Décembre 1918 – les premiers pas d’une nouvelle Roumanie
A l’issue de la première guerre mondiale, vainqueurs et vaincus, marqués les uns comme les autres par les drames vécus, respiraient enfin soulagés : le calvaire avait pris fin. Rangée du côté des vainqueurs, la Roumanie sort territorialement agrandie du conflit et se réunit avec le Banat, la Bucovine et la Transylvanie. Du coup, en 1918, une nouvelle Roumanie faisait son apparition sur la carte redessinée de l’Europe Centrale et de l’Est. Au lendemain de la Grande Guerre, l’Europe a vu ses structures politiques réaménagées selon des critères nationaux. Le principe de l’autodétermination nationale en fonction du critère de la majorité ethnique s’est avéré primordial pour la création de nouvelles entités étatiques.
Steliu Lambru, 05.12.2016, 16:09
Sortie victorieuse du conflit, l’Entente a imposé ses conditions de paix aux Puissances centrales. A part les pertes territoriales significatives, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et leurs alliés ont dû payer de lourdes indemnités de guerre. La signature en 1916 par la Roumanie d’un traité avec les Alliés lui assurant l’entrée en guerre a permis à Bucarest d’exiger un maximum de réparations lors du conflit.
Le professeur d’histoire roumaine contemporaine Ioan Scurtu examine au micro de RRI le sort des pays européens à la fin de la Première Guerre mondiale : « La signature d’un armistice pour faire cesser les hostilités précède la Conférence de paix de 1919. L’occasion de signer des traités avec chacune des Puissances centrales. Le principal traité reste celui conclu le 28 juin 1919, avec l’Allemagne, qui comportait aussi des paragraphes visant sa position envers d’autres pays. Berlin s’engage ainsi à reconnaître les nouvelles frontières roumaines, à payer des dédommagements de guerre, des compensations pour la période d’occupation militaire et surtout pour avoir émis par l’intermédiaire de la Banque générale des lei sans contrepartie en or, une monnaie imposée d’ailleurs par l’occupant. D’autres sanctions stipulées par la conférence concernaient d’autres pays. Connue sous le nom général de « Traité de Versailles », la conférence de paix a débouché sur la signature de plusieurs documents ».
Les Roumains de l’Empire d’Autriche-Hongrie se prononcent en faveur de leur union avec le Royaume de Roumanie. Par ailleurs, à l’initiative du Conseil national roumain, le Congrès général de la Bucovine réuni à Cernauti le 28 novembre 1918 décide à l’unanimité, avec l’appui de la majorité des représentants allemands et polonais, de l’union avec la Roumanie. Quelques jours plus tard, le 1er décembre, lors de l’Assemblée nationale d’Alba Iulia, les Roumains de Banat et de Transylvanie disent à leur tour oui à leur union avec la Roumanie. Ce sera à Vasile Goldiş de lire la résolution de l’Union le 1er décembre. Deux jours plus tard, le 3 décembre, une délégation formée d’Alexandru Vaida Voevod, Vasile Goldis et des archevêques gréco-catholique Iuliu Hossu et orthodoxe, Miron Cristea, se présentent devant le roi Ferdinand I qui, le 25 décembre, décide par décret royal de la création de la Grande Roumanie.
Mais le nouvel Etat a besoin de se voir reconnaître sur le plan international aussi. Une démarche assez pénible, comme nous le dit le professeur Ioan Scurtu : « Le chef de la délégation roumaine à la Conférence de paix, Ionel Bratianu, a eu la naïveté de croire que la Roumanie serait traitée sur un pied d’égalité avec les autres pays. Puisque nous avons été tous égaux sur le champ de bataille, on devrait l’être à la table des négociations aussi. Malheureusement, à Versailles, on a assisté à la création d’un groupe de pays connu sous le nom du Conseil des 5 qui en fait n’étaient que 4 : les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la France et l’Italie. C’était à lui de décider de tout. En vain Bratianu a-t-il essayé d’imposer le principe d’égalité entre les vainqueurs. Le président américain, Wilson, a déclaré que la valeur de chaque pays était égale à sa puissance militaire. Or, de ce point de vue, la Roumanie était loin de faire belle figure. A tout cela, d’autres problèmes se sont ajoutés. Le fait que dans le traité de 1916 il n’était pas question de la Bessarabie, mais seulement des territoires roumains de l’Empire d’Autriche-Hongrie. En dehors de cela, la partie roumaine a réclamé des problèmes visant la libre transition des marchandises et des personnes et la libre circulation des biens appartenant aux Alliés sur le territoire roumain, tout comme des problèmes concernant la protection des minorités. A propos de ce sujet, Bratianu avait déclaré que la Roumanie se disait prête à tout moment à accorder aux minorités les mêmes droits qu’elles se voyaient accorder par les pays membres du Conseil des 4. Cela se voulait un appel à la non-discrimination lancé par la Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Grèce. Mais les propositions de Bratianu sont restées sans écho ».
Finalement, ce sera grâce à l’appui de la France que le premier ministre roumain I.C. Bratianu allait obtenir la reconnaissance du nouvel Etat roumain. Pourtant, celui qui allait signer les traités de paix sera Alexandru Voida Voevod, le premier chef de gouvernement originaire de Transylvanie. Véritable projet grandiose, la Grande Roumanie doit son existence à plusieurs personnalités historiques telles le roi Ferdinand et son épouse, la reine Marie, et le responsable politique libéral Ion C. Bratianu. Promulgué le 25 décembre 1918, le document royal confirme la volonté nationale : celle de voir tous les Roumains unis au sein du même territoire. (trad. : Ioana Stancescu)