Maisons–musées d’écrivains, à Bucarest
Christine Leșcu, 21.03.2021, 14:55
Dans
le quartier chic de Cotroceni, à Bucarest, juste en face du palais Cotroceni,
une résidence royale dans le passé et siège actuel de la présidence de la République,
il y a deux maisons-musées dédiées à des écrivains aussi différents dans leur
travail qu’ils étaient proches dans la vie: le prosateur Liviu Rebreanu et le
poète Ion Minulescu.
Dans le cas de Liviu Rebreanu, l’appartement-musée qui
porte aujourd’hui son nom et celui de son épouse, Fanny, est le seul endroit de
la capitale roumaine où l’atmosphère familiale et la salle de travail de
l’écrivain, avec sa bibliothèque et ses effets personnels, ont été reconstituées.
Romancier inclus dans les manuels scolaires, écrivain roumain né en
Transylvanie lorsqu’elle appartenait à l’Empire austro-hongrois, membre de
l’Académie roumaine, dignitaire ayant rempli de nombreuses fonctions
officielles, Liviu Rebreanu reste consacré comme l’auteur qui a rendu de manière
extrêmement réaliste la psychologie de ses personnages. Né en 1885 et décédé en
1944 à Bucarest, peu avant l’installation du communisme en Roumanie, Liviu Rebreanu
a acheté l’appartement de Cotroceni pour sa fille adoptive, Puia-Florica
Rebreanu en 1934. Bien que l’écrivain n’ait jamais vécu ici, la maison met en
évidence, en fait, l’univers intime de la famille, tel que décrit par le
muséographe Adrian David: « Ce qui justifie le nom de
Maison-musée Liviu Rebreanu est le fait qu’après la mort de l’écrivain à Valea
Mare, près de Piteşti, sa femme a emménagé dans cet appartement avec sa fille
et son gendre, où ils ont transféré tout ce qu’ils pouvaient récupérer des
anciennes propriétés immobilières de l’écrivain. L’appartement, connu aujourd’hui
sous le nom de Maison-musée Liviu Rebreanu, a été donné par la fille adoptive
de l’écrivain, Puia Rebreanu, au Musée de la Littérature Roumaine en 1992.
Après la mort de l’ancienne propriétaire en 1995 et une période de
réhabilitation, l’appartement est entré dans le circuit muséal appartenant
pratiquement, avec son patrimoine, à l’État roumain. »
Par conséquent, aujourd’hui, ceux qui
veulent connaître Liviu Rebreanu dans l’intimité de sa famille peuvent venir
dans le quartier de Cotroceni, dans le petit immeuble où se trouve
l’appartement-musée que le muséographe Adrian David continue de nous présenter: « Le bureau de Rebreanu, auquel il a écrit toute son
œuvre… Ceux qui viendront le visiter verront, par exemple, à côté du bureau,
la table orientale pour le service à café qui accompagnait en permanence
l’écrivain, car il était un grand consommateur de café, un écrivain nocturne.
Il y a la lampe de bureau en forme de hibou, une horloge que Liviu Rebreanu a
apportée de sa Transylvanie natale, du temps où elle était sous la domination
austro-hongroise. C’est une horloge impériale à laquelle il était très attaché,
car elle le faisait penser aux lieux de sa naissance, qu’il avait dû quitter
quand il s’était établi dans l’ancien Royaume de Roumanie. Mais, tout d’abord,
ce qui attire le regard des visiteurs de cette Maison-musée c’est la richesse des
objets d’art plastique. Il y a beaucoup d’œuvres, pour la plupart signées par
des amis de Rebreanu, dont certaines réalisées même dans cette maison. Par
exemple, il y a trois portraits dessinés par Iosif Iser dans le vestibule, lors
de la fête de Noël de 1913, organisée par les Rebreanu et à laquelle avaient
participé les peintres Camil Ressu, Iosif Iser et d’autres très bons amis. Ce
Noël-là, le sapin avait pris feu à cause des bougies et, selon Puia Rebreanu,
tous les cadeaux reçus pour Noël avaient brûlé. Mais, dit-elle, heureusement
les dessins de Iosif Iser en sont restés comme souvenir. Il y a aussi beaucoup
d’icônes, toutes de Transylvanie. Rebreanu était quelqu’un de très religieux et
de superstitieux. »
Cependant,
dans l’appartement voisin, vivait un autre écrivain à la nature totalement
différente: le poète symboliste Ion Minulescu, né en 1881 et mort toujours en
1944, dont les vers étaient très appréciés par les jeunes romantiques du passé.
Même le décor de cette habitation, beaucoup plus spacieuse, est différent, car l’atmosphère
est bien plus bohème, comparée à la sobriété de la maison de Rebreanu, souligne Adrian
David: « Le bâtiment dans lequel se trouvent les Maisons-musées
Ion Minulescu et Liviu Rebreanu a été mis en service en 1934. Il était connu à
l’époque sous le nom de l’Immeuble des Professeurs, car il avait été construit
pour les enseignants. L’épouse d’Ion Minulescu, la poétesse Claudia Millian,
était professeure et proviseure de lycée. Liviu Rebreanu a pris possession de
l’appartement avec l’aide d’Ion Minulescu, grâce auquel il avait obtenu un prêt
à la Maison des Professeurs. Au fil du temps, les épouses et les filles des
deux écrivains sont devenues amies. D’ailleurs,dans
la « Maison-musée Ion Minulescu Claudia Millian » sont représentés,
dans des proportions égales, tous les membres de la famille, parce que, en
dehors de la personnalité de Minulescu mieux connu chez nous, sa femme et sa
fille étaient aussi artistes et écrivaines. Claudia était diplômée du
Conservatoire d’Art Dramatique et Mioara Minulescu, leur fille, a étudié d’abord
les lettres et le français. Claudia Millian a étudié, en effet, à l’Académie
des Beaux Arts de Roumanie et de Paris, et Mioara Minulescu, à l’Académie de
Rome. Et ici, il y a beaucoup d’œuvres signées par les deux femmes: des
mosaïques, des tableaux, des sculptures. »
En plus des œuvres d’art des
propriétaires, la Maison-musée
abrite également les ouvrages de certains amis de la famille, comme nous
l’apprenons du muséographe Adrian David:
« Chez Minulescu, il y a plus de 100 tableaux et quelques dizaines de
sculptures. Ils sont tous signés par de grands noms de l’histoire des arts
plastiques de chez nous, dont certains sont de très bonnes amies de Claudia
Millian. Ses meilleures amies étaient Cecilia Cuţescu-Storck et sa sœur,
Ortansa Satmari. »
Au
milieu des années 1990, après la mort des deux filles des écrivains, Puia
Rebreanu et Mioara Minulescu, les habitations ont été données à l’État pour
devenir des Maisons-musées où
non seulement le travail des écrivains soit mis à l’honneur, mais aussi la
personnalité des femmes qui ont partagé leur vie. (Trad. : Felicia
Mitraşca)