Le médecin psychiatre Alexandru Obregia (1860-1937)
Steliu Lambru, 19.02.2023, 11:34
La
psychiatrie moderne a accédé à l’espace roumain alors que les connaissances
médicales se répandaient à travers le monde. Il s’agissait d’une spécialité
médicale en pleine expansion tout comme d’autres spécialisations et
disciplines. Avant le 19e siècle, le traitement des maladies mentales était
presqu’exclusivement l’apanage de l’Eglise, tout comme dans le reste de
l’Europe. Mais suite à l’amplification de la présence de l’Etat dans la société,
la formation des spécialistes dans ce domaine est passée aux mains des
institutions d’Etat qui venaient d’être créés. La préoccupation pour la
responsabilité du malade, surtout s’il était l’auteur d’un délit, est devenue
de plus en plus importante. Pourtant, les mesures à l’encontre des malades qui
détenaient des fonctions importantes se sont souvent avérées incorrectes. Tel
fut le cas du prince valaque Nicolae Mavrogheni (1735-1790).
Le psychiatre Octavian Buda, professeur à
Université de médecine et pharmacie « Carol Davila » de Bucarest, affirme :
« Chez nous, à l’époque des phanariotes, il y a eu
un prince régnant fou : Nicolae Mavrogheni. Il souffrait de troubles
bipolaires, semble-t-il, sinon il était tout à fait maniaque. Ce fut son
comportement bizarre qui a provoqué son renversement et son exécution par les
Ottomans. Ils ont exécuté une personne souffrant d’une pathologie
psychiatrique, selon toutes les apparences. »
Parmi les
grands noms de la psychiatrie roumaine figure Alexandru Obregia, qui avait fait
des études à Berlin et Paris. Il a aussi travaillé aux côtés du célèbre
médecin, psychologue et philosophe Wilhelm Wundt. Né à Iasi en 1860, Obregia a suivi
les traces de son mentor, Alexandru Suțu. Obregia a présenté sa thèse de
doctorat à l’âge de28 ans à Bucarest où il a été nommé professeur et a enseigné
durant 25 ans. Son nom est également associé à la création du premier hôpital
des maladies psychiques de Roumanie. Il était sis dans le sud de Bucarest, dans
l’actuel quartier de Berceni, qui se trouvait, à l’époque de sa construction,
en 1923, à l’extérieur de la ville. Erigé entre 1907 et 1910 avec l’appui du
politicien conservateur Gheorghe Grigore
Cantacuzino, mais inauguré en 1923 à cause de la première guerre mondiale,
l’hôpital a bénéficié entre temps du soutien des meilleurs cerveaux dans le
domaine de la psychiatrie et de la neurologie.
Octavian
Buda a remarqué que 2023 commémorait le centenaire de l’apparition de cette
institution publique, une institution d’une importance capitale, reposant sur
l’existence d’une élite spécialisée dans le cadre de laquelle Alexandru Obregia
détenait une position privilégiée.
« Peu à peu,
des spécialistes apparaissent, telAlexandru Obregia, qui débuta sa
carrière à Mărcuța. Cette année, nous célébrons le centenaire de l’inauguration
de l’hôpital pavillonnaire, aujourd’hui l’hôpital « Obregia ». Il a été
une sorte de ministre de la Santé, à la tête de la Direction sanitaire, avec
des études en Allemagne, à Munich. Ce fut une grande personnalité. Viennent
s’ajouter les frères Minovici, par exemple, qui tout comme Sutu et Obregia,
commencent à évoquer des aspects liés à la criminalité et à la société » .
Alexandru Obregia et tous les médecins
de leur génération se sont fait remarquer par leurs diagnostics et par
l’invention de méthodes de traitement inédites. Il a orienté la psychiatrie
davantage vers les particularités anatomiques des malades et vers leur
fonctionnement biologique. Il est reconnu comme étant l’un des premiers à
proposer la méthode anatomo-clinique et la méthode expérimentale du traitement
des maladies psychiatriques. Il s’est prononcé contre les convictions répandues
à l’époque dans le système médical roumain, selon lesquelles il existait une dégénération
et une irréversibilité des symptômes favorisant l’apparition des maladies
psychiques. C’est pourquoi il a entrepris des recherches sur la maladie appelée
cyclophrénie, un trouble mental affectif impliquant la confusion, la
consommation exagérée d’alcool, et prouvé que cette maladie et ses symptômes
étaient réversibles. En 1908, après des années de recherches, Obregia a
introduit la méthode de la ponction sous-occipitale.
En 1934,
le professeur Alexandru Obregia, fort d’une grande expérience de manager qu’il
avait acquise depuis 1893, se retire de la direction de l’hôpital des maladies
psychiques. A partir de 1905 il remplit les fonctions de directeur de l’hospice
Mărcuța, l’un des endroits les plus connus en matière de traitement pour les
malades psychiques, où le poète Mihai Eminescu lui-même avait été soigné. Il
fut décoré de la « Légion d’Honneur » par le président français en
1901 et de la croix du « mérite sanitaire » en 1913, décernée par
le roi de Roumanie, Carol Ier. A l’été 1937, trois ans après sa retraite et
quatre jours après son 77e anniversaire, Obregia s’éteint dans sa
maison à Bucarest. Depuis 1990, l’hôpital qu’il avait dirigé dans le quartier
de Berceni et un boulevard du même quartier portent son nom. (Trad : Alex Diaconescu)