L’ Holocauste des Roms
La Commission internationale « Elie Wiesel » d’étude de l’Holocauste en Roumanie a inclus dans son rapport final la déportation des Roms en Transnistrie dans le cadre de l’intention du régime du maréchal Ion Antonescu de nettoyer la société roumaine. Avant le début de la déportation des Roms en 1942, le soi-disant «problème tzigane » n’existait pas dans la société roumaine.
Christine Leșcu, 28.02.2014, 13:54
Marginaux, habitant les périphéries des villes et villages de Roumanie, les Tziganes ne figuraient pas parmi les minorités nationales reconnues par les lois de l’entre-deux-guerres et par conséquent ils n’ont pas fait l’objet des actions de roumanisation de l’époque. En 1942, l’Institut central des statistiques estimait le nombre de Tziganes de Roumanie à 208.700 et recensait la même année 41 mille personnes.
Le but de ce recensement était de connaître le rapport entre les Roms sédentaires et nomades, le nombre de ceux qui avaient un casier judiciaire ou qui n’avaient pas d’emploi. Suite à ce recensement, les autorités ont décidé de déporter en Transnistrie près de 12% de la population rom de Roumanie. Adrian Nicolae Furtuna, auteur du livre « Pourquoi ne pleurent-ils pas? L’Holocauste des Roms et leur histoire véritable» explique qui étaient ces personnes déportées : « Il s’agit de 25 mille personnes déportées en Transnistrie. Mais ces chiffres ne sont que des estimations faites par la Commission d’étude de l’Holocauste en Roumanie, et publiés dans un rapport de 2007. Conformément à d’autres estimations faites par les organisations des Roms et par d’autres chercheurs, le chiffre réel semble être beaucoup plus important. Dans le cas des Roms traditionnels, il y a même de nos jours, le problèmes des papiers d’identité. La situation était même plus grave il y a près de 70 ans. Les déportations ont commencé effectivement au mois de juin. Ce fut précisément le 1er juin 1942 qu’a été déporté le premier segment de la population rom. C’étaient des Roms traditionnels, nomades, c’est-à-dire des Roms chaudronniers et étameurs. Ils étaient vus comme porteurs de maladies. Dans certains cas, ils étaient même soupçonnés d’espionnage en raison de leur caractère nomade. Le deuxième segment de population a été déporté en septembre. C’étaient notamment des Tziganes sédentaires qui ont été déportées parce qu’ils avaient des casiers judiciaires et parce qu’ils n’avaient pas d’emploi. On ne saurait pas préciser exactement la date des dernières déportations puisque des chasses à l’homme ont également eu lieu après les deux vagues de déportations. Mais en général, les déportations se sont achevées en 1942, après la déportation des Roms sédentaires. »
En 1942, au bout des deux vagues de déportation, on recensait en Transnistrie plus de 11.000 Roms nomades et quelque 13.000 Roms sédentaires arrivés de tous les coins de la Roumanie. Quel allait être leur sort? Réponse avec Adrian Nicolae Furtună. « Au fait, on leur a menti. La gendarmerie, en tant qu’institution qui entrait en contact avec ces gens, leur promettait des logements en Transnistrie et des bêtes de somme pour labourer leurs terres. En réalité, une partie d’entre eux ont été envoyés dans les camps de travaux forcés, avec de la nourriture comme unique récompense. La grande majorité des déportés logeait dans des habitations enfouies sous terre. Des fois, on délogeait aussi les Ukrainiens pour faire place aux familles roms. En outre, l’hiver rigoureux de l’an 1942 a fait de nombreuses victimes parmi ces gens, qui sont morts transis de froid. 6.000 des 11.000 Roms ayant péri pendant les deux années de déportation étaient des enfants. Les principales causes de ces décès ont été la famine, le froid et le typhus. Parfois, les huttes s’effondraient en raison du sol sablonneux des berges de la rivière Bug où elles étaient creusées. Le peu de nourriture qu’ils recevaient leur venait des soldats, car le front était tout près des camps de travaux forcés de Bogdanovca et de Domanovka. D’après les témoignages que nous avons recueillis, la ration quotidienne était moindre que celle consignée dans les documents officiels. »
Sur les 25 000 ethniques roms déportés, près de 11 000 sont morts sur les lieux de déportation. Autrement dit, seulement 14 000 sont sortis vivants des camps transnistriens. La substance de son livre intitulé « Pourquoi ils ne pleurent pas ? L’holocauste des Roms et leur histoire véritable », Adrian Nicolae Furtună l’a puisée dans les 28 témoignages recueillis entre 2008 et 2010. Les souvenirs de 15 autres survivants feront peut-être l’objet d’un deuxième ouvrage. (trad.: Alexandru Diaconescu, Mariana Tudose)