Le mathématicien Gheorghe Țițeica
L’école de mathématiques roumaine fait ses premiers pas à la fin de la première décennie du XIXème siècle, et surtout après la fondation, en 1818, de l’Ecole technique supérieure, ancêtre de l’Université polytechnique de Bucarest. C’est dans cette institution, et dans d’autres créées plus tard, que se sont formées des générations d’ingénieurs et de mathématiciens roumains. Gheorghe Țițeica est un des ceux qui ont marqué le développement des mathématiques en Roumanie.
Steliu Lambru, 19.01.2025, 09:13
L’école de mathématiques roumaine fait ses premiers pas à la fin de la première décennie du XIXème siècle, et surtout après la fondation, en 1818, de l’Ecole technique supérieure, ancêtre de l’Université polytechnique de Bucarest. C’est dans cette institution, et dans d’autres créées plus tard, que se sont formées des générations d’ingénieurs et de mathématiciens roumains. Gheorghe Țițeica est un des ceux qui ont marqué le développement des mathématiques en Roumanie.
Formation et début de carrière d’un mathématicien hors-paire
Né en 1873, à Turnu Severin, ville sise sur la rive roumaine du défilé du Danube aux Portes-de-fer, il meurt à Bucarest en 1939, à l’âge de 66 ans. Très jeune, Gheorghe Țițeica s’intéresse déjà beaucoup aux mathématiques et aux sciences dites « fortes », c’est-à-dire les sciences formelles et les sciences de la nature, qui s’appuient toutes sur la rigueur méthodologique, la précision et l’objectivité. Admis à l’Ecole technique supérieure, la future Polytechnique de Bucarest, il a aussi étudié les mathématiques à la Faculté de sciences de l’Université bucarestoise. Parmi les professeurs de cette dernière institution, il s’est beaucoup rapproché du mathématicien et astronome Spiru Haret, le réformateur le plus important de l’enseignement roumain.
Après l’obtention de sa licence en 1895 Gheorghe Țițeica décide de continuer ses études à Paris, où il se rend l’année suivante. Dans la capitale française, il se spécialise en géométrie différentielle. Țițeica étudie les réseaux dans un espace à « n » dimensions et introduit de nouvelles classes de superficies, courbes et réseaux. Il a énoncé « le problème de la monnaie de cinq lei » ou le théorème de Țițeica, ainsi que les concepts de la « superficie Țițeica » et de la « courbe Țițeica ». Il s’est également impliqué dans la vulgarisation des sciences, ainsi que dans l’amélioration du niveau de l’enseignement des mathématiques en Roumanie. La revue « Gazeta Matematică » a constitué une des grandes passions de Gheorghe Țițeica, qui a également fait partie des fondateurs des publications « Mathematica » et « Natura, revistă științifică de popularizare ».
Paris – une étape de formation académique décisive
Le mathématicien et écrivain Bogdan Suceavă compte parmi ceux qui retracent l’histoire des mathématiques en Roumanie. Cela lui a permis de constater que la période de formation en Occident avait été décisive pour la carrière de Gheorghe Ţiţeica et pour sa décision de proposer à ses compatriotes une éducation scientifique de très haut niveau.
Bogdan Suceavă : « Les premières décennies d’existence de « Gazeta » sont étroitement liées au nom de Gheorghe Țițeica. Lui, il a pu bénéficier de bourses tout au long de sa vie. Le fait d’avoir réussi, en tant qu’orphelin de père, à se rendre à Paris a beaucoup compté pour lui et pour la façon de financer ses études. Quand il est arrivé dans la capitale française en 1896, on lui a conseillé de s’inscrire à l’École préparatoire. Pendant la première année d’études, il allait faire la connaissance d’Henri Lebesgue, celui qui allait créer, six années plus tard, un chapitre très important de l’analyse mathématique. Țițeica, un être humain d’une très grande qualité, a suivi en parallèle des cours à l’École préparatoire et à l’École Normale. Sa première année d’études a été infernale, mais il s’en est sorti brillamment et on se demande pourquoi il s’était vu conseiller de suivre un plus grand nombre de cours. Eh bien, parce qu’il y avait une certaine différence entre Bucarest et Paris. En juillet 1897, au bout d’une année, il passe les examens de d’études dans le calcul différentiel et intégral, en mécanique et en astronomie, en se classant premier d’une génération extraordinaire, ce qui lui donne droit à une bourse d’études et à l’exemption de taxes. Une expérience qui allait compter pour sa formation. Il a vite compris le fonctionnement des rouages, comment il fallait se préparer, le niveau de l’école française et celui de l’école roumaine à l’époque. C’était avant 1900. »
Une génération d’intellectuels exceptionnelle
La Roumanie se dirigeait à toute allure vers l’Occident et les mathématiques étaient une science en pleine expansion. La génération de Țițeica cherchait ardemment à faire réduire les écarts géants qui existaient entre la société roumaine et la société occidentale, celle française étant le grand modèle à suivre.
Bogdan Suceavă remarquait le fait qu’en France, Țițeica avait rencontré des mathématiciens du plus haut niveau et qu’il avait ramené en Roumanie tout ce qu’il avait appris dans l’Hexagone : « Avec qui Gheorghe Țițeica a-t-il travaillé ? Eh bien, avec Gaston Darboux, doyen de la Faculté de mathématiques, à la Sorbonne, et auteur de quatre volumes de géométrie différentielle dont le thème commun était le suivant: comment choisir les repères les plus appropriés pour les problèmes de géométrie différentielle ? La matière était toute une philosophie, l’auteur très influent avait de nombreux étudiants très doués et Țițeica comptait parmi les plus talentueux. Il a aussi étudié avec Henri Poincaré, Edouard Goursat Charles Hermite, Émile Picard, Jules Tannery, Paul Émile Appell, les meilleurs mathématiciens de l’époque. Gheorghe Țițeica rentre à Bucarest en 1899. Jusqu’en 1937, il allait écrire plus de cent ouvrages. Il a débuté sa collaboration avec « Gazeta Matematică » quand il était encore à Paris. Ses éditoriaux décrivaient tout, y compris la façon dont se présentaient les candidats, au concours organisé par la revue, durant les examens oraux. Des commentaires que personne ne publierait aujourd’hui, mais que Țițeica produisait à cette époque-là. »
Gheorghe Țițeica a été professeur des universités, membres de plusieurs académies et docteur honoris causa de plusieurs universités. Il a aussi été un des membres de la Société des Sciences mathématiques de Roumanie, dont il a été le président. (Trad. Ileana Ţăroi)