L’univers domestique du poète George Bacovia
Ce poète symboliste enchante aujourdhui encore ses lecteurs par ses vers simples et tristes qui illustrent si bien la mélancolie quils arrivent même à lembellir. Sa survie mondaine a dépendu surtout de sa femme Agatha, grâce à laquelle la petite maison musée George et Agata Bacovia existe de nos jours. Sur sa création et sur son emplacement à la périphérie de la capitale, écoutons Lelia Spirescu, muséographe au Musée national de la littérature roumaine à Bucarest :
Christine Leșcu, 04.04.2021, 13:37
Ce poète symboliste enchante aujourdhui encore ses lecteurs par ses vers simples et tristes qui illustrent si bien la mélancolie quils arrivent même à lembellir. Sa survie mondaine a dépendu surtout de sa femme Agatha, grâce à laquelle la petite maison musée George et Agata Bacovia existe de nos jours. Sur sa création et sur son emplacement à la périphérie de la capitale, écoutons Lelia Spirescu, muséographe au Musée national de la littérature roumaine à Bucarest :
« Cétait un « quartier démocrate » comme le poète aimait lappeler. Cétait un quartier ouvrier, une partie de ce monde de la pauvreté. Il ne sagissait pas du tout dhabitants aisés. On a limpression que ce lieu a été spécialement créé pour lui. Eh bien, George Bacovia avouait à un moment donné que presque lintégralité de ses souvenirs – tant de son enfance que de sa vie adulte – étaient liés à la ville de Bacău. Toutefois, ce fut dans cette demeure quil a emménagé en 1933, aux côtés et grâce à son épouse, Agatha Grigorescu. Ce fut elle qui a réussi à la faire construire, par le biais dun crédit accordé par la Maison des enseignants, une sorte dunion professionnelle. La maison fut construite en temps record, cest-à-dire en un mois, et les travaux furent réalisés sous la coordination dAgatha Grigorescu en personne. Comme je le disais, cette demeure semble avoir été spécialement créée pour George Bacovia. Il était une personne assez solitaire, introvertie, maladive, fragile tant du point de vue physique que psychique. Il a souffert pas mal de dépressions aussi. Et en revanche, Agatha a été une optimiste, une battante tout au long de sa vie. Il est vrai quelle navait pas le choix. Elle a soutenu le poète toute sa vie, et même après sa mort. Ce fut elle qui a souhaité que sa mémoire littéraire soit vivante pour toujours, et cest pourquoi elle fit don de cette demeure à lEtat ; cétait un musée dès 1958, une année après la mort du poète. »
Même sil avait passé une grande partie de sa vie à Bucarest, George Bacovia a été marqué plutôt par sa ville natale, Bacău (est de la Roumanie). Dailleurs, son pseudonyme littéraire est issu justement du nom de cette ville Bacău – Bacovia. Lelia Spirescu :
« Le poète George Bacovia est né à Bacău le 17 septembre 1881 dans une famille de marchands qui avaient beaucoup denfants. 11 enfants sont nés dans la famille du poète dont le vrai nom était Gheorghe Andone Vasiliu, mais que nous connaissons sous son pseudonyme littéraire de George Bacovia. Son premier contact avec la ville de Bucarest date de 1903, lorsquil sinscrit à la Faculté de Droit. Par la suite, il allait se retirer de la faculté de Bucarest après trois ans pour sinscrire à celle de Iasi, études quil achève en 1911. Il fait des aller-retours entre Bucarest, Bacau et Iasi. Son épouse est née à Mizil, au comté de Prahova, le 8 mars 1895 et na pas eu une vie facile. Sa mère est décédée quelques jours après laccouchement, alors que son père est mort lorsquAgatha avait 15 ans. Elle a eu aussi deux autres sœurs. Elle fut élevée par sa famille élargie et a fait la connaissance du poète George Bacovia en 1916. Agatha Grigorescu fut à son tour poétesse. Diplômée de la Faculté de lettres et de philosophie, elle a enseigné la langue et la littérature roumaines. Elle a également été professeur remplaçant de français. Ses débuts littéraires remontent à 1923, année de la publication de son volume « Harmonies crépusculaires ».
Avec un caractère diamétralement opposé à celui du poète, Agatha a assuré à George Bacovia tout lappui matériel et psychologique dont celui-ci avait besoin. Elle a fait construire la maison bucarestoise pour quelle abrite et protège le poète, et cétait une demeure censée la représenter, affirme Lelia Spirescu :
« Cette maison est extrêmement modeste, tranquille, paisible, elle combine des dénergies tant de la part dAgatha que de George, tellement atypiques tant pour Agatha que pour Bacovia. La luminosité de limmeuble nous fait penser à loptimisme dAgatha, alors que George Bacovia sidentifie avec la modestie et la couleur sombre des meubles. Ces énergies se font sentir de nos jours encore. Les deux semblent être près de nous lorsque nous visitons cette demeure. »
Avec seulement trois pièces et quelques petites annexes, la maison musée George et Agatha Bacovia est remplie dobjets personnels du couple : meubles, livres, appareils de radio, toiles, mais aussi le violon dont le poète aimait jouer. Lelia Spirescu :
« Il a aimé en égale mesure le dessein et la musique. En fait, ce fut pour ses dessins quil a été primé pour la première fois dans sa vie. Cétait en 1899, une année à double signification pour George Bacovia. Cest en 1899 quil débute dans la revue « Literatorul », publiée par le poète Alexandru Macedonski, et ce fut la même année quil obtenait le premier prix du concours national de dessin artistique et de nature. La musique a été une autre passion de George Bacovia. En fait, cétait sa première passion, celle qui a rempli son âme et quil a découverte dès son enfance, lorsquil était membre de lorchestre de lécole. Au collège, il a même dirigé cet orchestre avec une tel sens de la musique que son professeur lui a même conseillé de suivre les cours du Conservatoire. Ce ne fut pas le cas, puisque Bacovia a choisi la poésie, tout en restant fidèle à la musique. Il a aimé le violon toute sa vie, ce fut son instrument préféré. Je crois quil ne pouvait même pas choisir un instrument qui puisse mieux résonner avec ses sentiments. Et je citerais le poète qui disait : « Au début, jai fait de la musique et selon les cordes du violon, jai écrit des vers ».
Après le décès de Bacovia, limmeuble dans lequel il a vécu et tout son patrimoine est devenu « collection dutilité publique », gérée par lépouse du poète et par leur fils. Après le don fait à lEtat en 1966, limmeuble est transformé en maison musée.