L’or blanc des Carpates
Ses utilisations multiples l’ont transformé en une marchandise extrêmement convoitée, sa valeur étant reflétée aussi par l’appellation « d’or blanc » sous laquelle elle fut connue. Les régions les plus riches en réserves de sel ont également acquis une importance spécifique proportionnelle à la valeur du sel. C’est également le cas de l’espace roumain, considéré depuis toujours comme ayant les gisements de sel les plus riches d’Europe. C’est pourquoi ces gisements ont été exploités dès l’antiquité, non seulement comme condiment dans l’alimentation, mais aussi comme médicament et conservateur naturel.
Christine Leșcu, 30.01.2018, 14:31
Ses utilisations multiples l’ont transformé en une marchandise extrêmement convoitée, sa valeur étant reflétée aussi par l’appellation « d’or blanc » sous laquelle elle fut connue. Les régions les plus riches en réserves de sel ont également acquis une importance spécifique proportionnelle à la valeur du sel. C’est également le cas de l’espace roumain, considéré depuis toujours comme ayant les gisements de sel les plus riches d’Europe. C’est pourquoi ces gisements ont été exploités dès l’antiquité, non seulement comme condiment dans l’alimentation, mais aussi comme médicament et conservateur naturel.
Radu Lungu, auteur du livre « L’histoire du sel des Carpates » publié par la maison d’éditions Paideia, en sait davantage sur les utilisations du sel par le passé. Radu Lungu :« Le sel rendait possible le transport de la viande, du poisson, des fruits et légumes, des fromages. C’est de là que dérive aussi l’intérêt extraordinaire pour le sel de l’Humanité. C’est un des éléments constitutifs de la civilisation. Utilisé comme condiment pour amplifier l’arôme de la nourriture, le sel a également servi chez les Egyptiens dans le processus de momification. Pour ce qui est de l’espace délimité par les Carpates, le Danube et la mer Noire, là, le sel a été exploité même avant l’époque des Daces. Mais ce furent les Daces qui l’ont fait par des excavations à Harghita et sur la Valée de l’Olt. La véritable exploitation soi-disant industrielle a démarré avec la conquête de la Dacie par les Romains. Les exploitations les plus importantes de l’époque de l’occupation romaine de la Dacie étaient celles de Potaissa (la ville de Turda d’aujourd’hui), Salinae (Ocna Mures d’aujourd’hui) ainsi que celles des localités actuelles de Praid et d’Ocnele Mari.
Durant les époques médiévale et moderne, toutes les exploitations de sel des trois provinces roumaines étaient des monopoles princiers, c’est-à-dire que l’extraction et la vente étaient organisées par le pouvoir central. En Transylvanie, l’intérêt pour l’« or blanc » a augmenté avec l’installation de l’administration autrichienne à la fin du 18e siècle. Là, à l’intérieur de l’arc des Carpates, il y a encore des mines de sel à Ocna Dej, dans le comté de Cluj, à Ocna Mures, au comté d’Alba et à Praid, dans le département de Harghita. A l’extérieur de l’arc des Carpates, par exemple, en Valachie, dès le 17e siècle on peut recenser sept mines de sel parmi lesquelles Ocnele Mari, Slănic Prahova et Teişani. En Moldavie, les mines de sel les plus connues étaient celles de Cacica, du côté de Suceava, et Tg Ocna, sur la rivière Trotus, dans le département de Bacau. Le sel qui y était exploité était transporté à travers de véritables « routes du sel », des voies qui s’étendaient tant sur l’eau que sur la terre ferme.
Radu Lungu revient au micro. « Les voies terrestres étaient généralement associées aux voies pastorales, c’est-à-dire aux sentiers battus par les bergers durant la transhumance. Les bergers emmenaient avec leurs troupeaux des ânes chargés de sacs de sel. Certains descendaient les vallées des rivières Olt, Ialomita, Arges pour s’arrêter dans la région de la grande île de Braila et continuer ensuite vers la mer Noire. En route vers la Dobroudja, les bergers s’arrêtaient aux foires de laine, pour tondre les moutons et transformer la laine. Par exemple, une voie du sel partait de Telega dans le comté de Prahova vers le sud jusqu’aux villes de Giurgiu, Oltenita, Calarasi et Braila pour arriver au Danube, d’où le sel continuait son chemin vers l’Empire ottoman, notamment au Moyen Age.
L’itinéraire fluvial le plus important commençait à Ocna Mures, dans le département d’Alba, pour descendre sur la rivière Mures traversant Alba Iulia, Deva, Lipova, Arad et de là le sel empruntait la rivière Tisa. C’était le chemin le plus important car il alimentait en sel la Plaine pannonienne et le Royaume de Hongrie. De nos jours, les mines de sel où la production a été arrêtée, mais aussi celles qui fonctionnent toujours ont été transformées en lieux de cure pour différentes maladies dont asthme, rhumatismes, affections gynécologiques, neurologiques et de l’appareil locomoteur.