Les architectes Cerchez
Le nom de la famille Cerchez occupe une place à part dans l’histoire de l’architecture roumaine. C’est de cette famille que sont issus cinq architectes importants, auteurs de bâtiments emblématiques de la Capitale roumaine, Bucarest. Patrimoine architectural.
Steliu Lambru, 13.10.2024, 10:16
Des architectes de renom
Le nom Cerchez est très présent dans l’histoire de l’architecture roumaine. Il appartient à trois familles d’origine arménienne qui ont donné pas moins de cinq architectes importants: les frères Grigore P. Cerchez et Nicolae P. Cerchez, les frères Grigore G. Cerchez et Artaxerxe Cerchez et enfin Hristea Cerchez.
L’architecte Ileana Tureanu, professeure des universités à l’Université d’architecture et d’urbanisme « Ion Mincu » de Bucarest et présidente de l’Union des architectes de Roumanie, a parlé des deux paires de frères:
« Les frères Grigore et Nicolae Cerchez sont nés au milieu du XIXème siècle, en 1850. Ils ont étudié en France, à Paris, et ils ont fondé la Société des architectes roumains en 1891. Autrement dit, ils font partie des fondateurs de l’architecture nationale. Grigore P. Cerchez a été l’ingénieur en chef de la Mairie de la capitale entre 1874 et 1879. Il est l’auteur des projets et des actions de régularisation de la rivière Dâmbovița à Bucarest intra muros. Il est aussi l’auteur du premier projet de systématisation de la ville en 1883. De retour de ses études universitaires, il a jeté les bases d’un développement scientifique et systématique de la ville. Grigore P. Cerchez est devenu directeur de la Poste, une fonction qui lui a permis de faire venir des architectes spécialisés, tels que le Français Alexandre Clavel. Il a fait appel à des collègues et des amis plus jeunes pour construire des sièges de la Poste roumaine dans toutes les villes importantes du pays. Ce sont des projets – type, adaptés au contexte urbain. Pour la seconde moitié du XIXème siècle, c’était une vision urbaine. »
La modernisation de Bucarest
La première génération des frères Cerchez s’est impliquée à fond dans la modernisation de Bucarest et dans sa transformation d’une ville essentiellement orientale en une autre, proche des normes européennes.
Ileana Tureanu : « Dans le domaine de la restauration des monuments, Grigore Cerchez a fondé la doctrine scientifique roumaine. « J’ai toujours observé, disait-il, le principe de conservation d’un bâtiment par la consolidation et la restauration, pour ramener le bâtiment en question à son état initial, en éliminant toutes les parties ajoutées sans connaissance du métier. » Dans un contexte où André Lecomte du Noüy privilégiait des principes nettement différents concernant les monuments historiques, Grigore Cerchez a jeté les bases de la restauration des constructions. Son frère cadet, Nicolae P. Cerchez, né lui-aussi en Moldavie, dans le département de Vaslui, était également une personnalité importante de l’époque. Nicolae a préféré l’action politique et sociale. Il a été élu député, puis sénateur, et il a pu aider son frère à mettre en œuvre les projets et programmes déjà mentionnés. Au début du XXème siècle, il a occupé le fauteuil de vice-président de l’Automobile Club Roumain, il a été intéressé par les espaces publics et par l’entrepreneuriat. Il a dessiné les aménagements extérieurs du Palais royal, l’Ecole de Médecine vétérinaire et le Pavillon de l’Agriculture à l’exposition de 1906, une construction qui lui a valu un prix. »
Une architecture moderne et très puissante
La seconde paire de frères Cerchez n’a pas été en reste en matière de modernisation. Un autre Grigore et son frère Artaxerxés ont marqué l’histoire, raconte Ileana Tureanu :
« La deuxième famille s’appelait aussi Cerchez. Nous n’avons pas d’informations sur une éventuelle relation de parenté avec la première, mais il se peut qu’une telle relation ait existé. Vingt ans après le premier, un autre Grigore Cerchez fait son apparition : Grigore G. Cerchez et son frère Arta Cerchez. A la différence des deux premiers, qui avaient étudié en France, ceux-ci font des études en Allemagne, à Karlsruhe. Les deux, mais surtout Grigore G. Cerchez, se sont illustrés dans le dessin et dans l’exécution de travaux de construction, mais ils se sont aussi impliqués dans la vie de la ville, ils ont occupé des fonctions publiques à la mairie et ils ont participé à toutes les initiatives majeures visant le développement de la ville, y compris l’organisation de l’exposition de 1906, au Parc Carol. Le frère de Grigore, Arta (Artaxerxés) Cerchez, a produit une architecture moins empreinte du style néo-roumain. C’est lui qui a commencé le Casino d’Eforie et le Casino Movilă de Techirghiol, en proposant une architecture moderne et très puissante. Arta Cerchez a été distingué du Mérite sanitaire, première classe, pour les bâtiments réalisés dans la station Carmen Sylva (actuelle Eforie Sud), sur la côte roumaine de la mer Noire. Il a d’ailleurs été une sorte d’initiateur des stations balnéaires. Et c’est toujours lui qui est à l’origine de l’étude consacrée à l’histoire de l’architecture roumaine. Il était quelqu’un de très véhément ; ses articles incisifs, publiés dans la revue « Arhitectura », restent valables encore aujourd’hui. Arta Cerchez considérait que l’architecture roumaine était à la dérive, entre autres parce que son histoire était ignorée. Il a donc décidé de lancer un concours national pour que cette histoire soit écrite, le gagnant du concours allant être récompensé d’argent public. »
Le cinquième Cerchez, Hristea ou Cristofi, a lui-aussi posé son empreinte sur Bucarest, la villa Minovici, érigée au nord de la ville, étant une construction représentative pour son œuvre. (Trad. Ileana Ţăroi)