L’historien Ioan Mihalyi de Apșa
Le
Maramureș est une des plus anciennes provinces historiques, habitées par des
ethniques roumains, de la Roumanie actuelle, tandis que le Pays de Maramureș
est une des nombreuses entités étatiques médiévales à population d’ethnie
roumaine du bassin des Carpates, mentionné dans des documents officiels pour la
première fois en 1199. Les habitants du Maramureş ont joué un rôle essentiel
dans l’apparition de l’État féodal de Moldavie, au cours de la première moitié du XIVe
siècle. Ce fut à cette époque-là qu’un chef local, prénommé Dragoș, et ses
compagnons d’armes traversèrent les Carpates vers l’est pour y établir une
ligne de défense de la frontière du royaume de Hongrie. Cela allait constituer
plus tard le noyau de l’État moldave médiéval. Le Pays de Maramureș fut rattaché à la Hongrie
médiévale et ses chefs locaux furent anoblis. Après la conquête du royaume
hongrois par l’Empire ottoman en 1526, le Maramureș intégra la principauté de
Transylvanie, pour passer, en 1688, sous l’autorité de l’Autriche. En 1867, suite
à la réforme de l’Empire des Habsbourg et l’apparition de l’Autriche-Hongrie,
le Maramureș fut rattaché à la Hongrie. En 1918, au lendemain de la Grande
Guerre, les représentants de sa population votèrent en faveur de l’union de
leur province avec le royaume de Roumanie.
Steliu Lambru, 03.04.2022, 10:30
Le
Maramureș est une des plus anciennes provinces historiques, habitées par des
ethniques roumains, de la Roumanie actuelle, tandis que le Pays de Maramureș
est une des nombreuses entités étatiques médiévales à population d’ethnie
roumaine du bassin des Carpates, mentionné dans des documents officiels pour la
première fois en 1199. Les habitants du Maramureş ont joué un rôle essentiel
dans l’apparition de l’État féodal de Moldavie, au cours de la première moitié du XIVe
siècle. Ce fut à cette époque-là qu’un chef local, prénommé Dragoș, et ses
compagnons d’armes traversèrent les Carpates vers l’est pour y établir une
ligne de défense de la frontière du royaume de Hongrie. Cela allait constituer
plus tard le noyau de l’État moldave médiéval. Le Pays de Maramureș fut rattaché à la Hongrie
médiévale et ses chefs locaux furent anoblis. Après la conquête du royaume
hongrois par l’Empire ottoman en 1526, le Maramureș intégra la principauté de
Transylvanie, pour passer, en 1688, sous l’autorité de l’Autriche. En 1867, suite
à la réforme de l’Empire des Habsbourg et l’apparition de l’Autriche-Hongrie,
le Maramureș fut rattaché à la Hongrie. En 1918, au lendemain de la Grande
Guerre, les représentants de sa population votèrent en faveur de l’union de
leur province avec le royaume de Roumanie.
L’historien Ioan Mihalyi de Apșa est une
des figures de proue du Maramureș. Il est né en 1844 dans une famille de
Roumains, anoblis au Moyen Âge, de la commune d’Apșa de Mijloc, sise à présent
en Ukraine. Son père avait été « comite » ou comte de Maramureș, et
il avait rempli les fonctions de commissaire révolutionnaire durant la
révolution de 1848-1849 et de juge à la Cour royale de Hongrie. Il avait eu un
frère aîné, Victor Mihalyi de Apșa, qui avait été le métropolite de l’Église roumaine unie avec Rome de 1895
à 1918. Ioan fit le même choix de carrière que son père et s’inscrivit à la
Faculté de droit de l’Université de Budapest, où il soutint sa thèse de
doctorat en 1869, devenant ainsi le premier de sa province à obtenir ce titre
académique.
Lucia, née en 1903, fut un des huit enfants d’Ioan Mihalyi de
Apșa. En 1993, le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine a eu la
chance extraordinaire de l’interviewer et d’enregistrer ses souvenirs. Lucia
Mihalyi de Apșa y a parlé de l’ancienneté de sa famille, du courage de sa
grand-mère lorsque son grand-père et d’autres leaders des Roumains avaient été
jetés en prison, accusés d’être en contact avec des révolutionnaires de 1848.
Lucia s’est souvenue du récit de l’audience obtenue par sa grand-mère avec
l’empereur François-Joseph. « Mon arrière-grand-père s’appelait
lui-aussi Ioan Mihaly et il a eu beaucoup d’enfants, sept je crois. Mon
grand-père aussi a été emprisonné pour avoir soutenu les révolutionnaires. Ma
grand-mère, Iuliana Nan, s’est rendue à Vienne où elle a demandé une audience à
l’empereur François-Joseph, car certaines de ses petites-filles étaient dames
d’honneur à la cour impériale. Elle a raconté à François-Joseph que notre
grand-père ne soutenait pas les révolutionnaires, qu’il avait juste parlé avec
eux. Iosif Man, le dernier préfet roumain du Maramureş, avait parlé avec les
révolutionnaires qui venaient de Baia Mare et qui auraient pu commettre ici
aussi des atrocités comme ils en avaient fait en Transylvanie. Au Maramureş, la
révolution n’avait pas été sanglante. Mais l’empereur avait dit à ma grand-mère
qu’il ne pouvait pas libérer les détenus, et alors ma grand-mère lui a
répliqué : « Quelle sorte d’empereur es-tu, si les Hongrois ne
t’obéissent pas ? » François-Joseph lui a dit que personne n’avait osé lui
parler ainsi et, deux semaines plus tard, les prisonniers étaient libres. », a-t-elle dit.
Dans la capitale de la Hongrie, Ioan Mihalyi
de Apșa entra en contact avec les idées progressistes de son époque, étant
notamment conquis par celle de latinité, qui circulait déjà dans sa région
natale. Par ailleurs, le cursus d’histoire occupait une place importante dans
la structure des études de droit. L’étude de la langue hongroise, décidée en 1867,
s’avéra être un défi supplémentaire pour les jeunes roumains à la recherche de
leurs origines. Ioan Mihalyi de Apșa devint ainsi historien. Son livre le plus
important, intitulé « Diplome maramureșene din secolul XIV și XV/Diplômes
du Maramureş des XIVe et XVe siècles », est un recueil de documents
officiels en latin concernant le Pays de Maramureş, le premier ouvrage de ce
genre consacré à sa terre natale. En 1902, l’Académie roumaine accordait un
prix à l’auteur, en signe d’appréciation de ses recherches et de son travail.
Ioan Mihalyi de Apșa a été un
représentant des Romains dépourvus de droits nationaux et civiques. Il avait
affirmé cette mission assumée devant l’envoyé du gouvernement hongrois, qui lui
demandait de faire preuve de loyauté en imposant l’utilisation de la langue
hongroise dans les communautés roumaines. Lucia Mihalyi de Apșa a décrit cette
rencontre. « Ils nous ont pris la petite église
bâtie par mon père. Parce qu’ils ont demandé que la messe, le sermon, l’école
confessionnelle, tout se passe en hongrois. Et mon père a dit : cela fait
700 ans que nous avons une constitution. Si nous faisons la messe et l’école en
hongrois, le paysan n’enverra plus son enfant à l’école. Et un peuple qui
n’avance pas finira par disparaître. Alors, on lui a dit d’aller à Bucarest
avec ses idées, mais mon père a répondu qu’à Bucarest vivaient des Roumains qui
n’avaient pas besoin d’avocat. Il leur a dit qu’il restait sur place pour
défendre les paysans, trop pauvres et trop persécutés par l’État hongrois. », a-t-elle raconté.
Ioan Mihalyi de Apșa s’est éteint en 1914,
sans pouvoir assister à la fin de la Grande Guerre. Une conflagration terrible,
qui s’est achevée par l’avènement d’un monde nouveau et d’un nouveau pays pour
les Roumains du Maramureş. (Trad. Ileana Ţăroi)