L’écrivain Paul Goma
Le 25 mars 2020, en pleine pandémie de COVID-19, les agences
de presse nous apportaient une bien triste nouvelle : l’écrivain Paul
Goma, très connu opposant au régime communiste, s’éteignait sur un lit
d’hôpital, à Pitié-Salpêtrière de Paris, tué par une infection au nouveau
coronavirus. Atypique et non-conformiste, Goma était une de ces personnalités
incommodes qu’aucun régime ne saurait soumettre en les supprimant physiquement.
Il a survécu au régime politique le plus brutal de l’histoire de la Roumanie,
laissant derrière lui le souvenir d’un homme décidé à défendre ses convictions
jusqu’au bout. L’écrivain Paul Goma a toujours critiqué, sans réserve, tout ce
qui ne lui convenait pas, tout ce qui lui semblait dirigé contre l’être humain
et contre les principes d’une vie décente.
Steliu Lambru, 12.04.2020, 11:30
Le 25 mars 2020, en pleine pandémie de COVID-19, les agences
de presse nous apportaient une bien triste nouvelle : l’écrivain Paul
Goma, très connu opposant au régime communiste, s’éteignait sur un lit
d’hôpital, à Pitié-Salpêtrière de Paris, tué par une infection au nouveau
coronavirus. Atypique et non-conformiste, Goma était une de ces personnalités
incommodes qu’aucun régime ne saurait soumettre en les supprimant physiquement.
Il a survécu au régime politique le plus brutal de l’histoire de la Roumanie,
laissant derrière lui le souvenir d’un homme décidé à défendre ses convictions
jusqu’au bout. L’écrivain Paul Goma a toujours critiqué, sans réserve, tout ce
qui ne lui convenait pas, tout ce qui lui semblait dirigé contre l’être humain
et contre les principes d’une vie décente.
Il est né le 2 octobre 1935 dans le département d’Orhei,
dans le nord-est de la Bessarabie – sur le territoire de l’actuelle République
de Moldova. Après l’annexion de la Bessarabie par l’Union Soviétique, en 1940,
la famille Goma s’est réfugiée en Roumanie. On peut reprocher beaucoup de
choses à Paul Goma, mais pas d’avoir eu peur. Son courage est d’autant plus
impressionnant qu’il a osé s’opposer ouvertement à un régime aussi inhumain que
celui communiste. Ses conflits avec le pouvoir en place à Bucarest ont commencé
en 1955, quand, encore étudiant, il s’est déclaré en désaccord avec ses
professeurs qui enseignaient le socialisme scientifique. C’est ainsi qu’est né
« le cas Goma », qui allait devenir le Mouvement anticommuniste Goma,
auquel allaient adhérer 430 personnes. L’écrivain s’est solidarisé avec la
révolution hongroise de 1956, déposant son carnet de membre de la Jeunesse communiste.
C’est à ce moment-là qu’il fut arrêté pour la première fois et condamné à 2 ans
de prison. A la sortie de prison, il fut envoyé en résidence surveillée dans la
plaine du Bărăgan, région désertique et peu peuplée du sud de la Roumanie, à
l’époque lieu de destination des déportés politiques, où il dut rester jusqu’en
1964. En 1971, Paul Goma fut exclu du Parti communiste roumain, pour avoir
publié, en République Fédérale d’Allemagne, son roman « Ostinato »,
amplement censuré en Roumanie. Il avait adhéré au Parti communiste en 1968,
pour soutenir la politique anti-soviétique de Ceauşescu. La parution, en 1974, toujours
en République Fédérale d’Allemagne, de son roman « La porte », fait irrévocablement
de lui un ennemi du régime. Il envoie ses premières lettres envoyées à Radio
Free Europe en 1970.
L’historienne Cristina Petrescu esquisse le portrait de
Paul Goma. « On sait
que Paul Goma a été l’initiateur du mouvement pour les droits de l’homme qui a
eu pour modèle la Charte 77 de Tchécoslovaquie. Le régime tente, par la suite, de
coopter Goma et semble avoir, en partie, réussi, à en juger d’après les
articles que l’écrivain publie avant d’être arrêté. En prison, il rédige la
plupart de ses prises de position. Suite à une importante pression
internationale, il finit par être mis en liberté et expulsé, devenant, jusqu’à
la chute du communisme, en 1989, un membre marquant de l’exil démocratique.
Après la chute du communisme, en 1989, il demeure un personnage controversé, notamment
en raison de ses prises de position concernant la soviétisation de la
Bessarabie. Je dirais, pour finir, que Paul Goma est en grande partie un héros
oublié de notre histoire récente, où il n’a pas vraiment trouvé sa
place. »
Même si en août 1968, il a soutenu le régime de Ceaușescu,
lorsque celui-ci s’est dressé contre l’invasion de la Tchécoslovaquie, Paul
Goma est resté un opposant déclaré des communistes, poursuivant ses attaques
contre le régime, expliqueCristina Petrescu : « On peut
dire que Paul Goma a été le fer de lance du non-conformisme roumain. Il a été
le premier écrivain roumain de sa génération à avoir réussi à publier à
l’étranger deux livres refusés par la censure. Un de ces deux livres était dirigé
explicitement contre le régime : Paul Goma y parle de détenus obsédés par
la liberté. Ce livre fut un grand succès et, puisqu’il était publié au moment
où « L’Archipel du goulag » de Soljenitsyne était traduit dans
plusieurs langues de circulation internationale, Goma fut appelé « le Soljenitsyne
roumain ». »
Paul Goma entre de nouveau en conflit ouvert avec les
autorités communistes en 1977, lorsqu’il signe une lettre collective de
protestation adressée à la Conférence pour la sécurité et la coopération en
Europe de Belgrade. Cette lettre, dénonçant la violation des droits de l’homme
en Roumanie, fut diffusée par Radio Free Europe, marquant le début du « mouvement
Goma », expliqué par Cristina Petrescu : « Le syntagme Mouvement Goma, par lequel les écrits historiques
désignent cette protestation collective, est en fait l’appellation utilisée par
la Securitate, la police politique du régime communiste. Ce groupe était plus
grand que le samizdat Ellenpontok et le Groupe d’action Banat (Aktionsgruppe Banat). En ce qui me concerne, je tenterais de
réinterpréter en quelque sorte ce mouvement. Je ferais donc une distinction
entre le dissident Paul Goma, érigé au rang de modèle idéal, et le mouvement
portant son nom, qui fait l’objet d’une tout autre idéalisation. »
Le 1-er avril 1977, Paul Goma est arrêté. Le 20
novembre, lui, sa femme et son enfant se voient retirer la nationalité roumaine
avant d’être expulsés du pays. Arrivés à Paris, ils ont demandé l’asile
politique en France, mais l’écrivain n’a jamais voulu demander la nationalité
française. Après la chute du communisme en Roumanie, en 1989, en guise de
réparation, le régime de Bucarest a rendu à Paul Goma sa nationalité roumaine. (Trad. : Dominique)