Noms roumains sur la voûte céleste
Des noms roumains sont présents dans notre système solaire aussi. 13 d’entre eux nomment des formations topographiques situées sur les planètes Mercure, Vénus, Mars et sur la Lune, le satellite naturel de la Terre. Il s’agit de 11 cratères, d’une chaîne de montagne et d’une vallée. 27 astéroïdes et 3 comètes sont baptisés de noms roumains, tandis que l’appellation de 7 autres astéroïdes renvoient à la toponymie roumaine.
Steliu Lambru, 24.02.2019, 14:03
En 1961, on nommait « Montes Carpatus » une chaîne de montagnes de la Lune du nom des montagnes terrestres, les Carpates.C’est vrai que seulement deux tiers des Carpates se trouvent en Roumanie, mais leur étymologie renvoie au terme désignant la tribu antique des Géto-Daces, ancêtres des Daces. C’est en 1970 que l’on a donné pour la première fois à un corps céleste le nom d’un Roumain. C’était en l’honneur du mathématicien et astronome Spiru C. Haret (1852-1912), ministre libéral de l’éducation. L’astronome Magda Stavinschi, ancienne directrice de l’Institut astronomique de l’Académie roumaine, nous a parlé des circonstances dans lesquelles on a attribué des noms roumains aux astres:
« La nomenclature établie par l’Union astronomique internationale tente de rendre hommage aux plus grandes personnalités du monde. La Roumanie n’est pas présente depuis très longtemps sur cette carte du ciel. Le premier nom consacré à y figurer a été celui de Spiru Haret. Un cratère situé sur la face visible de la Lune a reçu son nom, au moment de la cartographie. Pour la plupart des Roumains, Spiru Haret est le ministre qui a mis au point la plus importante réforme éducationnelle en Roumanie, au début du XXe siècle. Il faut savoir, toutefois, que Spiru Haret a été aussi le premier à avoir passé un doctorat en astronomie, plus précisément en mécanique céleste. Les résultats des recherches pour sa thèse de doctorat, soutenue à Sorbonne, ont été appréciés par la communauté scientifique du monde entier. »
Découvert en 1936 par le Belge Eugène-Joseph Delporte, l’astéroïde 2331 allait être baptisé du nom du professeur astronome roumain Constantin Pârvulescu. Cet astéroïde, de forme quasi sphérique, mesure 11 km de diamètre et a une superficie de 24 km. Sa révolution autour du Soleil se fait en 3,78 ans terrestres et sa position la plus proche de la Terre a été à 140.000.000 km. Magda Stavinschi :
« Un autre nom, plus intéressant de mon point de vue, revient au premier astéroïde baptisé roumain. Il s’agit de Constantin Parvulescu. Pour l’anecdote, à cause d’une coïncidence de noms, car c’était aussi le nom d’un célèbre dissident anticommuniste, il nous était défendu de prononcer le nom de cet astéroïde. Ce sont les Belges qui avaient baptisé l’astéroïde du nom de Constantin Parvulescu, qui était un important astrophysicien et qui avait travaillé pendant un certain temps à Bruxelles. Mais alors, chez nous, à cause de son nom, ce monsieur était un parfait inconnu ».
Les noms des Roumaines ne manquent, eux non, plus à l’appel de l’espace. Des cratères présents sur la surface de la planète Vénus ont repris des noms de certaines Roumaines célèbres, mais aussi des prénoms plus communs, parfois rigolos, tels Veta, Irinuca, Natalia, Zina, Esterica. Magda Stavinschi:
« C’était au temps où je dirigeais l’Institut astronomique de l’Académie roumaine, et c’est à ce moment-là que certains éléments de relief de la planète Vénus ont été baptisés. L’on nous avait demandé de formuler des propositions. Elena Vacarescu, l’une des propositions que l’on avait faites, a été rapidement adoptée, parce qu’elle était bien connue des Français et au plan mondial. Puis, l’on a proposé Ella Marcus, célèbre astrophysicienne roumaine, Ana Aslan, les noms de pianistes célèbres et ainsi de suite. »
Magda Stavinschi avoue que les découvertes récentes de nouveaux corps célestes mettent la pression sur l’inventaire des noms disponibles, la demande augmentant constamment.
« Aujourd’hui, il y a beaucoup d’astéroïdes récemment découverts et l’heure est à la chasse aux noms. Jusqu’il y a quelques années, la coutume voulait que l’on ne baptise les corps célestes que du nom de personnalités passées dans l’au-delà. A présent, les noms nous font défaut. Pourtant, nous autres, astrophysiciens roumains, nous essayons de poursuivre la tradition de faire connaître les grands noms qui ont marqué la culture ou la science roumaine, en baptisant les corps célestes de leurs noms: Brancusi, Enesco, Eminescu, ou encore du nom des astronomes, tel Gheorghe Demetrescu, ou celui du professeur Ban, de Cluj. Il est probable que l’on retrouve de plus en plus de noms roumains sur la voûte étoilée, mais je souhaite surtout que les noms des Roumains ayant marqué de leur empreinte la civilisation roumaine et universelle demeurent.»
Le nom du poète national Mihai Eminescu ne pouvait pas manquer de cette liste. L’astéroïde 9495 et un cratère situé sur la surface de la planète Mercure ont eu l’honneur de le porter bien loin de la Terre. Magda Stavinschi :
« Les astéroïdes, ces petits corps célestes que l’on appelle aussi micro-planètes, font des va-et-vient entre les orbites des planètes Mars et Jupiter. A l’heure actuelle, on compte par milliers les astéroïdes découverts. Alors, soyez sans crainte: faites quelque chose de bon sur notre planète et votre nom sera immortalisé dans les étoiles. Ça vaut la peine, n’est-ce pas ? ».
Ce ciel, disons roumain, demeurera un patrimoine chéri des astronomes, professionnels et amateurs confondus.
(Trad. Mariana Tudose/Ionut Jugureanu)