Le Palais Ghica – Tei de Bucarest
Ville qui a commence à se moderniser dès la seconde moitié du XIXeme siècle, Bucarest compte peu de bâtiments qui peuvent se vanter avec leurs plus de 200 ans d’existence. Quelques-uns datent du début du XIXeme siècle et parmi eux il y a aussi le Palais de Şuţu, qui abrite le siège central actuel du Musée de Bucarest, palais bâti autour de l’an 1830, mais aussi le Palais de Ghica qui se trouve au bord du Lac Tei (tilleul en francais).
Christine Leșcu, 07.12.2017, 13:54
Ville qui a commence à se moderniser dès la seconde moitié du XIXeme siècle, Bucarest compte peu de bâtiments qui peuvent se vanter avec leurs plus de 200 ans d’existence. Quelques-uns datent du début du XIXeme siècle et parmi eux il y a aussi le Palais de Şuţu, qui abrite le siège central actuel du Musée de Bucarest, palais bâti autour de l’an 1830, mais aussi le Palais de Ghica qui se trouve au bord du Lac Tei (tilleul en francais).
Ce dernier a été bâti en 1822 dans une région qui englobe aujourd’hui les quartiers à l’est de la ville, mais qui se situait par le passé aux extrémités de la ville de Bucarest et peut-être même en dehors de celle-ci. Le palais a été construit par Grigore le IVeme Ghica, le prince régnant de la Valachie, l’an même de son couronnement en tant que voïvode. Il a été le premier prince régnant qui provenait d’une famille des nobles roumains, les boyards, après la longue période phanariote.
Pendant plus de cent ans, les princes régnants de la Valachie et de la Moldavie avaient été choisis par les souverains ottomans parmi les membres des familles d’origine grecque établies au quartier de Phanar à Istanbul. Une fois achevée la période phanariote, grâce à la révolution de Tudor Vladimirescu de 1821, la Sublime Porte a nommé Grigore le IVeme Ghica voïvode de la Valachie. Il faisait partie d’une ancienne famille roumaine d’origine albanaise qui avait donné à la Valachie par le passé d’autres voïvodes. Et une des premières actions entreprises par lui en tant que prince régnant a été la continuation des travaux pour cette résidence située en dehors de Bucarest, bâtie selon l’architecture occidentale qui venait de commencer à pousser des racines dans les provinces roumaines, d’après les propos de l’historien Dan Falcan.
Dan Falcan: « Juste avant d’être investi voïvode, en septembre 1822, il avait commencé la construction de cet édifice, le Palais de Ghica-Tei, un bâtiment très beau du style néoclassique, typique du début du XIXeme siècle. Mais, il montre aussi des éléments qui appartiennent à la Renaissance, des frises et des sculptures. L’intérieur est peint par le peintre italien Giacometti, qui était assez connu à l’époque et ses créations ont perduré en dépit des mal faits du temps et ont été préservées jusqu’à aujourd’hui. Ce n’était pas le palais officiel du voïvode Grigore Ghica, c’est à dire la Cour Princière, mais c’était quand même sa résidence. Le nom de l’architecte n’est pas connu, mais on sait qui a été le créateur de la peinture intérieure: Giacometti. On peut supposer que l’architecte était étranger, car à l’époque il n’y avait pas d’architectes roumains. C’est seulement en commençant de cette époque là que les roumains ont pris l’habitude de suivre des études d’architecture à l’étranger ».
Ayant un seul étage, plutôt long que haut, le palais est situé au milieu d’un immense parc au bord du lac Tei. En 1833, l’église Ghica Tei a été construite dans sa cour. Servant tout d’abord seulement comme la chapelle du palais, la construction se développera plus tard et – et cela a été une autre première à l’époque, accomplie sur le domaine Ghica du quartier du lac Tei – l’architecture de l’église a, elle aussi, adopté le style occidental. Sa forme ronde et le style néoclassique italien dans lequel elle a été bâtie représentent une fracture avec la tradition byzantine de la construction des églises. Mais celle-ci n’est pas la seule construction un peu…bizarre qui se trouve dans la cour du Palais de Ghica-Tei, affirme Dan Falcan qui a travaillé ici, en tant qu’archéologue, dans les années ’70-’80.
Dan Falcan : « Ce palais n’a pas été bâti sur un terrain vide. Il y a eu là bas une maison des nobles et au XVIIeme siècle il est fort probable que cette maison puisse avoir été la propriété du voïvode Matei Basarab. Vis-à-vis du palais, au delà du miroir de l’eau du lac Tei, se trouve le monastère Plumbuita, bâti toujours par Matei Basarab. En dessous du lac, il y a un tunnel qui liait le monastère du terrain ou, ultérieurement a été élevé le palais de Ghica. De nos jours, ce tunnel ne peut plus être parcouru entièrement. Quelques mètres après l’entrée, il s’est effondré, ce qui est tout à fait naturel après 200 ans de tremblements de terre, d’incendies et de travaux d’infrastructure de tout genre. Ce tunnel appartient à la période pendant laquelle le régent a été Matei Basarab, c’est à dire à peu près entre les années 1630 et 1650. En tout cas, le palais n’a pas été construit par Grigore Ghica. Il aurait pu penser à l’utiliser, étant donnés les temps troubles pendant lesquels il a vécu après la révolution de Tudor Vladimirescu. Quand même, à l’époque de Matei Basarab, l’état des choses était encore plus trouble. Les turcs pouvaient attaquer la ville à tout moment et quand cela arrivait on pouvait essayer à se sauver en prenant le chemin du tunnel et en trouvant abri au monastère de Plumbuita ».
En régnant en Valachie entre 1822 et 1828, Grigore Ghica le IVeme a cherché à mettre en place une administration roumaine, après plus de cent ans de règne phanariote sur le pays. (Trad. Nadine Vladescu)