles d’argent et 45 médailles de bronze, ont excellé au fil du temps. La Roumanie occupe aujourd’hui la 6e place mondiale dans le classement des médailles engrangées depuis le début de la compétition. Et la Roumanie avait accueilli ces olympiades à 6 reprises, en 1959, 1960, 1969, 1978, 1999 et 2018.
Bogdan Suceavă : « L’idée des Olympiades internationales de mathématiques a été le fait de la Société des Sciences mathématiques et physiques de Roumanie. Les pourparlers autour de l’organisation de cette compétition avaient démarré en 1956. En 1959 a eu lieu la première édition, accueillie par la Roumanie. A l’époque, la présidence de la Société des Sciences mathématiques et physiques de Roumanie était détenue par Grigore Moisil, Caius Iacob et Nicolae Teodorescu détenant la vice-présidence. L’on était en pleine guerre froide pourtant, et s’avérer capables de mettre sur pied de tels événements à portée internationale était loin d’être gagné d’avance. Il fallait certes battre en brèche les réticences des uns et des autres, forcer les barrières bureaucratiques et puis, surtout, disposer d’un prestige considérable aux yeux des mathématiciens du monde entier. Mais la génération de Moisil avait pris exemple sur les concours organisés par la Gazette des mathématiques. Et les initiateurs des Olympiades internationales avaient repris ce modèle : traiter d’un nombre limité de sujets de manière approfondie. Il s’agissait de disposer d’une heure et demie par exercice. C’était le modèle de concours institué en Roumanie par la Gazette des mathématiques avant la Première Guerre mondiale. Et ce fut la formule gagnante. »
Aussi, si la Gazette des mathématiques demeure encore aujourd’hui la publication de référence de l’école roumaine de mathématiques, la longue histoire de ses parutions nous permet une mise en perspective de l’évolution de l’enseignement des maths et de l’école roumaine de mathématiques à travers plus d’un siècle. (Trad Ionut Jugureanu)