De l’histoire de la presse féminine roumaine
En Roumanie, le thème de l'émancipation des femmes et du féminisme fait son apparition dès la seconde moitié du XIXe siècle, souvent à travers des articles de presse. Par ailleurs, des articles qui ciblent de manière spécifique les intérêts des femmes font de plus en plus leur apparition dans toutes les publications. Les magazines qui portaient à bras le corps le thème de l'émancipation des femmes commençaient à avoir une audience constante, dont le magazine « Femeia » (« La femme »).
Steliu Lambru, 08.07.2024, 09:19
Les droits de l’homme, énoncés depuis le XVIIIe siècle, font la promotion de l’égalité, au-delà de tout critère de religion, de race, d’origine ethnique ou encore de sexe. Mais l’émancipation des femmes ne devient un thème d’actualité qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, autant le socialisme que le féminisme rangeant de plus en plus les droits des femmes au cœur de leur vision de la société. Les efforts les plus assidus ont certes été déployés pour promouvoir les droits salariaux et les droits politiques des femmes, le droit de vote devenant un acquis dans la plupart des pays occidentaux au XXe siècle. Dans ce contexte, le rôle de la presse dans la promotion des droits des femmes a été évidemment essentiel.
Un sujet déjà abordé au 19e siècle
En Roumanie, le thème de l’émancipation des femmes et du féminisme fait son apparition dès la seconde moitié du XIXe siècle, souvent à travers des articles de presse. Par ailleurs, des articles qui ciblent de manière spécifique les intérêts des femmes font de plus en plus leur apparition dans toutes les publications. Les magazines qui portaient à bras le corps le thème de l’émancipation des femmes commençaient à avoir une audience constante, dont le magazine « Femeia », « La femme. Journal apolitique », qui paraît en 1868. D’autres magazines lui emboîtent le pas, tels que « la Femme roumaine », « la Femme du village », « Femme et foyer », « la Femme orthodoxe », « la Femme élégante », et même « la Femme qui travaille ». La plus longue période de parution ininterrompue d’un magazine féminin, intitulé « la Femme » a eu lieu dans la période communiste, entre 1946 et 1989. Un titre qui a fait peau neuve après 1989, mais qui continue de paraître aujourd’hui.
A leurs débuts, les magazines féminins étaient pourtant rarement écrits par des femmes, qui n’entreront que bien plus tard dans le monde de la presse. La social-démocrate Elena Gugian fut l’une des premières rédactrices roumaines d’un magazine féminin. En 2000, lors d’un entretien pour le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Gugian se souvient de ses débuts dans la presse, qui ont lieu à ses 19 ans, en 1944, lorsqu’elle adhère aussi au Parti social-démocrate.
Elena Gugian: « Il y avait beaucoup de femmes ouvrières qui avaient rejoint les rangs du parti. Elles travaillaient dans le textile, chez APACA, dans le chocolat, à la confiserie Anghelescu, sise rue Şoseaua Viilor, ou encore dans une fabrique de conserves, dans le pharma, dans une usine de tabac. Des industries où les employés étaient majoritairement des femmes, et dans lesquelles nous avions pu implanter des organisations du parti et tenir des réunions. Ce fut une époque où je rencontrais énormément de femmes, j’ai parlé avec des femmes en tant que journaliste, j’enregistrais aussi énormément pour les besoins du magazine de l’organisation des femmes du parti, qui s’appelait « la Femme ouvrière ». »
La figure de l’ouvrière dans la Roumanie communiste
« La Femme ouvrière » défendait notamment les droits sociaux des femmes. Elena Gugian se souvient dans son entretien de la renaissance de cette publication dès la fin de la guerre :
« Ce titre de presse était connu depuis 1930. Elle était parue en petit format, ressemblant à une petite affiche, et ne comptant que deux pages. En 1938, autant la démocratie politique que la presse indépendante sont passées à la trappe. Le titre réapparait en 1946, sous forme de magazine, dans un format qui comptait 32 pages, édité en noir et blanc, avant que certaines couleurs, tel le rouge ou le bleu, ne deviennent accessibles. »
Elena Gugian adorait son métier de journaliste de terrain :
« J’étais le plus jeune membre de la rédaction, je faisais du terrain, je courrais partout accompagnée d’un photographe, pour collecter des infos, pour faire des reportages. J’étais aussi en lien avec les services de presse des délégations et des ambassades établies alors à Bucarest, et c’est par leur entremise que je recevais des images et des articles de presse qui relataient de l’action des militantes sociales-démocrates à travers le monde. » (trad. Ionut Jugureanu)