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Diplomates étrangers en Roumanie. Le comte de Saint-Aulaire.

Né en 1866 et mort en 1954, Auguste-Félix-Charles de Beaupoil, comte de Saint-Aulaire, est venu en Roumanie en tant qu’ambassadeur de France pendant l’été tumultueux de l’année 1916 – année où notre pays entrait dans la Première Guerre Mondiale. «Notes d’un diplomate d’autrefois. En Roumanie entre 1916 et 1920» réunit les écrits du comte ambassadeur sur les transformations profondes qui se passaient sous ses yeux. Ce livre est une des plus importantes et riches sources d’informations sur les jeux politiques et les tragédies ayant marqué la fin de la Grande Guerre. Roumanophile, anticommuniste et partisan de l’entrée de la Roumanie dans la guerre, Saint-Aulaire fait preuve d’un solide esprit analytique quand il regarde le monde qui l’entoure et d’esprit visionnaire quand il regarde la marche de l’histoire.

Diplomates étrangers en Roumanie. Le comte de Saint-Aulaire.
Diplomates étrangers en Roumanie. Le comte de Saint-Aulaire.

, 06.02.2017, 14:06

Né en 1866 et mort en 1954, Auguste-Félix-Charles de Beaupoil, comte de Saint-Aulaire, est venu en Roumanie en tant qu’ambassadeur de France pendant l’été tumultueux de l’année 1916 – année où notre pays entrait dans la Première Guerre Mondiale. «Notes d’un diplomate d’autrefois. En Roumanie entre 1916 et 1920» réunit les écrits du comte ambassadeur sur les transformations profondes qui se passaient sous ses yeux. Ce livre est une des plus importantes et riches sources d’informations sur les jeux politiques et les tragédies ayant marqué la fin de la Grande Guerre. Roumanophile, anticommuniste et partisan de l’entrée de la Roumanie dans la guerre, Saint-Aulaire fait preuve d’un solide esprit analytique quand il regarde le monde qui l’entoure et d’esprit visionnaire quand il regarde la marche de l’histoire.

Selon l’historienne Alina Pavelescu, les mémoires de Saint-Aulaire devraient être lus deux fois : « La première scène que j’aie lue dans ce livre, ce fut celle où Saint-Aulaire raconte sa visite dans le bureau d’Aristide Briand, avant son départ pour la Roumanie. Le comte note que le bureau de cet homme était aussi vide de papiers que sa tête l’était d’idées. Il me l’a ainsi rendu très sympathique et j’ai pensé que ce personnage méritait la reconnaissance de tous ceux qui reportent indéfiniment le moment de mettre de l’ordre dans les papiers qui traînent sur leur bureau. Je recommande une double lecture de ce livre. La première lecture se déroule très bien pour nous, les Roumains, car elle nous est très favorable. Dans certaines circonstances, elle nous est même plus favorable que les mémoires des Roumains de l’époque, car Saint-Aulaire est un personnage de l’histoire amoureux de la reine Marie. Il dit des choses extrêmement belles sur la capacité des Roumains à se sacrifier et sur la générosité qu’ils mettent dans ce geste, il parle de la classe politique roumaine d’une façon dont nous n’avons pas l’habitude de le faire. La lecture des mémoires du comte de Saint-Aulaire est d’autant plus flatteuse pour nous, que, tout en parlant des Roumains comme il le fait, il est très critique à l’adresse de la classe politique française. »

Le comte de Saint-Aulaire fait preuve d’une intelligence remarquable, prouvant qu’il comprenait le monde qu’il avait intégré. Selon Alina Pavelescu, la seconde lecture nous aide à mieux saisir les observations des auteurs : «Je recommande une seconde lecture, car Saint-Aulaire n’est qu’en apparence une source facile à repérer dans le paysage de l’époque. Pourquoi ? Parce qu’il est un aristocrate représentant une république, c’est un conservateur qui sert de diplomate à un gouvernement de gauche, un civil qui se retrouve, à un moment donné, claustré, aux côtés de beaucoup d’autres, dans un milieu dominé par la guerre et l’armée, par les militaires et leur logique. Nous connaissons la fin de l’histoire, mais lorsque nous lisons les mémoires de Saint-Aulaire, nous ignorons de quelle façon tout allait se terminer. Il est vrai qu’il écrit en 1953, il sait, avec une certaine tristesse, quel a été le sort de la Grande Roumanie, il voit en quelque sorte confirmés ses jugements sévères sur la paix conclue après la première guerre mondiale. Il ne sait pourtant pas comment a fini le monde instauré suite à la victoire de l’Union Soviétique dans la seconde guerre mondiale. Pourtant, à chaque fois, le lecteur est confronté aux différents plans et il doit déceler de quelle façon ces gens-là voyaient les choses lors des différentes étapes, quand ils ne savaient pas comment tout allait finir. En tant que Français, il venait d’une société qui était à l’époque beaucoup plus favorable aux Russes que la société roumaine. Les Français aimaient les Russes et peut-être les aiment-ils encore plus que nous, les Roumains, nous ne les avons jamais aimés. Saint-Aulaire ne souffre pas de russophilie – même au contraire, je dirais. Il ne se faisait pas d’illusions même pas d’illusions sur la Russie tsariste au moment où il entre en contact, à Bucarest, avec les représentants de la Russie avec lesquels était négociée l’entrée de la Roumanie dans la guerre.»

L’historien littéraire Dan C. Mihăilescu parle de la manière dont Saint-Aulaire était vu par les hommes politiques roumains de l’époque : « L’homme politique Ion Gheorghe Duca savait très bien gouverner le monde diplomatique et faisait preuve d’une grande perspicacité à saisir les gestes et les paroles des diplomates. Or, en parlant de Saint-Aulaire, il dit : « Mon Dieu, cet homme est honnête. » Comme tous les Français, il ne savait pas s’adapter. S’adapter à la façon des Roumains de faire des affaires, au byzantinisme, au jeu « une maille à l’endroit, une à l’envers » c’était très difficile. Le pauvre Saint-Aulaire ne savait pas comment naviguer entre les conservateurs de Marghiloman et Carp, qui étaient germanophiles, et les francophones Brătianu, Duca, Barbu Ştirbey, la reine Marie. Peu à peu ce français apprend à se plier aux horizons d’attente et il devient un expert de la psychologie mercantile des Roumains. »

Comme on peut le constater en lisant ses mémoires, le comte de Saint-Aulaire a été un visionnaire. Il a pu anticiper l’échec du communisme. Dan C. Mihăilescu explique. SON : « J’admire cet homme parce qu’il a su être un partisan de la droite et un conservateur qui, dans une Europe dominée par les médias de gauche, à l’époque de la guerre civile en Espagne, n’a pas hésité à se ranger du côté des nationalistes de Franco. Saint-Aulaire était l’arrière petit-fils d’un colonel de Beaupoil, qui avait lutté en Vendée, là où avait eu lieu les plus terribles massacres de la révolution française, mère de la révolution bolchevique. Cet homme, proche des représentants du pouvoir qui ont été les artisans de la Grande Roumanie. Il a été proche du roi Ferdinand, de la reine Marie, de Barbu Ştirbey, de I.G. Duca et il sait nous offrir, à travers le filtre de sa subjectivité, toute une documentation sur ces grands événements. Il nous offre également, dans ses mémoires, la petite histoire : toute une série de détails piquants et d’intrigues, les manigances, les jalousies et les favoritismes que l’on retrouve dans toute diplomatie. »

Le livre du comte de Saint-Aulaire est le livre de quelqu’un qui a compris la monde où il a vécu et qui a deviné son avenir. Un avenir d’habitude teinté de noir. (Trad. : Dominique)

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