Sur les traces des bijoux de la reine Marie
Souveraine de Roumanie entre 1914 et 1927, en tant qu’épouse du roi Ferdinand, la reine Marie était la petite-fille de la reine Victoria d’Angleterre – par son père, le duc Alfred d’Edinbourg, deuxième fils de la souveraine d’Angleterre – mais aussi cousine germaine du dernier tsar de Russie, Nicolas II – par sa mère, la grande-duchesse Marie Alexandrovna. Restée dans la mémoire des Roumains notamment pour ses efforts diplomatiques en faveur de la Grande Union de 1918, la reine Marie a également fasciné par sa forte personnalité, par son amour des arts et des traditions roumaines. Dans son existence – comme dans celle d’autres monarques – les devoirs publics et la vie privée s’entremêlent. Une histoire apparemment intime comme celle de ses bijoux personnels en dit long sur les vicissitudes du 20e siècle roumain.
Christine Leșcu, 31.03.2019, 14:30
Souveraine de Roumanie entre 1914 et 1927, en tant qu’épouse du roi Ferdinand, la reine Marie était la petite-fille de la reine Victoria d’Angleterre – par son père, le duc Alfred d’Edinbourg, deuxième fils de la souveraine d’Angleterre – mais aussi cousine germaine du dernier tsar de Russie, Nicolas II – par sa mère, la grande-duchesse Marie Alexandrovna. Restée dans la mémoire des Roumains notamment pour ses efforts diplomatiques en faveur de la Grande Union de 1918, la reine Marie a également fasciné par sa forte personnalité, par son amour des arts et des traditions roumaines. Dans son existence – comme dans celle d’autres monarques – les devoirs publics et la vie privée s’entremêlent. Une histoire apparemment intime comme celle de ses bijoux personnels en dit long sur les vicissitudes du 20e siècle roumain.
Au cours de sa vie, la reine Marie a reçu, hérité et acheté de nombreux joyaux. Elle aurait possédé quelque 400 bijoux et pierres précieuses. Malheureusement, beaucoup d’entre eux sont introuvables. Dans son livre « Le bijoux de la reine Marie », Diana Mandache en dresse un inventaire non officiel. Elle a eu l’idée d’écrire ce livre après avoir découvert dans les archives du Conseil national pour l’étude des archives de la Securitate des dessins et des aquarelles illustrant une grande partie des bijoux de la reine. Ces images ainsi que des photos d’époque et des portraits ont constitué le point de départ de la tentative de Diana Mandache de retracer l’histoire des bijoux de la reine, à commencer par ceux hérités de sa célèbre grand-mère, la reine Victoria.
Diana Mandache : « Il s’agit notamment de deux bracelets très intéressants de l’époque victorienne, qui ont survécu à plusieurs changements de régime politique et de législation. L’un d’entre eux, ayant appartenu à la reine Victoria, est orné de cœurs et de turquoises ; des mèches de cheveux de ses 4 premiers enfants y sont incrustées. L’autre bracelet est en or et il est décoré de portraits en miniature des enfants du duc d’Edinbourg, père de la reine Marie. Parmi ses portraits se trouve celui de la princesse Marie d’Edinbourg, la future reine Marie de Roumanie. Bien que propriété privée, ces bijoux ont été confisqués après l’installation du régime communiste en Roumanie, en 1948. C’était un procédé bolchévik, que les communistes au pouvoir à Bucarest avaient adopté. Certains bijoux n’ont même pas été inventoriés et ils ont été désassemblés. »
A part les bijoux hérités de sa grand-mère, la reine Marie a reçu plusieurs joyaux comme dot, au début de son mariage avec le roi Ferdinand. Ces bijoux allaient pourtant prendre le chemin de la Russie, en même temps que le trésor de la Roumanie, après l’entrée du pays dans la Première Guerre mondiale, en 1916. Le trésor n’a été que partiellement récupéré jusqu’ici, les bijoux de la reine comptant, hélas, parmi les pièces qui n’ont pas été rendues et qui sont introuvables.
Diana Mandache : « Le premier convoi transportant le trésor de la Roumanie est parti vers Moscou le 14 décembre 1916. Au trésor s’ajoutaient deux caisses métalliques où se trouvaient les bijoux de la reine Marie et qui avaient été envoyés à Moscou sans inventaire, ce qui laisse deviner la précipitation avec laquelle on avait agi. En 1920 déjà, une information est envoyée par voie diplomatique, selon laquelle une partie des diamants se trouvant dans les boîtes à bijoux de la reine Marie auraient été vendus à Londres par l’intermédiaire du bolchévik Lev Kamenev, sans passer par les maisons de vente aux enchères, mais à des collectionneurs privés. Une autre information similaire apparaît en 1921 : une partie des bijoux de la reine Marie avaient été vendue dans les pays scandinaves, à des collectionneurs privés. Après la guerre, lors de la Conférence de paix de Paris, la reine Marie, qui a mené des négociations diplomatiques ad-hoc, soutenant les intérêts de la Roumanie, n’a porté aucun bijou. Avant tout, parce qu’elle n’en avait plus. Elle mentionne cet aspect dans son journal et dans sa correspondance. Ensuite, elle a voulu mettre en évidence ce fait et l’utiliser durant la Conférence de Paris devant la commission des réparations des dommages au sein de laquelle on discutait de la rétrocession du trésor de la Roumanie. »
Après la Grande Union de 1918 et le couronnement du roi Ferdinand et de la reine Marie en 1922, la collection de bijoux de la reine commence à se refaire par d’autres acquisitions, notamment grâce au roi.
Diana Mandache : « Le roi acquiert pour la reine Marie une tiare en saphirs et en diamants, qu’il achète en fait à la sœur de la reine, Victoria Melita. C’est toujours le roi Ferdinand qui va acquérir le célèbre collier Cartier, avec son saphir immense, un bijou à part. Par le Parlement de la Roumanie, la couronne de la reine est commandée à la maison Falize. Cette couronne est un joyau exceptionnel, en or transylvain incrusté de pierres précieuses ingénieusement agencées. Après 1948, la plupart des bijoux les plus précieux de la reine restés en Roumanie ont été alloués au ministère des Finances et à la Banque d’Etat – soit la Banque centrale du régime communiste. Par la suite, certains d’entre eux ont été envoyés à différents musées. La reine Marie allait léguer ses bijoux par testament à sa famille. Evidemment, l’exil a obligé ses membres à vendre une partie de ces bijoux. Par exemple, Ileana, fille de la reine Marie et archiduchesse d’Autriche, a dû vendre la tiare en saphirs, qui, selon ses propres dires, ne lui faisait ni chaud ni froid, alors qu’elle devait assurer la subsistance de ses enfants. Une autre fille de la reine, Mignon – ancienne reine de Yougoslavie – a vendu, en 1960, le diadème aux rayons de diamants.»
Quelques-uns des bijoux de la reine Marie restés en Roumanie après l’instauration du communisme en 1948 sont exposés actuellement au Musée national d’histoire de Bucarest, entre autres plusieurs broches et bracelets, une croix de Malte ornée d’améthystes et une ceinture en argent, opale et améthyste. (Trad. : Dominique)