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Aktionsgruppe Banat

« Aktionsgruppe Banat » ou « Le groupe d’action Banat » a été un mouvement littéraire et d’opposition politique au régime communiste de Roumanie, mouvement qui rassemblait plusieurs écrivains roumains de langue allemande. C’est en 1972, sur fond de l’assouplissement idéologique débuté au milieu des années 1960, que neuf auteurs créent ce cénacle littéraire dans un lycée de la ville de Sânnicolau Mare (département de Timis, ouest de la Roumanie). En avril ’72, le journal de langue allemande « Neue Banater Zeitung » de Timisoara publiait les opinions d’un nombre de jeunes écrivains sur la littérature et la réalité sociale de l’époque, sur la situation des jeunes en général. Le groupe a pris son nom, « Aktionsgruppe Banat », pour montrer qu’il avait assumé la mission d’être un groupe d’action des jeunes écrivains. « Aktionsgruppe Banat » est rapidement devenu un groupe culturel non-conformiste, de critique sociétale et d’action politique contre le régime Ceauşescu.

Aktionsgruppe Banat
Aktionsgruppe Banat

, 26.03.2018, 14:25

« Aktionsgruppe Banat » ou « Le groupe d’action Banat » a été un mouvement littéraire et d’opposition politique au régime communiste de Roumanie, mouvement qui rassemblait plusieurs écrivains roumains de langue allemande. C’est en 1972, sur fond de l’assouplissement idéologique débuté au milieu des années 1960, que neuf auteurs créent ce cénacle littéraire dans un lycée de la ville de Sânnicolau Mare (département de Timis, ouest de la Roumanie). En avril ’72, le journal de langue allemande « Neue Banater Zeitung » de Timisoara publiait les opinions d’un nombre de jeunes écrivains sur la littérature et la réalité sociale de l’époque, sur la situation des jeunes en général. Le groupe a pris son nom, « Aktionsgruppe Banat », pour montrer qu’il avait assumé la mission d’être un groupe d’action des jeunes écrivains. « Aktionsgruppe Banat » est rapidement devenu un groupe culturel non-conformiste, de critique sociétale et d’action politique contre le régime Ceauşescu.

L’historien Corneliu Pintilescu, de l’Institut d’histoire « George Bariţiu » de Cluj-Napoca, affirme que le groupe avait dès le début prouvé sa force. Comme tout intellectuel vivant sous le régime communiste et sa toute-puissante censure, les membres du Groupe d’action Banat se sont confrontés aux problèmes liés à la publication de leurs textes. Pour les éviter, ces jeunes écrivains de langue allemande ont fait appel à l’humour ; et puis le fait de se revendiquer idéologiquement du marxisme les avait aidés, dans un premier temps, à échapper à la répression, souligne Corneliu Pintilescu : « Le groupe a été actif à Timisoara, mais s’est fait connaître aussi dans d’autres villes du Banat, entre 1972 et 1975 à peu près. Il a cependant continué à produire des effets après cette période, y compris par l’activité d’auteurs tels Herta Müller, prix Nobel de littérature en 2009. Même si elle-même et d’autres écrivains n’ont pas fait partie de l’Aktionsgruppe Banat, ils en ont subi l’influence. Ce cercle littéraire a été réinventé, par la suite, sous d’autres formes, mais ce qui l’individualise, ce sont l’appartenance idéologique assumée au marxisme critique occidental et la tentative de reproduire l’esprit des révoltes étudiantes occidentales de 1968. »

Au plan littéraire, le Groupe d’action Banat s’est fait remarquer par une série de textes porteurs, notamment à travers des jeux de mots, de critiques voilées des réalités de la Roumanie des années 1970-1980. Ces opinions, qui prenaient appui sur des théories marxistes, ont embarrassé la Securitate, lançant un véritable défi aux agents de la tristement célèbre police politique. Bien que surveillés et, parfois, interrogés ou arrêtés, ces écrivains ont beaucoup écrit et publié. La maison d’éditions Kriterion, par exemple, a publié un grand nombre de leurs créations, ce qui évoque une certaine ambiguïté dans leur relation avec le pouvoir communiste. Autre aspect intéressant – l’existence d’un réseau de liens avec les milieux marxistes d’Allemagne fédérale et d’Autriche.

Dans les années 1970, les membres du Groupe d’action Banat ont signé des textes dans de nombreuses revues occidentales de gauche. Ils expérimentent beaucoup, signent les textes individuellement ou collectivement, mais les organes de répression changent d’attitude, en fonction de la situation, explique Corneliu Pintilescu : « Le Groupe Banat est un cas particulier que moi, je considère comme un cas d’école. Il montre les politiques générales que le régime et la Securitate avaient mises en place pour maîtriser les intellectuels dans les années 1970-1980. Et puis, on y voit très bien l’évolution des méthodes, des techniques et des politiques employées par la Securitate. En 1971, William Totok est arrêté et interrogé par la police politique pour avoir envoyé une lettre à Radio Free Europe. Il est pourtant relâché, les enquêteurs ayant jugé qu’il n’avait pas commis quelque chose de trop grave et qu’une séance de rééducation appliquée par l’Union de la jeunesse communiste suffirait pour le remettre sur le bon chemin. Pour comparaison, une décennie plus tard, des cas similaires ont donné lieu à des enquêtes et débouché sur des peines de prison. Dans d’autres mots, l’apprivoisement des intellectuels est peu à peu abandonné et remplacé par des méthodes plus violentes, plus répressives. Ensuite, le cas du Groupe d’action Banat met aussi en lumière les politiques de la Securitate ciblées sur les élites intellectuelles de la minorité allemande à l’époque de Ceauşescu, des politiques liées au spécifique de cette minorité : ses liens forts avec l’ancienne République fédérale d’Allemagne, avec l’espace occidental de langue allemande. »

La Securitate a fait appel à des experts en littérature pour interpréter les textes et décrypter leur humour. Les historiens considèrent que l’appareil répressif s’était spécialisé dans le décryptage littéraire, nombreux étant ceux qui parlent même de l’apparition d’une « esthétique policière ». Il était difficile de transformer l’humour en culpabilité politique et la Securitate l’a parfaitement compris, ses agents ayant essayé de recruter l’écrivain William Totok parmi ses collaborateurs, raconte Corneliu Pintilescu : « La source Thomas, c’est-à-dire William Totok, est quelqu’un qui passe par les trois étapes de la relation qu’une personne aurait pu avoir avec la police politique. Il a été en même temps surveillé, interrogé et source d’informations. Sa surveillance débute en 1971, lorsque la Securitate découvre qu’il était l’auteur des lettres envoyées, à la fin des années 1960, à Radio Free Europe depuis la ville de Sânnicolau Mare. C’est la mère de Totok qui l’a dévoilé, sans le vouloir, dans une lettre qu’elle avait envoyée à une connaissance. Le fils est arrêté et interrogé, mais la Securitate a choisi de ne pas le renvoyer devant la justice, en dépit d’un dossier solide. Au milieu des années 1970, lorsque William Totok participait aux réunions de l’Aktionsgruppe Banat, la Securitate a voulu le recruter. Totok est d’accord, mais se signale lui-même à ses collègues. »

Tout comme d’autres mouvements d’opposition, l’Aktionsgruppe Banat – le Groupe d’action Banat, a fini par être annihilé. Certains portent un regard assez critique sur son activité, mais il faudrait lui appliquer une grille de lecture qui prenne en compte la logique entièrement répressive d’un régime de type criminel. (IT)

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