Le médecin Nicolae C. Paulescu et la découverte de la pancréine
Parmi les grandes figures de la médecine roumaine, on compte Gheorghe Marinescu, Victor Babeş, Jean Cantacuzène, George Emil Palade, les frères Minovici, pour ne citer que quelques noms. Une de ses figures de proue est Nicolae C. Paulescu, physiologiste réputé devenu un repère de la diabétologie par sa contribution à la mise au point du traitement de base du diabète. La grande découverte scientifique de Paulescu est la pancréine, hormone antidiabétique produite par le pancréas, qu’il avait obtenu chez un chien rendu diabétique par pancréatectomie.
Steliu Lambru, 01.03.2020, 17:28
Nicolae Constantin Paulescu est né à Bucarest le 8 novembre 1869 et il est mort le 19 juillet 1931. Son père était commerçant et sa mère, femme au foyer. Bachelier d’un lycée bucarestois d’élite, le Lycée « Mihai Viteazul », il a montré un intérêt particulier pour les sciences exactes et pour les langues étrangères. En 1888, il se rend à Paris pour étudier la médecine et y obtient son doctorat en 1897. Dans la capitale française, il a travaillé à l’hôpital Hôtel-Dieu, d’abord en tant qu’externe, de 1891 à 1894, sur proposition du Pr Étienne Lancereaux, son maître, et ensuite comme interne, de 1894 à 1897. Entre 1897 et 1900, Nicolae Constantin Paulescu est médecin assistant à l’hôpital Notre Dame du Perpétuel-Secours et adjoint du Pr Lancereaux. Dans le même temps, il occupe le poste de secrétaire de rédaction de la revue Journal de Médecine interne. De 1897 à 1898, il suit aussi des cours de chimie biologique et de physiologie à la Faculté des Sciences de Paris, où il obtient le titre de docteur ès sciences en 1899. En 1901, Paulescu obtient un second titre de docteur ès sciences à l’Université de Paris. Il rentre en Roumanie en 1900, où il occupe un poste de professeur de physiologie à la Faculté de médecine, ainsi que le fauteuil de directeur de la Clinique de médecine interne de l’hôpital Saint Vincent de Paul de Bucarest. Nicolae Constantin Paulescu a eu, tout au long de sa vie, une remarquable activité scientifique, centrée sur la métabolisation des glucides, la pathogenèse du diabète, le rôle du pancréas dans lassimilation des nutriments, les mécanismes de la coagulation du sang et les mécanismes se trouvant à la base de la mort subite. Cest en 1906 quil arrive à mettre au point une méthode originale pour extraire lhypophyse du chien, méthode qui sera par la suite utilisée avec succès sur lhomme.
Lors de la réunion du 23 juillet 1921 de la Société roumaine de biologie, Nicolae Paulescu présentera quatre communications portant sur les résultats de ses recherches et sur lisolation et laction de la pancréine dans le cas des diabétiques. Paulescu publie ensuite sa découverte du principe actif anti-diabétique du pancréas, quil appelle la pancréine, et qui est lhormone anti-diabétique sécrétée par le pancréas, dans la revue scientifique belge « Archives internationales de Physiologie », plus précisément dans un article du 31 août 1921.
Le diabétologue Constantin Ionescu-Tîrgovişte, membre correspondant de lAcadémie roumaine et directeur de lInstitut portant le nom du professeur Paulescu, rappelle la contribution essentielle de Nicolae Paulescu à la découverte de linsuline :
« La pancréine est le nom de linsuline, cest lhormone isolée par Paulescu, dabord chez le chien, puis chez dautres animaux. Cest lhormone antidiabétique prédictible selon des données préliminaires, publiées par une série de chercheurs à partir de 1890, lorsquune véritable chasse à lhormone fut lancée. Déjà en 1899, lorsquil soutient un de ses trois doctorats à Paris, Paulescu avouait avoir commencé la recherche dont lobjectif était disoler le principe anti-diabétique pancréatique. Ses recherches scientifiques ont été menées dune manière exemplaire. Il avait constaté que le diabète est une maladie qui ne se caractérise pas seulement par lhyperglycémie, mais encore par des manifestations propres des corps cétoniques, que lon appelle les acides gras, dans le sang et lurine, et aussi par laccroissement des valeurs de lurée dans le sang, signifiant le catabolisme protéique. Cette vue densemble de la maladie, mise en avant par le professeur Paulescu, était inattendue pour lépoque, alors que la communauté médicale bloquait sur la seule hyperglycémie. »
L’académicien Constantin Ionescu-Tîrgovişte a aussi rappelé le travail des chercheurs canadiens Frederick Banting et Charles Best, de l’Université de Toronto, travail couronné du Prix Nobel de médecine en 1923. Quels en ont été les arguments pris en compte par le jury ?
« Deux arguments ont pesé dans l’attribution du Nobel à l’équipe de l’Université de Toronto. Primo – James Collip a réussi à purifier l’extrait pancréatique, qui a pu être injecté à un patient humain. Ce fut en effet le premier pas au-delà des résultats de Paulescu. Secundo — le Prix Nobel de médecine de 1920, le Danois August Krogh, dont l’épouse était diabétique, s’était rendu à Toronto. Lors de sa visite du laboratoire de l’Ecossais John Macleod, ils se sont entendus sur la possibilité de produire la nouvelle hormone à Copenhague. Krogh a été celui qui a proposé la candidature des Canadiens au Nobel. »
Le médecin diabétologue Ionescu-Tîrgovişte explique aussi en quoi la pancréine est différente de l’insuline.
« Eh bien, il n’y a aucune différence entre les deux. En fait, je devrais formuler ça autrement : il n’existe aucune différence entre la pancréine et l’islétine. L’extrait pancréatique utilisé par les Canadiens d’après le modèle de Paulescu avait été baptisé islétine. Je viens d’obtenir un article scientifique signé par le physiologiste belge Jean de Meyer, en 2009, où il utilise le nom d’insuline. De Meyer y disait que l’hormone antidiabétique extraite du pancréas allait recevoir ce nom. »
En 1969, le physiologiste écossais Ian Murray lance une campagne internationale grâce à laquelle le Comité Nobel reconnaît les mérites de Nicolae Paulescu dans la découverte du traitement antidiabétique. (Trad.: Ileana Ţăroi)