L’écrivain Marin Sorescu
L’écrivain Marin Sorescu vit le
jour en février 1936, dans le village de Bulzești, dans le département de Dolj,
dans le sud de la Roumanie. Auteur prolifique, poète, dramaturge et critique
littéraire, Marin Sorescu était l’un des auteurs les plus connus et appréciés
sous le régime communiste, en Roumanie comme à l’étranger. Après son décès en
1996, à l’âge de 60 ans, l’écrivain roumain est tombé dans l’oubli, une
tournure surprenante que personne n’avait envisagée au vu de la notoriété dont
il jouissait de son vivant.
Christine Leșcu, 12.03.2023, 10:00
L’écrivain Marin Sorescu vit le
jour en février 1936, dans le village de Bulzești, dans le département de Dolj,
dans le sud de la Roumanie. Auteur prolifique, poète, dramaturge et critique
littéraire, Marin Sorescu était l’un des auteurs les plus connus et appréciés
sous le régime communiste, en Roumanie comme à l’étranger. Après son décès en
1996, à l’âge de 60 ans, l’écrivain roumain est tombé dans l’oubli, une
tournure surprenante que personne n’avait envisagée au vu de la notoriété dont
il jouissait de son vivant.
Notre invité Paul Cernat, historien et critique
littéraire, a accepté de revenir avec nous sur la vie de Marin Sorescu: « Marin Sorescu était originaire
d’Olténie, et plus précisément du village de Bulzești, dans le département de
Dolj, une région qu’il a mise à l’honneur dans nombre de ses ouvrages, mais
plus particulièrement dans son cycle lyrique-épique « La lilieci »
(Chez les chauves-souris), l’un de ses plus grands chefs d’œuvre. Il a commencé
ses études à Craiova, au Collège « Les Frères Buzeşti », avant
d’entamer une carrière militaire à Predeal, une expérience qui le marqua profondément
et qu’il évoque dans son recueil de poèmes publié posthume. Il étudie ensuite à
la Faculté de philologie dans les années 1950. Il obtient sa licence en 1960 et
débute sa carrière de poète peu de temps après, pendant la
déstalinisation. »
Grâce à son talent littéraire, Marin
Sorescu s’est vite fait connaître. Auteur prolifique, il a beaucoup été publié
et s’est fortement impliqué dans la vie littéraire de l’époque, ce qui lui a
aussi valu d’être traduit dans plusieurs langues. Outre ses célèbres recueils
de poésies comme « Chez les chauves-souris », l’auteur écrit aussi
des pièces de théâtre comme « Iona », « Cousin Shakespeare »,
« Le rhume », ou encore des livres pour enfant comme « Par où
s’enfuir de la maison » et « Le coq au cou tordu ». Sa notoriété
lui a valu d’ailleurs d’échapper au scandale du mouvement philosophique de la « Méditation
transcendantale ». Au début des années 1980, le régime communiste mit au
ban certains intellectuels influents pratiquant le yoga et la méditation
orientale. Parmi eux, Marin Sorescu, qui, malgré les faits, ne perdit ni son
emploi ni son statut social. Paul Cernat nous raconte : « A partir des années 1970, il commence à se faire connaître en
Roumanie mais aussi à l’étranger. Il est décrit comme un globe-trotteur,
traduit dans de nombreuses langues et de nombreux pays. Il a entretenu des
liens très étroits avec des poètes et des écrivains de renom, avec qui il a
fait des entretiens ou des conférences partiellement retranscrits dans l’ouvrage « Traité
d’inspiration » publié en 1985. Il a aussi été impliqué dans plusieurs
polémiques. C’était un critique littéraire véhément, plein de verve et d’idées.
Il s’est hissé au rang des auteurs classiques dès l’âge de 40-50 ans. Dans les
années 1980 il constituait déjà, à bien des égards, un repère dans la
littérature roumaine. Après 1990, il a même fait carrière en politique,
notamment en devenant ministre de la Culture. Beaucoup ont d’ailleurs été déçus
par ses idées politiques après 1990. Ce n’était pas un calcul très inspiré de
sa part, le contexte étant assez tendu à l’époque, avec des conflits politiques
et culturels qui l’ont affecté, précipitant sa fin. Il est décédé d’un cancer à
la fin de l’année 1996 avant de pouvoir fêter ses 61 ans.»
Même s’il n’a pas
vécu longtemps après la chute du communisme, Marin Sorescu a
tout de même eu le temps d’obtenir le Prix Herder et a réussi à soutenir sa
thèse de doctorat en philologie à l’Université de Bucarest. À sa mort, l’auteur
laissa derrière lui une quinzaine de manuscrits de poèmes, d’essais, de
journaux et de romans, tous rédigés dans le style unique qui fit son succès. Paul Cernat nous raconte ce qui distinguait Marin
Sorescu : « Il combinait humour et gravité, avec une
once de tragique. Pour moi, Marin Sorescu était à la littérature ce que
Brancusi était à l’art. Je pense que cette combinaison entre fraîcheur
démystifiante et mythologie du substratum est une des caractéristiques de Marin
Sorescu. Il y avait aussi un mélange d’humour typique de la région d’Olténie
(sud) et de méditation inquiète sur le sens de l’existence. Marin Sorescu
semble avoir une double personnalité : un côté qui rit, un autre qui
pleure. Cela dépend de ce que nous voulons mettre en avant. Certains ont vu en
lui plutôt un parodiste ou un humoriste. Mais il est en égale mesure un esprit
grave, qui se propose en fait de réhabiliter les mythes et de les sauver dans
ce monde moderne par le biais de l’ironie, de la familiarité, de la
communication. Et, à mon avis, il lui réussit. Plus encore, il est un des
écrivains roumains les plus « exportables » pour ainsi dire. Il a reçu
toute sorte de prix internationaux. Mais son œuvre est aussi un mélange très
efficace de local et d’universel. Enfin, je dirais que l’existence posthume de
Marin Sorescu mérite elle aussi de l’attention, car elle a connu à son
tour des hauts et des bas. Sa réception par le public a traversé une période
d’ombre, mais les choses ont peu à peu changé et désormais l’œuvre de Marin
Sorescu revit un moment faste. »
Voilà pour cet auteur roumain moderne, qui
a connu un grand succès, pour passer dans un cône d’ombre pendant quelques
décennies et qui désormais commence à regagner sa place. Malgré ces hauts et
ces bas, Marin Sorescu est un nom de marque de la littérature roumaine du XXème siècle.