75 ans depuis la déportation des Juifs de la partie hongroise de la Transylvanie
Les commémorations sont censées rappeler aux générations futures les exactions commises par les générations d’avant. Les commémorations représentent ces leçons vécues qui nous servent à éviter le piège de la barbarie et des tragédies collectives. Certes, beaucoup méprisent ce qu’ils apprécient comme une naïveté, vu la nature humaine même, avec son potentiel destructeur illimité. Mais, pour le présent et l’avenir, le passé demeure une inépuisable source d’inspiration, un puits d’exemples aussi bien en matière de cruauté sauvage que d’héroïsme salutaire. La déportation des Juifs qui habitaient ce qu’était à l’époque la Transylvanie hongroise, ravie à la Roumanie par la Hongrie le 30 août 1940, avec le concours d’Hitler et de Mussolini, représente un tel moment historique, et dont la commémoration régulière devrait nous aider à éviter de reproduire d’innommables holocaustes futurs. Car le prix du sang que les Juifs européens ont dû payer aux fantaisies criminelles du nazisme a été particulièrement lourd en Transylvanie du Nord, dont 150 mille habitants Juifs disparaîtront en l’espace de quelques mois dans les camps de la mort.
Steliu Lambru, 23.09.2019, 13:44
Les commémorations sont censées rappeler aux générations futures les exactions commises par les générations d’avant. Les commémorations représentent ces leçons vécues qui nous servent à éviter le piège de la barbarie et des tragédies collectives. Certes, beaucoup méprisent ce qu’ils apprécient comme une naïveté, vu la nature humaine même, avec son potentiel destructeur illimité. Mais, pour le présent et l’avenir, le passé demeure une inépuisable source d’inspiration, un puits d’exemples aussi bien en matière de cruauté sauvage que d’héroïsme salutaire. La déportation des Juifs qui habitaient ce qu’était à l’époque la Transylvanie hongroise, ravie à la Roumanie par la Hongrie le 30 août 1940, avec le concours d’Hitler et de Mussolini, représente un tel moment historique, et dont la commémoration régulière devrait nous aider à éviter de reproduire d’innommables holocaustes futurs. Car le prix du sang que les Juifs européens ont dû payer aux fantaisies criminelles du nazisme a été particulièrement lourd en Transylvanie du Nord, dont 150 mille habitants Juifs disparaîtront en l’espace de quelques mois dans les camps de la mort.
En effet, au printemps 1944, les autorités magyares commencent les rafles et la déportation les juifs dans des ghettos. Hitler commençait à perdre patience et sa confiance dans la fiabilité des régimes pro nazi de Hongrie et de Roumanie commençait à s’effriter. C’est alors qu’il décide de prendre en main la mise en œuvre de la solution finale dans ces deux pays. Ainsi, tout d’abord, le régime de persécutions que les Juifs subissaient déjà dans la région hongroise de Transylvanie empire brusquement. Après le port de l’étoile jaune, les brimades en tous genres, après la mise en place d’une législation raciale qui dépouillait les Juifs de leurs droits civiles, politiques et économiques, l’on arrive à les déporter.
Marius Popescu, chercheur au Centre d’études de l’histoire juive de Roumanie « Wilhelm Filderman » nous raconte la succession des événements dans cette région transylvaine rattachée à la Hongrie pendant la deuxième guerre mondiale : « Le processus de ghettoïsation des Juifs débute le 3 mai 1944. En guise de comparaison, dans l’Europe occidentale occupée par l’Allemagne nazie, ce même processus s’est étalé sur 2 à 3 ans, alors qu’en Hongrie cela leur prit seulement un mois et demi. Cela montre à quel point les autorités nazies, épaulées par les autorités magyares, étaient pressées d’en découdre, cela dénonce un excès de zèle inouï dans leur volonté d’exterminer la population juive. »
C’est ainsi qu’apparaissent les ghettos dans les villes de la Transylvanie du Nord. Marius Popescu : « L’on retrouve des ghettos à Oradea, Cluj, Dej, Satu Mare, Sfântu Gheorghe, Târgu Mureş, Şimleu. Les Juifs des villages des alentours sont déportés dans la ville chef-lieu, entassés dans des ghettos. Mais il ne s’agit pas des ghettos au sens propre du terme. Là où, comme on l’avait fait en Pologne, les gens étaient entassées dans un endroit de la ville, on élevait des murs, et la population juive était condamnée à vivre dans la misère. En Transylvanie du Nord il ne s’agissait pas de véritables ghettos, mais plutôt des camps de transit. Les Juifs se voyaient interner dans ces camps pendant deux à trois semaines, avant d’être dirigés vers les camps de la mort. L’on utilise malgré tout le terme de ghetto, bien que ce soit une terminologie impropre. Dans la ville d’Oradea, un tiers de la population était juive. Il s’agit donc de 30 mille Juifs qui avaient été confinés dans ce que l’on appelle le ghetto d’Oradea, érigé dans la ville. A Cluj, il s’agit de 18 mille personnes, concentrées à l’endroit où à l’époque se trouvait une briqueterie. Les conditions étaient terribles, il n’y avait pas de toilettes, la distribution d’aliments avait lieu une fois par jour, et les gens survivaient surtout grâce à ce qu’ils avaient pu emporter dans leurs bagages. Lors de la rafle du 3 mai 1944, ils ont eu une demi-heure pour faire leurs bagages. Et ces ghettos étaient tous entourés de barbelés. »
Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix et originaire de la ville de Sighetu Marmaţiei, est lui aussi passé par un tel ghetto avant d’arriver à Auschwitz. Eva Hyman, la jeune fille de 13 ans, surnommée l’Anne Franck transylvaine, et qui a fini sa vie dans les chambres à gaz d’Auschwitz, y est passée aussi. Le médecin Nyiszli Miklos, originaire d’Oradea, détenu à Auschwitz et collaborateur du médecin en chef du camp, le terrible docteur Josef Mengele, surnommé l’Ange de la mort, a, lui, réussi à survivre, après avoir vécu une brève période dans ce type de ghetto. Ces trois noms représentent les personnalités les plus connues parmi les centaines de Juifs qui y sont passés et qui ont laissé des traces écrites, des témoignages de leur passage dans ces lieux terribles qu’ont été les ghettos de Transylvanie du Nord.
Marius Popescu : « Dès le moment où les Juifs passaient le seuil de ces ghettos, ils étaient des hors la loi. Ils se voyaient humiliés, rabaissés, voire tués impunément. Prenez la brasserie Dreher, un endroit où les Juifs ont été battus, torturés, électrocutés, tout cela pour qu’ils disent où ils avaient caché leur biens, leur argent, l’or, pour fournir des informations sur l’identité des personnes auxquelles ils avaient confié leur avoir. Nous avons appris tout cela grâce aux quelques survivants d’Auschwitz. Je mentionnerais Otto Adler et Oliver Lustig, ce dernier étant l’auteur de deux ouvrages de référence sur la question, dont celui intitulé « Le procès des ghettos du Nord de la Transylvanie ». Grâce aux témoignages des survivants l’on est arrivé à avoir une vision assez précise des terribles exactions et des atrocités qui ont eu lieu dans ces ghettos. »
Il y a 75 ans, 150 000 Juifs de Transylvanie perdirent leur vie dans des conditions innommables. La route qui les mena à la mort passa par ces ghettos. C’est de là que leurs témoignages nous interpellent à jamais. (Trad. : Ionuţ Jugureanu)