L’église roumaine de Jéricho
L’histoire de l’église roumaine de Jéricho commence en 1988, lorsque l’idée d’un établissement monacal vit le jour.
Steliu Lambru, 12.05.2024, 10:10
Le monde chrétien s’est toujours beaucoup intéressé à ses lieux saints d’Orient, où il a construit des édifices ouverts aussi bien aux habitants de ces terres qu’aux pèlerins. Les fidèles chrétiens ont érigé des églises et des monastères sur des lieux, tels que Bethleem, Nazareth, Jéricho ou Jérusalem, qui ont accueilli Jésus Christ, selon les livres saints. Les chrétiens orthodoxes roumains n’ont pas fait exception à cette règle.
Un monastère orthodoxe roumain allait faire son apparition à Jéricho en 2014.
Ainsi, Jéricho, la plus ancienne ville du monde, accueille une église roumaine. Les archéologues estiment que Jéricho a été fondée environ 9 500 ans avec J. Ch., autour d’une source d’eau dans le désert rocheux de Judée. L’histoire longue et compliquée de la ville s’est écrite selon des points de vue différents : celui des détenteurs du pouvoir et celui des gens qui attachaient de l’importance à la signification religieuse. L’histoire de l’église roumaine de Jéricho commence en 1988, lorsque l’idée d’un établissement monacal vit le jour. Les travaux de construction commencèrent pourtant à la fin des années 1990 et un monastère orthodoxe roumain allait faire son apparition dans le paysage urbain local quinze ans plus tard, en 2014.
L’architecte et professeur des universités Sorin Vasilescu est l’auteur du projet de l’église roumaine de Jéricho. Il a raconté les premiers temps de l’existence du monastère roumain de la plus ancienne ville du monde. « Un miracle nous a permis, à nous Roumains, d’avoir une église à Jéricho. Tous nos dons, destinés à la Terre Sainte ont été détournés par l’église grecque. Nous n’avons pratiquement rien, bien que de nombreuses présences chrétiennes y aient été entretenues grâce à l’argent des princes roumains, sans parler des monastères dont la gestion était confiée au clergé grec. Au fait, la quasi-totalité des monastères se retrouvait dans cette catégorie et contribuaient financièrement à l’existence-même de la vie chrétienne. Par miracle, des pèlerins roumains s’établissent à Jéricho où ils achètent une propriété au début du XXème siècle. Le fils de ces Roumains de Bârlad a reçu un message de ses parents, lui disant: quand tu partiras aussi, ne laisse pas notre propriété aux Grecs, mais donne-la à notre Eglise. »
L’architecte doit respecter le lieu où il va implanter sa création.
De nos jours, l’enceinte et l’ensemble des dépendances ne rappellent en rien les difficultés rencontrées à travers le temps, dont une avait été liée à l’intégration du projet dans son site, fait savoir Sorin Vasilescu. « C’est un problème extrêmement compliqué pour un architecte qui doit construire dans un monde entièrement différent du sien. Comment faut-il construire? Faut-il voir ça comme un implant, comme une transplantation d’organes entre ton monde et celui où tu es allé? Ou trouver plutôt les éléments qui apprivoisent cet implant? En principe, l’architecte doit respecter le lieu où il va implanter sa création. Alors, il y a eu cette idée de tout construire en pierre. Rien de plus honorable pour un architecte, puisque l’on parle tellement de la qualité de la pierre. La pierre pérenne n’est pas un représentant du relatif, mais du durable dans l’absolu. »
Quel style architectural faudrait-il choisir pour que le site reste valable dans le monde d’aujourd’hui?
Une autre difficulté, a encore précisé Sorin Vasilescu, a été liée aux tendances artistiques actuelles et à leur harmonisation avec la tradition de l’architecture byzantine. « Il a existé ensuite une deuxième question particulièrement difficile: quel style choisir pour une église dont la construction a commencé au XXème siècle, pour qu’il reste valable dans le monde du XXIème siècle? Voilà une question extrêmement difficile. Les architectes occidentaux, aussi bien catholiques que réformés, y ont donné une réponse nette. Plusieurs créations, appartenant à de grands noms de l’histoire de l’architecture, sont des espaces sacrés modernes. La chapelle réalisée par Le Corbusier à Ronchamp, en France, est un de ces chefs d’œuvre, un autre étant l’église de l’autoroute, construite par Michelucci. Ce sujet se complique davantage dans le monde orthodoxe dans lequel l’idée de tradition a aussi un côté restrictif. D’autre part, si l’on sait comprendre les restrictions imposées au nom de la tradition, alors la tradition en question saurait se développé sous un horizon différent. »
L’église roumaine de Jéricho a des dimensions proches de l’église Kretzulescu de Bucarest
Avec sa superficie de 3.000 mètres carrés, le monastère roumain de Jéricho est orné d’une entrée monumentale et surplombée d’une tour-clocher. S’y ajoutent une maison cléricale, un bâtiment pour loger les pèlerins, des logements pour les moines, un autre du prieuré et bien-sûr l’église, point central de l’ensemble. Avec des dimensions proches des celles de l’église Kretzulescu de Bucarest, soit 15 mètres de haut, 10 mètres de large et 20 mètres de long, l’église suit la tradition de l’architecture du monde byzantin, tel que décrite par Sorin Vasilescu. « Dans ce monde, les éléments formels ont leur propre évolution et l’effort créatif finit par se concentrer sur une forme appelée la croix grecque inscrite. Dans une église composée d’une entrée, un pronaos, un naos et l’espace dédié à l’autel, des raisons symboliques mais aussi liées à la construction expliquent l’existence de quatre piliers qui se dressent dans le naos, en y délimitant un carré. C’est précisément sur ces piliers, sur ce carré, qu’il faut élever une tour, qui, en principe, est un cercle. Placer un cercle sur un carré n’est pas facile. La pensée du monde romain, suivie par celle du monde oriental, ont rendu possible cette opération. »
L’ensemble monacal roumain de Jéricho est un repère pour les pèlerins. Son poids spirituel s’adresse à tous ceux qui sont à la recherche de Dieu. (Trad. Ileana Ţăroi)