Dumitru Prunariu, le premier astronaute roumain
Les missions spatiales ont depuis
toujours réussi à réunir des hommes de tous horizons, de toutes cultures, de
différentes ethnies et de n’importe quelle frontière géopolitique. Idéal de
l’humanité tout entière, le vol spatial a non seulement repoussé les frontières
de la science, mais il a aussi fait voler en éclats l’isolationnisme et les
frontières artificiellement érigées par les idéologies étriquées du 20e
siècle. Voici 40 ans, le 14 mai 1981, Dumitru Prunariu devenait le premier
astronaute roumain, lorsqu’il se détachait de la Terre, avec à ses côtés le
colonel Leonid Popov, au bord de la navette « Soyouz 40 », censée
rejoindre la station spatiale Saliout 6 – Soyouz T-4. C’était le point d’orgue
d’une longue période de préparation intense, le moment culminant de la carrière
du jeune astronaute roumain, alors âgé de 29 ans.
Steliu Lambru, 30.08.2021, 10:56
Les missions spatiales ont depuis
toujours réussi à réunir des hommes de tous horizons, de toutes cultures, de
différentes ethnies et de n’importe quelle frontière géopolitique. Idéal de
l’humanité tout entière, le vol spatial a non seulement repoussé les frontières
de la science, mais il a aussi fait voler en éclats l’isolationnisme et les
frontières artificiellement érigées par les idéologies étriquées du 20e
siècle. Voici 40 ans, le 14 mai 1981, Dumitru Prunariu devenait le premier
astronaute roumain, lorsqu’il se détachait de la Terre, avec à ses côtés le
colonel Leonid Popov, au bord de la navette « Soyouz 40 », censée
rejoindre la station spatiale Saliout 6 – Soyouz T-4. C’était le point d’orgue
d’une longue période de préparation intense, le moment culminant de la carrière
du jeune astronaute roumain, alors âgé de 29 ans.
La mission
des deux astronautes, l’un roumain, Prunariu, l’autre soviétique, Popov, a été
couronnée de succès. 40 ans après, les médias roumains n’ont pas lésiné sur les
moyens pour faire revivre au public roumain cette belle page de la conquête
spatiale. La télévision publique a même consacré une émission d’une heure à
l’astronaute roumain, ainsi qu’à la mission Soyouz 40. Et, avec le recul du
temps, Dumitru Prunariu croit toujours que le secret de la réussite d’une telle
mission à deux réside dans le degré de compatibilité des membres de l’équipage.
Dumitru Prunariu : « Leonid Popov m’avait adopté tel son frère cadet. Dès le départ de notre
collaboration, j’avais pu constater le haut degré de compatibilité entre nous
deux. Il y avait 7 années de différence d’âge entre nous. Je maîtrisais bien la
théorie, lui la pratique, nous étions complémentaires. Nous avions confirmé
lors des examens finaux, ceux qui décidaient de la composition de l’équipage de
la mission. Nous avons réussi le résultat maximum à tous les tests. »
L’homme qui a une fois vu la Terre de
loin avait vite fait de se retrouver aujourd’hui sous le feu des questions.
L’une d’entre elles portait sur les effets de l’impondérabilité.
Dumitru Prunariu : « Au départ,
l’on est gagné par un sentiment d’euphorie, lorsque l’on voit les objets
flotter autour. Je regardais le manuel de bord, situé juste sous mes yeux, et je
l’ai vu se mettre à flotter. C’était une drôle de sensation. Mais, par la
suite, l’on ressent un certain malaise, qui s’accentue rapidement durant les
deux premiers jours. Cela se traduit par des maux de tête, on est parfois gagné
par le vertige, le système vestibulaire devient confus, l’on perd son nord. La
pression artérielle souffre également des modifications, tout comme les
articulations et les muscles. L’organisme est mis sous pression, les paramètres
sont différents des ceux auxquels il était habitué sur Terre. »
Mais les anecdotes émaillent le récit de
voyage de Dumitru Prunariu, telle cette botte de jeunes oignons que l’équipage
de la navette Soyouz 40 avait rapportée aux cosmonautes résidents de la station
orbitale.
Dumitru Prunariu : « Je vous rassure tout de suite :
les cosmonautes sont des gens comme tout le monde, avec des familles, des
envies, des lubies. Ils ressentent quelquefois le besoin de trinquer et de
boire un coup, de manger un bon bout. Après deux mois passé dans l’espace, le commandant de la station spatiale, Vladimir
Kovalionok, n’avait qu’un désir : croquer de jeunes oignons. Il s’en était
confié à sa femme, elle savait que nous allions le rejoindre avec la navette de
ravitaillement. Elle a passé alors en douce la botte de jeunes oignons au
médecin de l’équipage, un certain Ivan, qui nous avait accompagnés jusqu’à la
porte de la navette. C’est là qu’il sortit de sa trousse de médecin la botte,
recouverte d’une feuille de vieux journal, nous chargeant de la porter à Volodia.
Nous nous sommes regardés en chiens de faïence. Mais Popov m’avait fait signe
de mettre l’objet dans la poche vide de l’un de mes gants. Et un jour et demi
plus tard, Vladimir Kovalionov savourait le cadeau de sa femme. »
Mise à part la botte de jeunes oignons,
Prunariu avait remporté dans sa besace un petit cadeau fort à propos, une
petite bouteille d’eau-de-vie roumaine : « Il le fallait bien. Au
fond, nous leur rendions visite. Ça ne se fait pas d’y aller les mains vides.
Il fallait emporter une bouteille de vin, un peu d’eau-de-vie au moins. J’avais
choisi l’eau-de-vie. Ce fut un plaisir. Cela dit, il a fallu la boire à la
paille. Quand on est en état d’impesanteur, on ne peut pas trinquer dans de
vrais verres. Mes collègues s’esclaffaient en réclamant le petit verre. Moi,
naïf, je me demandais bien ce qu’ils voulaient dire. Et puis, j’en voie un
arracher un petit tuyau de la cabine, l’introduire dans la bouteille et tirer
l’élixire. Comme quoi… »
Dumitru Prunariu est rentré dans
l’atmosphère terrestre après 8 jours passés dans l’espace. Le journaliste et
écrivain SF Alexandru Mironov se souvient encore du moment de son retour :
« Nous, les journalistes, l’avons rencontré dans le Salon de marbre de
la Maison de la presse, à Bucarest. J’avais presque peur pour lui, a
posteriori. J’imaginais ce gosse tournoyer dans ce bidon métallique, au milieu
de l’infini effrayant du cosmos. Et
lorsqu’il se montra, il était, en effet, d’apparence timide, comme effrayé.
Mais il était, en fait, effrayé par notre présence, nullement à cause de
l’espace. C’est un mec taillé dans le roc. Malheureusement, nous avions reçu
l’ordre des politiques de parler juste en passant de l’exploit de Dumitru
Prunariu. Il ne fallait surtout pas faire de l’ombre aux grandes « personnalités »
politiques de l’époque qu’étaient Nicolae Ceauşescu et sa femme, Elena. Il ne
fallait parler que d’eux dans la presse. Pourtant, et en dépit de ce coin
d’ombre dans lequel Dumitru Prunariu a été plongé à cause de ces ordres, son
nom a été consacré, tant par la science que par l’attachement que lui a voué le
grand public tout au long de ces années. Prunariu avait lui aussi bien compris
son rôle, et il n’a pas hésité à descendre au milieu des gens, pour plaider la
cause de la conquête spatiale. Et le public le lui a bien rendu. »
Le courage et les efforts consentis à
l’occasion de leur mission par Leonid Popov et Dumitru Prunariu ont été reconnus
à travers les plus hautes décorations roumaines et soviétiques, qui leur ont
été conférées à l’occasion. Aujourd’hui, témoignage de l’exploit, la capsule de
la mission avec laquelle les deux cosmonautes sont retournés sur Terre peut
être visitée au Musée militaire national de Bucarest. (Trad. Ionuţ Jugureanu)