Le Casino de Constanta
Voici l’histoire de l’emblématique Casino de Constanța, symbole de la plus grande ville-port sur la mer Noire, ville fondée par les colons grecs de l’Antiquité, sous le nom de Tomis. Le nom de cette localité est également lié à la légende des Argonautes et notamment à l’exile du poète latin Ovide.

Iuliana Sima Anghel, 02.03.2025, 10:15
Constanta, une ville dont les débuts remontent à l’Antiquité
Nous vous invitons à découvrir l’histoire de l’emblématique Casino de Constanța, symbole de la plus grande ville-port sur la mer Noire, ville fondée par les colons grecs de l’Antiquité, sous le nom de Tomis. Le nom de cette localité est également lié à la légende des Argonautes et notamment à l’exile du poète latin Ovide.
Aujourd’hui, le symbole de la ville est sans nul doute son Casino, construit en style Art Nouveau et inauguré en le 15 août 1910, le jour même où les Roumains marquent la Journée de la Marine.
Déjà en 1879, Constanța était considérée non seulement comme un port mais aussi comme une station thermale maritime. En 1880, son premier salon de danse a ouvert ses portes – Le Salon Guarracino – qui fut sévèrement endommagé en 1891 par une forte tempête. La municipalité lui a donc fait construire un nouveau bâtiment qui a fonctionné jusqu’au printemps 1910.
Mais l’histoire proprement-dite du Casino commence en 1903, lorsque le maire Cristea Georgescu signe un contrat avec l’architecte Daniel Renard, qui allait dresser les plans d’un casino en style Art Nouveau, comme nous l’explique Delia Roxana Conrea, directrice par intérim du Musée national d’histoire et Archeologie de Constanța :
Le Casino dans les années 1930
Delia Roxana Conrea : « Le 15 août 1910 fut inauguré ce beau Casino Communal Carol Ier – c’est avec ce nom qu’il est mentionné dans la presse de l’époque, qui a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre à ce sujet. On y retrouve y compris le menu servi lors de l’inauguration : du foie gras, du vin de Drăgășani et autres plats. Le Casino a eu une très belle évolution avant la Première Guerre Mondiale. En 1916, la Dobroudja tombe pourtant sous occupation germano-bulgare et de nombreux bâtiments de Constanța sont occupés, puis pillés. Ce fut aussi le cas du Casino, qui a été transformé en hôpital militaire et, même s’il avait la Croix Rouge affichée sur son toit, il parait qu’une bombe est néanmoins tombée dessus, en détériorant une partie de son escalier intérieur. Reconstruit dans les années 1920, le Casino retrouve sa splendeur d’antan à l’entre-deux-guerres, lorsque la fête du 15 août et les célébrations nautiques étaient fortement appréciées tant par les habitants de la ville que par les visiteurs. D’autres événements y étaient également organisés. Par exemple, la plupart des bals caritatifs se tenait au Casino et on a même la confirmation que les différents membres de la famille royale y participaient. Cette tradition a été perpétuée si bien qu’à ce jour, la fête du 15 août est marquée tout aussi fastueusement en Roumanie. »
Le Casino de Constanța connaît donc son apogée dans les années 1920-30, lorsque cette ville-port devient très prospère, affirme à son tour Cristian Cealera, historien, écrivain et guide au sein du Musée national d’histoire et d’archéologie de Constanța.
Plein d’histoires autour du Casino
Cristian Cealera : « A noter que la Dobroudja recensait 19 minorités. Plus encore, un recensement de Constanța, qui avait plus de 56 000 habitants dans les années 1920, fait état de pas moins de 33 ethnies. Chose moins connue, à l’époque, il y avait des courses maritimes transatlantiques entre Constanța et New York et par conséquent dans certains jardins de la ville et sur même la terrasse du Casino, des troupes de la Nouvelle Orléans venaient jouer du jazz. C’est une histoire très riche en fait, parce qu’il s’agissait aussi de sopranos et ténors de la Scala du Milan, de nombreuses troupes d’acteurs qui tentaient de décrocher un contrat d’été au casino. Des boxeurs de renommée mondiale se donnaient rendez-vous au casino ou s’affrontaient dans l’arène improvisée devant l’édifice. Le monde adorait se rendre au casino. Et n’oublions pas non plus les Journées de la Marine : la fête du 15 août était l’évènement le plus important de l’été. Evidemment, les jeux d’argent, plus répandus dans les années 1930, ont de bonnes conséquences, mais aussi de moins bonnes. La ville entière prospère – ses restaurants, ses hôtels enregistrent des revenus exceptionnels. Mais en même temps, les jeux de fortune font des victimes, car, si les riches quittaient Monté Carlo en faveur de Constanța puisque c’était moins cher, les moins chanceux – les petits fonctionnaires, les habitants de la ville etc. – ne savaient pas gérer ce problème, d’où tant de tristes histoires. La presse de l’époque note une multitude de cas : des suicides, des scandales d’amoureux, du genre : la jeune femme qui avait dépensé tout l’argent de son fiancé, qui le lendemain tentait de la tuer par balle sur la promenade du casino… et la liste est longue ».
Le Casino à l’époque communiste
Après 1940, le bâtiment tombe dans l’oubli, étant donné que la Seconde Guerre Mondiale avait déjà éclaté. Le Casino est occupé par les troupes allemandes, puis, par les troupes soviétiques, après octobre 1944. L’histoire du casino est tout aussi triste durant l’époque communiste, du moins au début de cette période. Bien qu’il ait été jeté à l’oubli, en ruines, pendant de longues années, sa réhabilitation a quand même été proposée et les travaux de rénovation ont démarré dans les années ’50. Pour la main d’œuvre on a compté non seulement sur les civils, mais aussi sur les détenus politiques des prisons et camps d’ouvriers qui tentaient de creuser le fameux Canal censé relier le Danube à la mer Noire. Une triste réalité, dont témoignent aussi deux billets laissés par l’équipe dirigée par les architectes Constantin Joja et Ion Cristodulo, soit une liste de tous les détenus politiques du moment. Le premier billet a été découvert entre les murs du Casino durant les travaux de restauration démarrés au début de l’année 2020, le second – en 2023. Enfin à compter des années ’80 et jusqu’après 1990, le Casino de Constanța a fonctionné en tant que restaurant avec terrasse.
Après l’an 2000, il a été fermé au public, en attendant que les fonds nécessaires soient ramassés pour sa restauration. Lorsque le Casino de Constanța ouvrira de nouveau ses portes il pourra accueillir des espaces d’exposition qui raconteront son histoire et ainsi qu’un centre culturel multifonctionnel. (trad. Valentina Beleavski)