Echos roumains de la révolution anticommuniste hongroise de 1956
Le 23 octobre 2016, cela fait exactement 60 ans que s’est déclenchée la révolution hongroise de 1956 contre le joug communiste. Organisées par les jeunes avec le soutien du leader réformiste Nagy Imre, les manifestations d’abord pacifiques se sont transformées en de véritables combats au moment où le Kremlin a décidé d’intervenir pour noyer dans le sang la révolution hongroise et reprendre le contrôle de Budapest.
Steliu Lambru, 31.10.2016, 14:53
Le 23 octobre 2016, cela fait exactement 60 ans que s’est déclenchée la révolution hongroise de 1956 contre le joug communiste. Organisées par les jeunes avec le soutien du leader réformiste Nagy Imre, les manifestations d’abord pacifiques se sont transformées en de véritables combats au moment où le Kremlin a décidé d’intervenir pour noyer dans le sang la révolution hongroise et reprendre le contrôle de Budapest.
L’insurrection hongroise n’est pas restée sans écho en Roumanie, elle-même en proie à un des régimes communistes les plus durs d’Europe. La réaction la plus forte aux événements de Budapest, on l’a également constatée dans les villes estudiantines de Timisoara, Cluj et Oradea, près de la frontière hongroise, ainsi qu’à Iasi, en Moldavie ou à Bucarest. Partout, les jeunes Roumains se sont ralliés aux protestations de leurs confrères hongrois. Mais le régime communiste encore plus répressif et l’absence des leaders ont fait que les manifestations de Roumanie aient moins d’ampleur que celles de Hongrie.
L’homme politique Nestor Badiceanu d’Oradea, ville proche de la frontière hongroise, remémore au micro de Radio Roumanie les événements qu’il a vécus en octobre 1956: «A Oradea où 30% de la population est d’origine magyare, l’ambiance était électrisante. Partout, on écoutait la radio à fond, les fenêtres grand ouvertes. On s’attendait que l’insurrection éclate d’un moment à l’autre chez nous aussi, que le phénomène se généralise. On s’est fait de fausses espoirs. Ce jour-là, j’ai pris le train pour me rendre à Lugoj et dans chaque gare dotée de rampe de chargement, j’ai vu des chars. Il y avait des trains qui stationnaient dans nos gares avant de se mettre en marche vers la Hongrie. Les effectifs russes déployés en Hongrie ne suffisaient pas pour anéantir l’armée locale. Du coup, les Russes ont dû faire venir de nouveaux contingents. Ils ont décapité l’armée hongroise, en invitant le ministre de la Guerre à des soi-disant pourparlers pour l’arrêter par la suite, en laissant l’armée sans dirigeant».
Andrei Banc était en 1956 étudiant à la Faculté de Journalisme. Il ne saurait oublier les répressions subies par ses collègues : « La plupart des incidents et des arrestations ont eu lieu parmi les étudiants en Droit et en Philosophie plutôt que parmi ceux de la faculté de Constructions ou à l’Ecole Polytechnique, plus politisés que les premiers. La majorité de ces étudiants était de province et logeait dans des foyers. C’était parmi eux que l’on a rapporté le plus grand nombre d’arrestations et d’exclusions. Nous, les Bucarestois, on était à l’abri et isolés. En revanche, eux, ils formaient une sorte de masse compacte qui a commencé à s’agiter et que des taupes issues de leurs rangs avaient infiltrée. Il faut bien comprendre que le fait qu’une bonne partie de ces jeunes logeaient dans des foyers – les garçons séparés des jeunes filles – a contribué à l’atmosphère générale qui a provoqué les troubles en 1956. Chez nous, ce fut plutôt une sorte d’agitation. Informée par des agents infiltrés, la police politique était au courant de tout ce qui se passait, ce qui a conduit à étouffer la révolte avant qu’elle ne tourne en révolution comme ce fut le cas en Hongrie».
Nourries principalement par le manque de ressources matérielles, les revendications portaient sur le souhait de voir s’installer à la tête du pays une classe politique élue démocratiquement. Andrei Banc: «Les revendications n’étaient pas principalement d’ordre matériel. La première fut de bannir la langue russe des écoles. Les revendications étaient pour la plupart politiques et moins anti-socialistes que celle de Hongrie. On voulait par exemple une plus grande liberté et plus d’accès aux traditions culturelles roumaines ou encore à la philosophie occidentale que l’on nous présentait comme dangereuse sans que l’on puisse lire les textes originaux. Personne n’a réclamé la fin du socialisme ou l’écartement du pouvoir des communistes ou le démantèlement de l’Union de la jeunesse communiste. On n’a pas eu les mêmes revendications que celles des Hongrois. Si je ne me trompe pas, il y a eu des étudiants en Droit qui ont voulu changer quelques articles dans la Constitution, mais c’était tout».
Lui-même étudiant en 1956, le professeur Ion Agrigoroaiei de la Faculté d’Histoire de l’Université de Iasi se souvient des répercussions subies par ses collègues suite à leur solidarité avec les révolutionnaires hongrois: «En 1956 et toute l’année d’après l’insurrection hongroise, un climat de tension s’est installé chez nous aussi. Un de mes copains, d’une année mon cadet, fut arrêté en 1957 et condamné à 7 ans de prison ferme juste pour avoir dit une blague politique sur l’arrivée des Soviets en Hongrie. On savait très bien ce qui se passait là-bas, bien que les autorités roumaines aient essayé de nous présenter les faits comme étant des actes terroristes entrepris par les révolutionnaires hongrois. On savait par exemple que Nagy Imre fut livré aux forces répressives. Ma génération a réussi à connaître la réalité, bien que c’était difficile».
L’écho de la révolution hongroise de 1956 s’est propagé jusqu’en Roumanie où des milliers d’étudiants ont été arrêtés et chassés des universités. On assistait donc à une nouvelle répression communiste qui prouvait, une fois de plus, que ce régime n’acceptait aucune réforme. (trad. : Ioana Stancescu)