30 ans depuis la proclamation de l’indépendance de la République de Moldova
Steliu Lambru, 13.09.2021, 11:11
La république de Moldova proclame son indépendance le 27 août 1991, étant la 7e
ancienne république soviétique à prendre cette voie. Mais la proclamation
formelle de l’indépendance n’a été que le point d’orgue du long chemin que les
Moldaves avaient consenti à emprunter pour recouvrer leur identité et leurs
traditions ancestrales. L’apparition de la république de Moldova sur la carte
politique du monde n’aurait pas été possible en l’absence de la politique
d’ouverture lancée par Michael Gorbatchev à partir de 1985. C’est grâce à sa
politique de la pérestroïka que voyait le jour, en 1986, le Mouvement
démocratique de Moldova, celui qui allait organiser, le 27 août de l’année 1989,
ce grand rassemblement public qui demandait l’adoption de l’alphabet latin et
de la langue roumaine comme langue officielle de la république. Mais ce n’est
que le 23 juin 1990 que le parlement de Chișinău vote la déclaration
d’indépendance de la république de Moldova, et qu’il élit le premier président
du nouvel Etat, en la personne de Mircea Snegur. Le 23 juin 1991 la nouvelle
république allait finalement adopter sa titulature officielle, celle de
République de Moldova, devant l’assemblée populaire de Chișinău, et le 27 août
de la même année la déclaration d’indépendance sera lue au parlement. Enfin, en
réaction à toute cette évolution, le 16 août 1991, on voit la région de
Transnistrie faire sécession.
Alexandru
Moșanu, le président du parlement moldave, passait en revue, depuis la tribune
de l’assemblée législative, le long chemin parcouru par son pays. C’étaient des
moments avant le vote pour l’indépendance de la république : « Cher
peuple, notre désir inébranlable de liberté, ce cadeau divin destiné à chaque
être humain, est à portée de main. Dans moins de deux heures, notre parlement
se réunira en session extraordinaire pour adopter la déclaration d’indépendance
de la république de Moldova. Le chemin parcouru jusqu’à ce jour, à la fois
héroïque et tragique, fut semé d’embuches. Chacun de nous l’avait parcouru en
son âme et conscience. »
La nouvelle république allait par la suite désigner ses élus,
adoptant la voie désirée de son développement futur, et recherchant les
partenaires internationaux les plus à même d’appuyer ses efforts. L’un de ces
derniers fut tout naturellement la Roumanie, l’Etat dont la partie orientale de
sa province de Moldavie, devenue république de Moldova, avait été arrachée en
1812 pour la première fois, puis en 1940 et en 1945. C’est en effet en 1812 que
l’Empire ottoman, en plein déclin, s’était résolu à céder la Bessarabie, cette
partie de la Moldavie historique sise entre les rivières Prut et Dniestr, à l’Empire
russe, dont elle fera partie jusqu’en 1918. Réintégrée à la Roumanie suivant la
volonté de ses élus, à la faveur de la chute du tsarisme en Russie, la
Bessarabie lui sera à nouveau arrachée par Staline en 1940, avant de revenir au
bercail un an plus tard, libérée par l’armée roumaine. Les troupes soviétiques
s’emparent à nouveau de la Bessarabie, en 1944, suivant l’évolution du front de
la deuxième guerre mondiale, et la province demeure une partie de l’URSS
jusqu’à la chute du communisme. Le régime soviétique y avait introduit la
répression généralisée et a fait liquider les élites tout comme les simples gens,
voulant de la sorte effacer tout sentiment national et la mémoire de
l’appartenance de cette province à l’espace roumanophone.
Avec la renaissance de la Moldova post-communiste, la
Roumanie devenait tout naturellement le partenaire privilégié de la nouvelle
république, ainsi que le soulignait Valeriu Muravski, ancien
premier-ministre : « Notre indépendance n’est pas synonyme
d’isolationnisme. Nous l’avons dit et répété, et nous avons accompli des pas
concrets en ce sens. Nous avons développé de bonnes relations avec les
anciennes républiques soviétiques, évidemment, car nos économies étaient
interdépendantes. Mais, ensuite, nous voulons développer des relations avec les
autres Etats, la Roumanie en premier lieu. »
Le poète Grigore Vieru, aux côtés d’autres patriotes
roumanophones et roumanophiles, tels Mihai Cimpoi, Nicolae Dabija et Ion
Hadârcă, a été l’une des grandes figures de la génération d’intellectuels
moldaves, chevilles ouvrières de l’indépendance. Dans les années 1960, l’époque
du dégel idéologique en l’URSS, Vieru plaidait dans ses poèmes pour récupérer
la tradition littéraire roumaine, l’alphabet latin, valoriser les ancêtres
romains et l’histoire médiévale glorieuse de la province historique de
Moldavie, dont le symbole avait été la figure légendaire d’Etienne le Grand,
voïvode qui avait régné pendant 47 ans au 15e siècle, tenant tête à l’avancée
ottomane.
A l’occasion de l’assemblée populaire du 27 août 1991 de Chișinău,
Vieru rendait un hommage émouvant au sacrifice consenti par les Moldaves pour
recouvrer leur indépendance : « Chers compatriotes ! Le temps
qu’on a tant attendu est enfin arrivé. Le rayon de soleil dont on languissait.
C’est le fruit de nos sacrifices, le fruit issu de la souffrance des ouvriers
de la terre et des ouvriers des usines, du travail de l’écrivain et du
journaliste, de l’étudiant et du savant, de l’ouvrage de notre parlement et de
notre gouvernement. Un de nos proverbes dit ceci : si tu te lèves trop
haut, tu risques la pendaison ; si tu te baisses de trop, tu risques de te
faire piétiner. Nous nous sommes trop longuement abaissés, nous avons trop
longtemps ployé sous le poids du fardeau, pensant pouvoir conjurer le sort. Et
nous avons été foulés aux pieds. Or, voilà, aujourd’hui, nous nous sommes
relevés et ils n’y pourront rien, car il n’est pas possible de mener tout un
peuple, et tant de peuples, à la potence. »
30 ans plus tard, la République de Moldova voit enfin, après
moult épreuves, sa soif d’Europe se muer, progressivement, en réalité. (Trad
Ionut Jugureanu)