Les Principautés roumaines et les épidémies
Cela fait près de deux ans que la pandémie de covid-19 est en tête des infos et des débats, partout dans le monde. Médecins, psychologues, sociologues, spécialistes de l’éducation et autres experts présentent les données accumulées dans leur champ de connaissances, afin d’en tirer des conclusions pertinentes. Bien que leur profession traite du passé, les historiens ne sont pas non plus restés indifférents aux défis du temps présent et racontent les expériences vécues par l’humanité, confrontée à des épidémies des temps passés. Le virus responsable de la maladie Covid-19 a une identité, car la science du XXIe siècle a réussi à le mettre en évidence et analyser son comportement. Mais à d’autres époques, les agents des infections étaient quasi inconnus, les gens tenant pour responsables la fatalité et le manque de chance. Le Musée national d’histoire de la Roumanie et les Archives nationales se sont donné la main pour organiser une exposition consacrée aux « Épidémies dans l’histoire des Principautés roumaines », accueillie par l’institution muséale. L’année 2021 a marqué le 190e anniversaire des Archives nationales, fondées en 1831, à l’époque du Règlement organique, première ébauche de Loi fondamentale dans les principautés de Valachie et de Moldavie. C’est justement à cette occasion festive que ladite institution a tenu à montrer au public des documents qui parlent des épidémies, de peste, choléra, fièvre typhoïde, de typhus ou de grippe espagnole, ayant frappé ces deux pays roumains. L’archiviste Claudiu Turcitu, coordinateur de l’exposition, en a fournit de nombreux détails intéressants : « Nous nous sommes lancés dans cette démarche afin de montrer ces documents au public dans les circonstances actuelles. Or, quoi de mieux que montrer les documents relatifs aux infections pour marquer les 190 ans d’activité des Archives nationales ? C’est ainsi qu’est née l’idée de l’exposition, d’autant plus que nous préparons aussi un volume de documents sur le service des quarantaines. »L’exposition inclut des documents originaux et des photocopies de cartes, listes, tableaux, pages journaux, documents paroissiaux, enseignes officielles, notices personnelles. Le document le plus ancien, datant du XVIIe siècle, se réfère à une épidémie de peste, maladie qui a tué le plus grand nombre de gens jusque vers la fin du XIXe siècle. Le 12 mars de l’année 7145 (1637), Nedelco donnait à Gligorie un arpent de vigne, des outils et de l’argent qui se trouvaient dans la maison de son frère Tudor, pour y aller chercher « la femme et les fils » tués par la peste et les enterrer, car il «n’y avait eu personne d’autre pour le faire».
România Internațional, 28.11.2021, 08:48
Cela fait près de deux ans que la pandémie de covid-19 est en tête des infos et des débats, partout dans le monde. Médecins, psychologues, sociologues, spécialistes de l’éducation et autres experts présentent les données accumulées dans leur champ de connaissances, afin d’en tirer des conclusions pertinentes. Bien que leur profession traite du passé, les historiens ne sont pas non plus restés indifférents aux défis du temps présent et racontent les expériences vécues par l’humanité, confrontée à des épidémies des temps passés. Le virus responsable de la maladie Covid-19 a une identité, car la science du XXIe siècle a réussi à le mettre en évidence et analyser son comportement. Mais à d’autres époques, les agents des infections étaient quasi inconnus, les gens tenant pour responsables la fatalité et le manque de chance. Le Musée national d’histoire de la Roumanie et les Archives nationales se sont donné la main pour organiser une exposition consacrée aux « Épidémies dans l’histoire des Principautés roumaines », accueillie par l’institution muséale. L’année 2021 a marqué le 190e anniversaire des Archives nationales, fondées en 1831, à l’époque du Règlement organique, première ébauche de Loi fondamentale dans les principautés de Valachie et de Moldavie. C’est justement à cette occasion festive que ladite institution a tenu à montrer au public des documents qui parlent des épidémies, de peste, choléra, fièvre typhoïde, de typhus ou de grippe espagnole, ayant frappé ces deux pays roumains. L’archiviste Claudiu Turcitu, coordinateur de l’exposition, en a fournit de nombreux détails intéressants : « Nous nous sommes lancés dans cette démarche afin de montrer ces documents au public dans les circonstances actuelles. Or, quoi de mieux que montrer les documents relatifs aux infections pour marquer les 190 ans d’activité des Archives nationales ? C’est ainsi qu’est née l’idée de l’exposition, d’autant plus que nous préparons aussi un volume de documents sur le service des quarantaines. »L’exposition inclut des documents originaux et des photocopies de cartes, listes, tableaux, pages journaux, documents paroissiaux, enseignes officielles, notices personnelles. Le document le plus ancien, datant du XVIIe siècle, se réfère à une épidémie de peste, maladie qui a tué le plus grand nombre de gens jusque vers la fin du XIXe siècle. Le 12 mars de l’année 7145 (1637), Nedelco donnait à Gligorie un arpent de vigne, des outils et de l’argent qui se trouvaient dans la maison de son frère Tudor, pour y aller chercher « la femme et les fils » tués par la peste et les enterrer, car il «n’y avait eu personne d’autre pour le faire».
Un autre document, du 27 septembre 1657, nous dit qu’un tel Petre Epure avait donné plusieurs pommiers au pope Neguțu et ses fils, pendant l’épidémie de peste qui avait emporté sa femme et ses enfants, morts sans avoir reçu l’onction des malades. Claudiu Turcitu raconte : « Nous avons commencé avec des documents de 1637. Nous les avons regroupés en fonction des principales épidémies qui ont sévi cet espace jusqu’en 1918. Le premier document est un « zapis » (~attestation) issu par une personne pour l’enterrement de gens emportés par la peste. Viennent ensuite des documents issus en 1813, lors de la terrible épidémie de peste de Caragea Vodă. Nous avons même un « hrisov » (brevet) de 1813, signé par le prince régnant Ioan Caragea pour l’hôpital Dudești, aménagé bien avant, en 1798 et destiné aux malades atteints de la peste. »
Dans l’exposition, nous apprenons aussi qu’en 1827, Ahmed Pacha, le commandant de la cité de Nicopolis, sur la rive sud du Danube, avait autorisé la libre circulation au nord du fleuve seulement dans la zone de Teleorman, placée en quarantaine. Le reste de la principauté de Valachie affrontait les manifestations violentes de la peste. Un document poignant même pour l’année 1831 est la prière écrite par un chantre d’église dénommé Stan, qui servait au monastère Colțea, à côté de l’hôpital homonyme de Bucarest. C’était à l’époque de la terrifiante épidémie de choléra, qui avait affolé toute la population valaque.
Un autre document intéressant est l’ordre du 14 février 1846, signé par le prince régnant de Valachie, Gheorghe Bibescu, qui demandait aux parents de faire vacciner leurs enfants contre la varicelle. Outre la peste, l’exposition présente aussi les autres chocs épidémiologiques à avoir frappé la société roumaine au XIXe siècle et durant les premières décennies du XXe, précise Claudiu Turcitu, archiviste aux Archives nationales : « Nous présentons ensuite l’épidémie de choléra à travers des documents appartenant au fonds du service des quarantaines du ministère de la Guerre, les fonds personnels. Ce sont des lettres et des opinions de personnalités de l’époque, au sujet des symptômes de la maladie, des traitements, des ordonnances utilisées pour endiguer l’épidémie de choléra, qui avait duré assez longtemps. Il y a les documents concernant l’épidémie de typhus, éclatée pendant la Grande Guerre, et celle de grippe espagnole, surgie à la fin de la Première conflagration mondiale. L’exposition présente, enfin, des pages des carnets de la Reine Marie, des documents issus par la « Vornicia dinlăuntru » (le ministère de l’Intérieur) et par le ministère de la Guerre, le fonds personnel Ion I. C. Brătianu, un rapport pour obtenir l’argent nécessaire pour combattre le typhus. »
À travers les époques, les épidémies ont frappé l’espace roumain avec une force dévastatrice, mais les gens ont su s’en défendre. Dans le monde technologique qui est le nôtre, il nous est facile d’imaginer un avenir aseptisé, mais la microbiologie n’a pas dit son dernier mot.