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Les représentations diplomatiques de la Roumanie dans l’espace turc

La Roumanie gagne son droit dEtat indépendant, elle repense également ses missions diplomatiques, ouvertes à ceux qui allaient représenter les intérêts roumains dans le monde ottoman et turc.

Les représentations diplomatiques de la Roumanie dans l’espace turc
Les représentations diplomatiques de la Roumanie dans l’espace turc

, 15.10.2023, 10:30

C’est au XIXème
siècle que les Principautés roumaines commencent à s’affranchir graduellement
de l’ottomanisme et à importer
massivement la civilisation et la culture de l’Occident. Dans ce contexte, les
relations diplomatiques bilatérales vont elles-aussi acquérir une nouvelle
dimension. Au fur et à mesure que la Roumanie gagne son droit d’Etat
indépendant, elle repense également ses missions diplomatiques, ouvertes à ceux
qui allaient représenter les intérêts roumains dans le monde ottoman et turc.


A l’heure où l’on parle, un
groupe d’historiens roumains s’est engagé dans un projet d’écrire une histoire
des représentations diplomatiques de la Roumanie, dont la vedette est, de toute
évidence et de loin, celle de Paris. Mais les missions diplomatiques roumaines
dans l’Empire ottoman et en Turquie ont elles-aussi leur propre poids dans ce
projet. Silvana Rachieru, qui enseigne l’histoire ottomane à l’Université de
Bucarest, a réalisé une étude sur les résidences diplomatiques de la Roumanie
dans l’espace turc. Une recherche dont le point de départ est un bâtiment à
proximité de la Place Taksim d’Istanbul, siège de légation d’abord, de
consulat, plus tard, et de l’Institut culturel roumain à présent. Silvana
Rachieru a commencé son travail en écoutant les histoires de ce bâtiment
particulier: « La plus palpitante de ces histoires
était celle qui disait qu’un amoureux de la princesse Marthe Bibesco avait joué
le bâtiment au poker ou un autre jeu de hasard et l’avait perdu, et que l’État
roumain avait réussi à le récupérer. Toute cette histoire, très belle et très
romanesque, correspondait parfaitement à l’espace où nous nous trouvions. Mais
l’information sur l’appartenance de l’édifice à Marthe Bibesco était clairement
mentionnée dans les archives. »



Pera la diplomatique était
le quartier européen d’Istanbul. Les Grandes puissances y avaient installé
leurs résidences diplomatiques dans « La Grand-Rue de Pera » depuis
le XVIIème siècle. Deux cents ans plus tard, au XIXème siècle, le nouvel État
roumain envoyait ses représentants diplomatiques auprès des grands décideurs de
l’époque, mais les besoins de financement de cette démarche dépassaient les
moyens de Bucarest, raconte Silvana Rachieru: « L’Agence
diplomatique roumaine avait fonctionné entre 1859 et 1878 dans un espace loué.
En réalité, c’était l’appartement-même de l’agent diplomatique, qui servait
aussi de siège de l’agence. Dimitrie Brătianu, le premier représentant de la
Roumanie à Constantinople d’après l’indépendance, l’affirmait haut et fort en
1878. Quelques semaines à peine après son arrivée dans la capitale ottomane, il
informait déjà Bucarest que la légation fonctionnait dans une maison en pierre,
dans le quartier de Çukurcuma, dans la zone de Pera où se trouvait aussi son
logement. Brătianu écrivait que ce n’était pas le siège le plus approprié pour y
ouvrir une légation et que le ministère aurait dû faire le beau geste de
financer la location d’un espace plus généreux et plus adapté aux nouvelles
exigences. »



Ce
n’est qu’en 1887 que Bucarest loue le premier siège séparé du logement du
représentant diplomatique. Et à partir de 1903, la Roumanie exprime ouvertement
son intention d’acheter un bâtiment pour y installer la représentation
permanente, précise Silvana Rachieru: « L’adresse finale de la
mission diplomatique roumaine dans la capitale de l’Empire ottoman et, par
après, dans la ville la plus importante de la République turque se trouvait Rue
Sîraselviler, « La rangée de cyprès » en turc. La Roumanie y loue un
édifice en 1903, grâce à l’implication du ministre plénipotentiaire de ce
temps-là, Alexandru Lahovary. Dans le contrat de bail, il est écrit que lorsque
le propriétaire décidera de vendre la construction, l’État roumain sera le
premier à faire une offre d’achat. La discussion deviendra plus sérieuse à
partir de 1905 et la finalisation aura lieu en 1907. Donc, depuis 1907, près de
la Place Taksim, nous avons un repère associé à la Roumanie. »



L’édifice
est connu sous le nom de « manoir de Musurus Pacha », d’après le nom
de son propriétaire, un diplomate turc d’origine grecque. D’ailleurs, le
quartier est lui-même grec et son essor avait débuté après le grand incendie de
1870. C’était une zone commerciale, active, pleine d’énergie, où l’on construisait
des appartements sur le modèle français et des bureaux. La plus importante
église orthodoxe grecque d’après la chute de Constantinople en 1453 se dresse
dans la même zone. C’est donc là que la légation de la Roumanie allait
fonctionner jusqu’en 1927.


La première guerre mondiale
allait avoir des conséquences dramatiques sur l’Empire ottoman. Après la
proclamation de la République turque en 1923, le transfert de la capitale dans
la ville d’Ankara a modifié le centre de gravité du nouvel État. Et les
représentations diplomatiques ont dû suivre, bien qu’avec un certain retard. La
Roumanie a, elle aussi, longtemps hésité à faire le pas et Silvana Rachieru en
explique la raison: « Elle a hésité parce qu’en 1923 Ankara
était plus rurale. Le président Mustafa Kemal offre aux premières missions
diplomatiques des voitures de train pour y fonctionner. Il était difficile de
quitter le Bosphore et une résidence imposante. Le voyage vers Ankara était
long. Les autres puissances n’étaient pas non plus pressées de déménager, mais
elles ont fini par le faire. La Roumanie avait laissait passer un train dans
cette gare, pour ainsi dire, car, dans premier temps, des parcelles avaient aussi
été distribuées dans une zone que Mustafa Kemal voulait transformer en quartier
diplomatique. Lorsque la Roumanie déménagea enfin à Ankara, il n’y avait plus
de terrains disponibles dans ce quartier. »

La
Roumanie revient donc à la location d’espaces pour sa légation dans le quartier
résidentiel de Çankaya. Dans les années 1950, elle y achètera un terrain rue de
Bucarest et y fera construire son ambassade. (Trad. Ileana Ţăroi)

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