L’aviateur Gheorghe Mociorniță
Steliu Lambru, 14.02.2021, 12:58
L’aviation
roumaine a une tradition de plus de cent ans, portée par des gens passionnés et
par la construction d’avions. Dès le début du XXe siècle, des Roumains se sont
lancés dans l’aviation afin de poursuivre leur passion. Car aucun domaine ne
devient scientifique si, au début, il n’est pas vu et vécu comme une passion.
Les aviateurs roumains ont été des passionnés. Progressivement cette passion
est devenue un domaine économique, militaire et stratégique, soutenu par des
institutions de l’Etat. Certains aviateurs sont devenus des noms importants,
d’autres ont formé la grande communauté de passionnés qui font avancer le
domaine.
Un
nom important de l’aviation militaire roumaine a été celui du lieutenant
Gheorghe Mociorniță, héros de la Seconde Guerre mondiale, mort au combat à
l’âge de 26 ans à Nivnice, en République tchèque, le 21 avril 1945, neuf jours
avant la fin des hostilités. Il faisait partie d’une famille connue de la
Roumanie de l’entre-deux-guerres. Son père était technicien pétrolier et son
oncle était le célèbre industriel Dumitru Mociorniță, l’un des entrepreneurs
les plus importants de l’industrie du cuir et de la chaussure. Chose curieuse
pour un futur pilote de chasse, le lieutenant Mociorniță a fait des études de
lettres et de philosophie à l’Université de Bucarest. La formation de pilote a
été progressive, avec, d’abord, le brevet de pilote sportif et ensuite avec
celui de pilote de chasse, obtenu en 1943, en pleine conflagration mondiale, à
la fin des études à l’école militaire d’officiers et de pilotes de chasse. En
1941, la tragédie avait frappé la famille Mociorniță. Le frère aîné du futur
lieutenant aviateur avait été tué, à seulement 26 ans, lors des combats de
Sébastopol, en Crimée.
Le pilote Tudor Greceanu, collègue de génération
de Gheorghe Mociorniță, se souvenait, en 1993, comment il avait piloté les
avions allemands Messerschmitt en 1941, lorsque l’armée roumaine avait pris la
ville d’Odessa : «Une escadrille
de chasse était normalement formée de 15 avions. Ces 15 appareils n’étaient pas
toujours tous en formation de vol. En général, nous pouvions compter sur au
moins 12 appareils capables de voler chaque jour. Les autres étaient soit en
révision, soit en réparation, à cause de petits problèmes. Mais nous sommes
arrivés, après la prise d’Odessa, à un point où tout le groupe, c’est-à-dire 3
escadrilles, qui aurait dû avoir 45 avions, n’avait plus que 3 en bon état.
Parce que personne ne remplaçait nos avions. L’État roumain a initialement
acheté aux Allemands 3 escadrilles de chasseurs Messerschmitt 109. Eh bien, ces
avions sont arrivés, ils ont été assemblés, mis formation en vol et nous sommes
partis sur le front. Les appareils abattus, détériorés, en révision, étaient
tous retirés de l’effectif.»
Après
avoir obtenu son brevet, le lieutenant Gheorghe Mociorniță a été coopté dans la
64ème escadrille du 1er Groupe de chasse pour
s’entraîner. Au printemps 1944, les premières bombes alliées tombaient en
Roumanie sur la zone pétrolière de Prahova. Le 4 avril 1944, le lieutenant
Gheorghe Mociorniță partait dans sa première mission d’interception de
l’ennemi. Sa première victoire aérienne contre les bombardiers américains venus
de Foggia, en Italie, remonte à mai 1944. Le 5 mai, il abattait un bombardier
et le 6, un deuxième. Jusqu’au 23 août 1944, date à laquelle la Roumanie quitte
l’alliance avec l’Allemagne nazie et l’Italie de Mussolini, le sous-lieutenant
Gheorghe Mociorniță participera à toutes les missions de son groupe d’aviation.
Après
le 23 août 1944, Mociorniță est promu au grade de lieutenant et décoré de
l’ordre «La Couronne de Roumanie» pour « le courage exceptionnel et l’exécution
minutieuse des missions d’appui aux troupes terrestres ». Le front s’était
déplacé vers l’ouest et le jeune aviateur était impliqué dans la libération du
nord de la Transylvanie de sous l’occupation de la Hongrie horthyste, ainsi que
dans la libération de la Tchécoslovaquie, par des missions d’escorte, de
reconnaissance et d’appui aérien. Depuis les aérodromes de Hongrie, le 2e
Groupe de Chasse, dont Mociorniță faisait partie, a soutenu les opérations
offensives de la 27e armée soviétique. Lors de sa 29ème et dernière mission, le
lieutenant Gheorghe Mociorniță a patrouillé dans une zone traversée par des troupes
allemandes en train de se retirer. Il pilotait un avion IAR 80, de fabrication
roumaine, et il avait comme partenaire d’équipage un autre aviateur roumain.
Les deux pilotes roumains ont attaqué une colonne allemande et, parce que
Mociorniță est descendu trop bas, ils ont été abattus par la défense anti-aérienne
ennemie. Son corps repose aujourd’hui dans le cimetière des héros roumains de
Zvolen, dans l’ouest de la Slovaquie.
Dans ses 29 missions de guerre,
le lieutenant aviateur Gheorghe Mociorniță a abattu trois appareils ennemis. Il
est considéré comme un as de l’aviation, ayant été décoré post-mortem des
ordres «L’Étoile de la Roumanie», «La Couronne de la Roumanie» et «La Vertu aéronautique». Des restes de son avion abattu peuvent
être vus aujourd’hui au Musée Militaire National de Bucarest. La postérité lui
est également reconnaissante à travers un buste inauguré à Băicoi, sa ville
natale, dans le département de Prahova, en 2015, et l’attribution de son nom au
86e Groupe de Chasse de l’Armée de l’air roumaine. (Trad. : Felicia
Mitraşca)