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Ion Raţiu – milliant pour la démocratie dans l’exil

Revenu d’exil en 1990, après la chute du communisme, Ion Raţiu a compté parmi les personnalités qui ont reconstruit le Parti National Paysan Chrétien et Démocrate (PNTCD) et ont œuvré pour refaire le climat démocratique en Roumanie.

Ion Raţiu – milliant pour la démocratie dans l’exil
Ion Raţiu – milliant pour la démocratie dans l’exil

, 04.09.2017, 13:00

Revenu d’exil en 1990, après la chute du communisme, Ion Raţiu a compté parmi les personnalités qui ont reconstruit le Parti National Paysan Chrétien et Démocrate (PNTCD) et ont œuvré pour refaire le climat démocratique en Roumanie.

Ion Raţiu est né le 6 juin 1917 à Turda, dans l’ouest du pays, dans une famille d’intellectuels roumains qui ont lutté pour les droits nationaux des Roumains dans l’Empire des Habsbourg et d’Autriche-Hongrie. Il a étudié le droit à Cluj et l’économie à Cambridge et il a été un militant du Parti National Paysan. En 1940 il entre au ministère des Affaires Etrangères comme diplomate et il est envoyé tout de suite à Londres, en février 1940. Après l’occupation nazie de la France, principal allié de la Roumanie, Ion Raţiu continue à travailler à la légation roumaine de Londres jusqu’en septembre 1940, lorsque le général Antonescu et le mouvement d’extrême-droite « la Garde de Fer » accèdent au pouvoir à Bucarest. Anglophile et francophile, Raţiu refuse d’accepter que la Roumanie ait rejoint la coalition dirigée par l’Allemagne nazie.

En 1985, dans une interview pour l’émission « L’actualité roumaine » de Radio Free Europe et conservée dans les archives du Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Ion Raţiu racontait dans quelles conditions il était resté en Grande Bretagne : « Après le départ du roi Carol II et l’instauration en Roumanie de l’Etat national légionnaire (d’extrême-droite), j’ai démissionné, en septembre 1940. Je me suis rendu au ministère britannique des Affaires Etrangères et j’ai demandé l’asile politique, qui m’a été immédiatement accordé. J’ai eu la grande chance de recevoir une bourse à Cambridge où j’ai étudié pendant 3 ans, obtenant un diplôme en sciences économiques. Pendant que j’étais à Cambridge, j’ai parlé à la radio du problème transylvain, notamment après que la Roumanie se soit vu ravir la Transylvanie du nord, en 1940. Toujours pendant cette période passée à Cambridge, j’ai été actif au sein de l’association des étudiants roumains de Grande Bretagne. »

Ion Raţiu s’est engagé dans la propagande visant à faire sortir la Roumanie de l’Axe, pour rejoindre les Nations Unies. Pourtant, il souhaitait que la guerre une fois terminée, l’Europe Centrale et de l’Est – et implicitement la Roumanie – reste sous l’influence de la démocratie occidentale.

Ion Raţiu: « J’ai travaillé au Conseil international des étudiants, dont j’ai été désigné vice-président, pendant la guerre, et au Comité exécutif mondial de la jeunesse. Puisque nous étions tous exilés en Grande Bretagne et par conséquent préoccupés par l’avenir de l’Europe après la guerre, nous avons également créé une organisation que nous avons appelée CECCILS, en fait une société des étudiants et de la jeunesse d’Europe Centrale et Orientale. Bien que très jeune encore, j’ai été coopté dans le mouvement des Roumains libres qui s’est opposé à l’alignement de la Roumanie sur la politique de l’Allemagne nazie et qui a toujours affirmé que la Roumanie avait sa place parmi les grandes puissances démocratiques occidentales qui avaient créé la Grande Roumanie. Durant cette période j’ai écrit des articles, j’ai tenu des conférences, j’ai parlé à la radio – à la BBC, bien sûr. »

Devenu homme d’affaires prospère, Ion Raţiu n’a pas assisté passivement, depuis l’Occident, à la soviétisation de la Roumanie. Il a fondé une organisation anticommuniste, l’Union mondiale des Roumains libres, et a créé le journal « Românul liber » – Le Roumain libre – d’orientation démocratique, très influent parmi les membres de l’exil roumain.

Ion Raţiu : « Nous avons sorti, dès 1955, un bulletin d’infos hebdomadaire en anglais. On l’appelait Free Romanian Press, et il était censé informer l’Occident, notamment les journaux, les députés et les hommes politiques britanniques, de la situation en Roumanie. 20 ans plus tard, nous avons transformé cette publication en une revue que l’on l’appelait toujours « La presse roumaine libre », seulement elle était devenue une sorte de brochure mensuelle en anglais et en français. En 1965 nous avons créé l’association « Acarda », qui était une Association culturelle des Roumains de Grande Bretagne. Bien qu’appelée « culturelle », selon la tradition transylvaine des siècles passés, « culturel » signifiait aussi « politique », car il s’agissait d’affirmer nos aspirations. »

En 1985, Ion Raţiu était persuadé que seule l’unité de tous les Roumains pouvait déterminer un retour à la démocratie. Aussi, son organisation s’adressait-elle à tous ceux qui souhaitaient s’engager dans les efforts de restauration de la démocratie.

Ion Raţiu : « En 1980, nous avons lancé, avec le professeur Brutus Coste des Etats-Unis, un appel par lequel nous informions tout le monde qu’il fallait agir pour que ce pays soit dignement représenté en Occident. Un Comité national roumain avait existé jusqu’en 1975. Nous avons estimé que l’on devait continuer cette lutte, nous avons lancé cet appel et nous avons créé, en 1984, l’Union Mondiale des Roumains Libres. Nous avons affirmé dès le début que cette entreprise ne pouvait reposer sur des partis politiques, que tous devaient faire un effort pour la cause roumaine, se joindre à nous, quel que soit le parti auquel ils appartenaient ou avaient appartenu dans le passé. Cela ne veut pas dire que les partis ne doivent pas faire leur travail. Au contraire, les partis doivent faire leur travail, car il n’y a pas de démocratie sans partis politiques. »

De retour en Roumanie en 1990, Ion Raţiu a été le même homme ferme dans ses convictions démocratiques, un véritable repère moral. Il est décédé le 17 janvier 2000 à Londres, mais son corps a été ramené dans son pays natal et enterré dans sa ville de Turda, comme il l’avait souhaité. (Trad. : Dominique)

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