Livres anciens aux Archives nationales de Roumanie
Objets que
le temps a rendu fragiles, mais aussi objets d’art grâce au magnifique travail
de ceux qui les ont décorés, les livres anciens fascinent tout un chacun. Traces
du passage du temps sur le papier, langue, souvent morte, des textes, écritures
particulières, ce sont autant de difficultés que le regard actuel en quête de
lecture doit affronter. Mais les barrières attirent, provoquent et éveillent la
curiosité envers ces objets du passé, vénérés par ceux à la recherche du savoir.
Steliu Lambru, 04.09.2022, 11:30
Objets que
le temps a rendu fragiles, mais aussi objets d’art grâce au magnifique travail
de ceux qui les ont décorés, les livres anciens fascinent tout un chacun. Traces
du passage du temps sur le papier, langue, souvent morte, des textes, écritures
particulières, ce sont autant de difficultés que le regard actuel en quête de
lecture doit affronter. Mais les barrières attirent, provoquent et éveillent la
curiosité envers ces objets du passé, vénérés par ceux à la recherche du savoir.
Les Archives nationales de Roumanie et
le Musée de la littérature roumaine ont organisé en partenariat une exposition
de livres anciens du patrimoine des Archives. Parmi les cinquante-deux volumes
d’une grande valeur, certains proviennent de grands centres d’imprimerie
d’Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas et Suisse et datent des XV-XVIIe
siècles, tandis que d’autres ont été imprimés dans les Principautés roumaines
aux XVII-XIXe siècles. Ce sont notamment des livres religieux, des atlas
géographiques, des livres d’histoires, écrits en latin, grec, allemand,
français, italien. Les noms des auteurs sont tout aussi spectaculaires : Térence,
Ammien Marcellin, Lucien de Samosate, Theodore Spandounes, Erasme de Rotterdam,
Nicolaus Olahus. Parmi les auteurs, on retrouve aussi le nom de Dimitrie
Cantemir, le prince érudit et humaniste de Moldavie du début du XVIIIe siècle,
et des éditions en anglais, allemand et roumain en alphabet cyrillique de son
« Histoire de l’Empire ottoman ». D’autres ouvrages publiés dans
l’espace roumain et présentés dans le cadre de l’exposition sont un livre de
minéralogie paru à Cluj en 1767, la « Bible » de Șerban Cantacuzino,
le « Livre roumain d’enseignement » de Varlaam et le « Psautier slavo-roumain » de
Dosoftei, publiés en Valachie et Moldavie.
L’archiviste Șerban Marin,
médiéviste et commissaire de l’exposition explique qu’il n’y a pas de différence
entre les livres étrangers et roumains: « Il s’agit de livres
anciens, aussi bien roumains qu’étrangers, bien que cette distinction ne soit
pas la meilleure. Il nous est impossible d’établir, surtout à une époque de la
mondialisation, où finit le livre étranger et où commence le roumain. Nous
avons choisi des livres des plus anciens, dont quatre incunables stricto sensu,
c’est-à-dire publiés avant 1500, des ouvrages d’une valeur inestimable. »
Șerban Marin a raconté l’histoire pas
vraiment réjouissante de l’entrée de ces magnifiques objets au patrimoine des
Archives nationales: « Il y a eu, d’une part, des dons faits
par des personnalités telles Bogdan Petriceicu Hașdeu, directeur des Archives
durant une longue période de temps. Concernant les livres entrés dans nos
collections plus récemment, en fait sous le régime communiste, je vais vous
révéler, pour ainsi dire, une réalité peu connue. Ils ont pratiquement été
volés, leurs propriétaires ayant pourri dans les geôles de Gherla, d’Aiud et
autres. L’État roumain a pratiquement volé les biens privés de gens qui aimaient les
livres. Qui plus est, certains de ces livres manquent de page de titre et de
page de garde. Pourquoi ? Eh bien, j’ose soupçonner la raison: sur la page de
titre il y avait l’ex-libris de l’ancien propriétaire, homme politique ou
entrepreneur industriel. Nos braves agents de la police politique communiste
ont donc combattu non seulement l’individu, mais aussi l’innocent livre
appartenant à la personne en question. Ils ont déchiré la page de titre pour
qu’il ne reste plus de trace de l’ex-libris. C’est mon opinion personnelle,
mais elle peut être prise en compte. »
Șerban Marin a aussi parlé plus en
détail des quatre incunables:
« Il s’agit premièrement de Gérard
de Vliederhoven, auteur du XIVe siècle, dont l’ouvrage religieux « Quattuor
nouissima » a été publié en 1492. Il y a ensuite l’édition de 1497, en fait
la deuxième édition du volume « Liber Chronicarum » d’Herman Schedel,
une encyclopédie qui pourrait être aussi lu comme un guide touristique très
intéressant. Pour le voyageur du XVe siècle, le livre de Schedel était
l’équivalent de notre guide Michelin. Vient ensuite le livre de Pomponio Leto consacré
à la vie de Marc-Antoine Sabelic. Pomponio Leto était originaire de la région
du Latium et il a aussi écrit une histoire de Venise. Enfin, nous exposons une
édition tardive de « Gesta Romanorum », célèbre ouvrage du début du
millénaire passé, qui raconte des exploits des Romains et qui a été imprimé en 1497. »
La spectaculaire exposition de livres
anciens du patrimoine des Archives nationales de Roumanie, accueillie par le
Musée de la littérature roumaine, invite à des voyages imaginaires à travers le
temps. Peu importe l’âge d’un livre, il continue d’être actuel tant que les
gens le regardent ou le lisent. (Trad. Ileana Ţăroi)