Le mois de la ville de Bucarest
« Luna Bucureștilor/Le mois de la ville de Bucarest » ramenait à l’attention des habitants et des non-habitants de la capitale une ville désireuse de suivre les tendances de développement urbain de l’époque et de répondre aux attentes de la population. À commencer des années 1830 et durant un siècle, Bucarest avait connu une évolution spectaculaire, la ville ayant perdu peu à peu son air oriental pour devenir une métropole européenne. Du point de vue des services et l’aspect esthétique, le règne du roi Carol Ier (1866-1914) a représenté une étape des plus radicales de l’histoire de la ville, marquée par la construction d’un très grand nombre d’édifices publics.
Steliu Lambru, 10.10.2021, 09:35
« Luna Bucureștilor/Le mois de la ville de Bucarest » ramenait à l’attention des habitants et des non-habitants de la capitale une ville désireuse de suivre les tendances de développement urbain de l’époque et de répondre aux attentes de la population. À commencer des années 1830 et durant un siècle, Bucarest avait connu une évolution spectaculaire, la ville ayant perdu peu à peu son air oriental pour devenir une métropole européenne. Du point de vue des services et l’aspect esthétique, le règne du roi Carol Ier (1866-1914) a représenté une étape des plus radicales de l’histoire de la ville, marquée par la construction d’un très grand nombre d’édifices publics.
L’exposition jubilaire de 1906 a placé Bucarest sur la carte des grandes métropoles du monde, qui présentaient leurs cartes de visite.Ce fut Carol II lui-même qui a coupé le ruban inaugural du Festival « Luna Bucureștilor/Le mois de la ville de Bucarest », moment immortalisé par les photographes présents sur place. L’historienne Anita Sterea, de la Fondation « Calea Victoriei/L’Avenue de la Victoire », passe en revue quelques repères de cet événement : « Le Festival « Le mois de la ville de Bucarest » a été inauguré à l’été 1935. Les années suivantes, il a eu lieu du 9 mai au 9 juin. La première édition s’est déroulée dans le parc Carol, qui a d’ailleurs été créé en 1906, lors du quarantième anniversaire de la venue du roi Carol Ier en Roumanie. Le roi Carol II utilisera l’infrastructure réalisée à l’occasion de cet anniversaire royal pour organiser la première édition du festival. Pour vous donner un exemple, les concours de musique de fanfare et de tarafs auront lieu aux Arènes romaines du parc, construites en 1906. »
Toutes les autorités locales ont accueilli l’idée du souverain avec un maximum d’enthousiasme. De l’avis d’Anita Sterea, le festival « Le mois de la ville de Bucarest » avait eu pour but de promouvoir la ville et surtout d’attirer des investissements : « Qu’est-ce que Carol II voulait faire avec ce festival ? Eh bien, il voulait promouvoir Bucarest en tant que destination touristique, mais c’était aussi une modalité pour les compagnies, notamment industrielles, de montrer leur potentiel, de se faire de la publicité. Des invités de l’étranger participeront à l’événement, au niveau des ambassades, dans un premier temps, et puis des compagnies étrangères feront aussi leur apparition. En 1935, le festival se déroule au parc Carol, mais en 1936, il déménage au parc Herăstrău, dont certains éléments spécialement construits pour le festival sont encore visibles aujourd’hui. C’est le cas, par exemple, de la zone des cariatides, où se trouvait le pavillon royal. Le Musée du village sera inauguré dans le cadre de l’édition de 1936 du festival. De nombreux monuments publics seront eux-aussi inaugurés à l’occasion du festival, tels la fontaine Miorița, la fontaine Zodiac devant le parc Carol, la statue de Spiru Haret et le Monument des Héros de l’air. »
L’historienne Anita Sterea s’est également arrêtée sur le contenu des éditions de 1935 à 1940 du festival « Le mois de la ville de Bucarest » : « Le programme était à peu près le même, il y avait de pavillons de présentation, un grand nombre d’activités en ville aussi, mais la plus grosse partie du festival « Le mois de la ville de Bucarest » se déroulait dans le parc. La famille royale était toujours présente, c’était aussi l’occasion d’organiser des entretiens diplomatiques en tout genre. Le festival a fait venir un nombre important de visiteurs à Bucarest. Ce fut une idée de Carol II, peaufinée par des gens de son entourage, mais moi je crois qu’ils s’étaient beaucoup inspirés de l’exposition jubilaire de 1906, coordonnée par le docteur Istrati. »
Le roi Carol II, qui allait imposer un régime politique d’autorité personnelle en 1938, avait-il mis une empreinte personnelle sur le festival « Le mois de la ville de Bucarest » ? L’historienne Anita Sterea a répondu que : « Les premières éditions sont très bien documentées ; le festival allait être organisé jusqu’en 1940 et les dernières éditions sont moins bien documentées. L’empreinte personnelle est là, mais elle moins forte que ce que l’on pourrait croire. C’est du moins ce que j’ai trouvé comme documents, photos, brochures ; l’information est riche jusqu’en 1937, et elle s’amenuise pour les éditions de 1938-39-40. L’édition de 1935 a présenté une maquette de la ville, intitulée « Bucarest 2000 » ; c’est très intéressant de voir comment les gens de l’époque s’imaginaient la capitale en l’an 2000. Et je peux vous dire qu’aujourd’hui, nous sommes loin derrière leurs plans. Ils avaient imaginé une ville bien plus verte que l’actuelle, avec des réseaux de transport bien plus diversifiés, qui connectaient la ville et les villages avoisinants. Les plans d’urbanisme étaient plus cohérents et la ville beaucoup plus unitaire. Mais les gens des années 30 ne pouvaient prévoir le demi-siècle de régime communiste d’après la deuxième guerre mondiale. »
Le festival « Luna Bucureștilor/Le mois de la ville de Bucarest » prendra fin en 1940, lorsque le déclenchement de la seconde conflagration mondiale allait redessiner le monde. Après le retour de la paix, en 1945, le mental collectif roumain changera avec l’arrivée d’une autre époque.