Un docteur américain en Roumanie durant la première guerre mondiale
Car, bien sûr, personne ne s’attendait à ce qu’un Américain arrive à Bucarest à cette époque-là et rende fonctionnel un hôpital militaire. Pourtant, c’est ce qui s’est passé.
Christine Leșcu, 09.06.2019, 17:28
Car, bien sûr, personne ne s’attendait à ce qu’un Américain arrive à Bucarest à cette époque-là et rende fonctionnel un hôpital militaire. Pourtant, c’est ce qui s’est passé.
Joseph Breckinridge Bayne est né en juin 1880 à Washington, où il a fait des études de médecine, à l’Université de Georgetown. Le docteur Bayne n’étant pas une personnalité de l’histoire ou de la science médecine américaine, sa biographie n’a pas été facile à reconstituer. Ernest H. Latham jr., attaché culturel à l’ambassade des Etats-Unis à Bucarest dans les années 1980, a pourtant réussi à mener cette tâche à bonne fin.
Se rapportant à sa documentation pour le livre « Une destinée étrange. J. Breckinridge Bayne, un médecin américain sur le front roumain en 1916 – 1919 » publié aux éditions Vremea de Bucarest, Ernest Latham explique : «La documentation n’a pas été facile à réaliser. Il n’a pas été une personnalité connue aux Etats-Unis, alors j’ai commencé par chercher son nom sur Internet. J’ai appris ainsi qu’il avait étudié la médecine à l’Université de Georgetown, à Washington. J’ai donc contacté l’université, qui m’a envoyé une copie de sa feuille matricule. En consultant ces documents, j’ai appris qu’il avait étudié auparavant dans une école privée de la Nouvelle Angleterre, plus exactement à Andover – école dont, par une étrange coïncidence, j’avais moi aussi été élève. J’ai donc contacté la direction de l’école. Malheureusement, là, aucun document concernant ses résultats scolaires ou les cours qu’il avait suivis ne s’était conservé, il n’y avait que la preuve qu’il avait fréquenté cette école. »
Passionné de chirurgie, le docteur Bayne n’a pourtant pas réussi à la pratiquer, comme il l’avait souhaité, car, après la mort de son père, il a dû reprendre son cabinet de médecine générale. C’est peut-être ce besoin de pratiquer la chirurgie, mais aussi son altruisme, qui ont poussé le docteur Bayne à partir comme bénévole sur le front, rejoignant le corps médical de l’armée britannique en 1916, après deux années de guerre dévastatrices pour l’Europe. Il est arrivé à Bucarest le 7 novembre 1916, avec quelques autres professionnels britanniques et presque tout de suite, ce petit groupe fut assigné au Pavillon n°1 de l’Hôpital militaire « La reine Elisabeth », avec l’accord du président de la Croix Rouge Roumaine, Alexandru Marghiloman. Le docteur Bayne allait y rester même après l’évacuation de la ville, suite à la capitulation de Bucarest devant l’armée allemande, en décembre 1916. Les Etats-Unis étant encore neutres à l’époque, Bayne a pu continuer son activité à l’hôpital, devant pourtant se passer du personnel médical qualifié, car tous les spécialistes – les Britanniques compris – s’étaient réfugiés à Iaşi. Le chirurgien a dû instruire les bénévoles restés à ses côtés, pour pouvoir opérer et soigner le grand nombre de soldats blessés qui arrivaient à l’hôpital. En affrontant les difficultés propres à une ville assiégée, le docteur Bayne a réussi non seulement à opérer, mais aussi à réaliser des prothèses pour les soldats amputés. La situation a pourtant changé en 1917, lorsque les Etats-Unis sont entrés en guerre contre les Allemands.
Bayne a été obligé de quitter Bucarest, après 8 mois de travail ininterrompu et de stress. Il n’a pourtant pas renoncé à pratiquer sa profession. Retiré dans la zone rurale du sud de la Roumanie, il a continué à soigner les paysans en proie à la pauvreté, à la malnutrition et aux différentes épidémies. D’ailleurs, lors d’une épidémie de choléra, Bayne a attrapé lui-même la maladie, mais il a réussi à guérir. Ses efforts ont été reconnus, le roi Ferdinand décidant de lui attribuer l’Ordre « L’Etoile de la Roumanie » en 1918. La même année, en été, le docteur Bayne est retourné à Washington – mais pas pour longtemps. Fin octobre, il partait de nouveau, accompagné, cette fois-ci par une équipe de la Croix Rouge, pour tâcher d’enrayer l’épidémie de typhus qui sévissait dans plusieurs villages situés au sud-ouest de Bucarest. En 1919, le docteur Bayne est rentré définitivement aux Etats-Unis et n’est plus revenu en Roumanie. De nos jours, les témoignages qui figurent dans ses mémoires, publiés en 1944 sous le titre « Bugs and Bullets » (Des bestioles et des balles), constituent un document important de la présence américaine en Roumanie pendant la première guerre mondiale – estime Ernest Latham.
Ernest Latham : « La liste bibliographique de la présence américaine en Roumanie durant les années de la première guerre mondiale est très brève. Outre les mémoires du docteur Bayne, il y a les souvenirs de l’ambassadeur américain de l’époque, Charles Vopicka, ainsi qu’une référence sommaire à la Roumanie faite par le journaliste John Reed dans son livre « The War in Eastern Europe » (La Guerre en Europe de l’Est). Quelle impression les soldats Roumains ont-ils laissée au docteur Bayne ? Une impression profonde et positive, qui contrastait avec celle que lui avait laissée les soldats russes et allemands. »
De l’avis de Bayne, les soldats roumains combattaient avec plus d’enthousiasme, non seulement parce qu’ils savaient qu’ils défendaient leur pays, mais aussi parce qu’ils se trouvaient sur cette terre à laquelle ils étaient extrêmement attachés – ce que ce médecin américain n’a pas manqué de remarquer. (Trad. : Dominique)