Le Casino de Constanţa
Sa silhouette unique sur le front de mer, avec ses
immenses fenêtres en forme de coquillage et son corps émergeant de l’eau, est
depuis longtemps le symbole de la côte roumaine et d’un monde élégant et
raffiné. L’histoire du bâtiment est étroitement liée à celle du développement
de la ville qui est devenue une attraction touristique et balnéaire, en
particulier après l’union de la Dobroudja avec la Roumanie en 1878. Après 1880,
de plus en plus d’habitants du royaume ont commencé à venir à Constanţa pour prendre
des bains de soleil ou pour différentes cures balnéaires ; la ville a dû
trouver moyen de les accueillir confortablement et de rendre leur séjour aussi
agréable que possible.
Christine Leșcu, 23.08.2020, 13:00
Sa silhouette unique sur le front de mer, avec ses
immenses fenêtres en forme de coquillage et son corps émergeant de l’eau, est
depuis longtemps le symbole de la côte roumaine et d’un monde élégant et
raffiné. L’histoire du bâtiment est étroitement liée à celle du développement
de la ville qui est devenue une attraction touristique et balnéaire, en
particulier après l’union de la Dobroudja avec la Roumanie en 1878. Après 1880,
de plus en plus d’habitants du royaume ont commencé à venir à Constanţa pour prendre
des bains de soleil ou pour différentes cures balnéaires ; la ville a dû
trouver moyen de les accueillir confortablement et de rendre leur séjour aussi
agréable que possible.
Doina Păuleanu, directrice générale du musée d’Art de Constanţa, continue
l’histoire du Casino en bord de mer : «Ainsi, en 1880, sur la haute falaise du boulevard, qui
s’appelait à l’époque aussi boulevard Elizabeth, un premier établissement de cure
a été construit. Il était fait de bois, n’était ouvert que pendant la saison
estivale, mais il avait une salle de danse et une terrasse à partir de laquelle
on pouvait regarder la mer. Ce premier casino, qui était nécessaire, a eu un
grand succès, parce que dans une station balnéaire, un établissement ne pouvait
pas exister sans une salle pour la lecture des journaux, où les gens discutaient,
dansaient et se rencontraient. Une puissante tempête détruit ce casino, et en 1892,
la municipalité de Constanţa construit un autre bâtiment avec des matériaux un
peu plus résistants, mais qui n’était pas définitif. Il était à côté du Casino d’aujourd’hui,
toujours sur le front de mer, parce que la partie promenade de nos jours n’existait
pas. Lorsque l’ingénieur en bâtiment Scarlat Vârnav est venu diriger une équipe
de la préfecture de Constanţa, il était question d’agrandir la ville par une
falaise, et cette falaise – celle d’aujourd’hui – a un endroit spécialement
aménagé, une plate-forme qui entre dans la mer et sur laquelle le Casino allait
être construit.»
Un premier projet du Casino remonte à 1903 et il appartenait à l’équipe
de Scarlat Vârnav qui avait son propre architecte : Daniel Renard, un jeune
homme né en Moldavie, d’une mère roumaine et d’un père suisse. En 1903, le
projet a été approuvé et géré par la direction libérale des pouvoirs publics.
Par la suite, les libéraux ont été remplacés par des conservateurs, et ces derniers
sont venus avec leur propre architecte, Petre Antonescu, un adepte du style
néo-roumain ou national. Dans ce style, Antonescu a conçu un autre projet pour
le Casino. Le style Art nouveau, qui caractérisait le projet original conçu par
Daniel Renard, venait à peine de se lancer en Europe et pouvait paraître trop
avant-gardiste. Quelles autres tribulations et avatars ont traversé le projet
de Casino à Constanţa avant qu’il ne soit édifié.
Doina Păuleanu : «Ainsi, en 1906, Petre
Antonescu a fait un nouveau projet. Et j’ai eu la chance de trouver le dessin
de ce projet que j’ai d’ailleurs publié récemment. C’était un beau bâtiment,
également avec des fonctions de casino, conçu pour être ouvert même en hiver.
Évidemment, pour ce nouveau projet, une deuxième rangée de fondations est réalisée.
Mais la direction conservatrice est également partie assez rapidement, et les
libéraux sont revenus. Ils sont donc également revenus au projet Art nouveau de
Daniel Renard, qui a constaté que les deux rangées de fondations avaient en
fait détruit la structure de son projet et a fait une troisième fondation. Le Casino
a donc une structure indestructible et c’est sur elle que le bâtiment a été
érigé de 1906 à 1907. Il a coûté beaucoup plus que prévu à l’origine et avait
l’air un peu différent d’aujourd’hui. A l’étage, Daniel Renard avait d’abord
pensé à une salle de spectacles qui avait l’énorme fenêtre en forme de coquillage
ouverte à la fois sur le front de mer et la falaise. Les travaux ultérieurs ont
conduit à murer cette fenêtre côté mer et à agrandir le Casino sur la terrasse.
Ainsi, une très grande salle de baccarat a été obtenue. Bien sûr, cette
intervention a été faite, par l’intermédiaire de Daniel Renard, qui n’était
probablement pas d’accord, mais qui a dû l’accepter à la demande des commanditaires
qui voulaient faire du Casino un endroit rentable. D’ailleurs, le bâtiment
avait déjà été loué à des entrepreneurs privés. Il dirige l’équipe qui, entre
1912 et 1913, mure la fenêtre côté mer et agrandit le Casino, pour arriver à la
configuration actuelle de l’édifice. »
Pendant la journée, le thé ou le café était servi au Casino et on lisait
les journaux ; on y organisait également une diversité de spectacles. En
soirée, les jeux d’argent commençaient. Avec l’apparition, à proximité, du Casino
de Mamaia et la transformation de cet ancien quartier de Constanţa en station
balnéaire, le bâtiment conçu par Daniel Renard a perdu de sa rentabilité. Peu à
peu, les jeux ont commencé à être concurrencés par des activités culturelles
organisées à l’intérieur de l’édifice pendant l’entre-deux-guerres.
La situation allait de nouveau changer pendant le communisme, raconte
Doina Păuleanu : « Lorsque
les communistes ont repris le bâtiment, ils ont commencé à le restaurer à
l’aide de prisonniers politiques dans les années 1950. Et récemment, un sac de
ciment a été découvert avec les noms des prisonniers qui travaillaient au Casino
en 1950. Le bâtiment avait été lourdement bombardé pendant les deux guerres
mondiales. Et à l’époque communiste, il avait plusieurs fonctions. À un moment
donné, la zone a été fermée au grand public. Par la suite, il a reçu une
fonction de restauration, et a été pendant longtemps le restaurant le plus
élégant et le plus cher de son temps. »
Après la chute du communisme, un certain nombre de
procès et de controverses se sont fait jour au sujet de la propriété du
bâtiment. En fin de compte, parce qu’il avait été construit exclusivement à
partir de fonds publics, c’est-à-dire à partir de l’argent des anciens
habitants de Constanţa, il appartient à la municipalité. Aujourd’hui, grâce au
vaste processus de restauration entamé à l’intérieur et à l’extérieur, les
architectes et les ingénieurs en bâtiment se proposent de lui faire retrouver son
ancien éclat Art nouveau. (Trad. : Ligia Mihaiescu)