Les petites boutiques de Bucarest
Au cours de l’histoire, une architecture commerciale spécifique a apparu dans la zone, toujours visible dans le cas de certains bâtiments qui ont perduré. L’historienne de l’art Oana Marinache présente quelques-unes des particularités de ces petites boutiques. Ecoutons-la : « Il y a des caves très profondes dont certaines datent des XVIIème et XVIIIème siècles, au dessus desquelles des constructions successives se sont superposées au fil du temps. Pas une d’entre-elles n’existe comme telle depuis le XIXeme siècle ou depuis la seconde moitié du XVIIIeme siècle. Les bâtiments gardent dans leurs profondeurs les traces de plusieurs étapes de construction qui datent, peut-être, de différentes époques. Au début, ils n’avaient probablement qu’une cave et un rez-de-chaussée où l’on commercialisait des produits divers. Toutefois, les générations suivantes, des familles entières de commerçants qui y ont vécu depuis le XIXème siècle jusqu’au XXème siècle, ont considéré qu’il fallait s’étendre à la verticale et ont ajouté un étage ou deux. Les espaces situés à l’étage étaient destinés plutôt à l’habitation, servant soit à la famille du marchand, soit aux éventuels locataires. Cela était le cas aussi lorsque des bureaux ou des comptoirs étaient aménagés à l’étage ou étaient loués par des personnes qui y déroulaient leurs activités commerciales. »
Christine Leșcu, 11.05.2018, 14:40
Au cours de l’histoire, une architecture commerciale spécifique a apparu dans la zone, toujours visible dans le cas de certains bâtiments qui ont perduré. L’historienne de l’art Oana Marinache présente quelques-unes des particularités de ces petites boutiques. Ecoutons-la : « Il y a des caves très profondes dont certaines datent des XVIIème et XVIIIème siècles, au dessus desquelles des constructions successives se sont superposées au fil du temps. Pas une d’entre-elles n’existe comme telle depuis le XIXeme siècle ou depuis la seconde moitié du XVIIIeme siècle. Les bâtiments gardent dans leurs profondeurs les traces de plusieurs étapes de construction qui datent, peut-être, de différentes époques. Au début, ils n’avaient probablement qu’une cave et un rez-de-chaussée où l’on commercialisait des produits divers. Toutefois, les générations suivantes, des familles entières de commerçants qui y ont vécu depuis le XIXème siècle jusqu’au XXème siècle, ont considéré qu’il fallait s’étendre à la verticale et ont ajouté un étage ou deux. Les espaces situés à l’étage étaient destinés plutôt à l’habitation, servant soit à la famille du marchand, soit aux éventuels locataires. Cela était le cas aussi lorsque des bureaux ou des comptoirs étaient aménagés à l’étage ou étaient loués par des personnes qui y déroulaient leurs activités commerciales. »
Avec le temps, surtout grâce à l’accélération du processus de modernisation qui a débuté pendant la seconde moitié du XIXème siècle, l’activité commerciale de la ville s’est intensifiée elle aussi. Plusieurs magasins ont apparu et soit car l’espace était très étroit, soit à cause du fait que le terrain était divisé en parcelles pour chacun des héritiers, les bâtiments ont commencé à être très étroits et à se développer surtout à l’horizontale. C’était la situation au centre de la ville, car à la périphérie, où l’on vivait plus près de l’espace rural, les petites boutiques avaient le même aspect de l’architecture vernaculaire spécifique au village. Elles ne différaient pas du tout des maisons de type cabane, des maisons souterraines ou des celles qui avaient une cave.
Dans les faubourgs, les maisons des marchands avaient parfois, comme dans les villages, un porche et une entrée étroite à l’extérieur de la maison appelée « gârlici », menant à la cave. Pourtant, dans le centre de la ville, il y avait d’autres influences. Oana Marinache nous explique.: « Pratiquement, tout ce que l’on voit aujourd’hui dans la zone date des années d’après le Grand Incendie de 1847. Entre temps, beaucoup d’interventions ont eu lieu, surtout pendant la seconde moitié du XIXème siècle. Le contact avec l’extérieur et notamment avec les centres commerciaux où l’on parlait l’allemand (les foires de Braşov, de Sibiu et même de Vienne), va changer radicalement l’aspect esthétique des bâtiments. Progressivement, certains commerçants, surtout ceux appartenant à la classe moyenne ou à celle aisée, dont beaucoup d’origine juive, ont pu se permettre de se faire construire des magasins universels. Ces derniers étaient, en quelque sorte, les correspondants des magasins de Vienne ou de Paris, avec une grande variété de produits. Un des magasins de luxe, fréquenté plutôt par les femmes de Bucarest, s’appelait « Au bon goût ». La plupart des magasins portaient des noms empruntés à l’espace français, des noms de marques très appréciées à l’étranger. Ce magasin, « Au bon goût », appartenait à des commerçants juifs. Parmi les actes de propriétés de l’époque, on en a trouvé un, portant le nom d’un certain monsieur Ascher. En tenant le pas avec l’architecture des édifices à destination commerciale de l’époque, celui-ci a employé l’architecte Filip Xenopol pour la construction d’un des immeubles les plus grands du Vieux Centre, situé entre les rues de Lipscani et de Stavropoleos. C’est là que se trouvait autrefois le siège de la banque de la famille Chrisovelloni, et qui abrite de nos jours la Banque Nationale. Pratiquement, l’immeuble a perduré jusqu’aux années 1924-1925, et le magasin est resté un des plus grands de l’époque. »
Les quelques auberges bucarestoises d’antan, aussi célèbres que les magasins, qui ont survécu jusqu’à nos jours, ont une architecture assez différente de celle originelle, affirme l’historienne de l’art Oana Marinache: « Sans doute, beaucoup de personnes ont visité le Centre Culturel ARCUB, où se trouvait autrefois l’auberge de Hagi Tudorache, ou bien ont pu boire des rafraîchissements à Hanul cu Tei, « L’auberge aux tilleuls ». Autant d’exemples d’architecture commerciale remontant au début du XIXeme siècle, même si à travers le temps ces auberges ont subi plusieurs interventions, surtout au XXème siècle. Et on ne saurait oublier de mentionner Hanul lui Manuc, « L’auberge de Manuc », peut-être le lieu le plus visité du Vieux Centre, dont la restauration a gardé l’esprit de l’architecture du début du XIXème siècle. » (trad. Nadine Vladescu)