L’aménagement de la rivière Dâmbovița
Le lit de la Dâmbovița, qui prend sa source dans les forêts du massif montagneux de Făgăraș, est long de 237 km, avec une dénivellation de 1 757 mètres. Après avoir arrosé la capitale de la Roumanie, la Dâmbovița se jette dans la rivière Argeș, à hauteur de la commune de Budești. Elle a donné son nom à un département du pays, « Dâmbovița », dont le chef-lieu est la ville de Târgoviște, ancienne capitale médiévale de la principauté de Valachie.Le plus ancien document officiel, qui mentionne Bucarest, date de la moitié du XVe siècle, à l’époque du prince Vlad Țepeș (l’Empaleur).
România Internațional, 20.02.2022, 13:30
Le lit de la Dâmbovița, qui prend sa source dans les forêts du massif montagneux de Făgăraș, est long de 237 km, avec une dénivellation de 1 757 mètres. Après avoir arrosé la capitale de la Roumanie, la Dâmbovița se jette dans la rivière Argeș, à hauteur de la commune de Budești. Elle a donné son nom à un département du pays, « Dâmbovița », dont le chef-lieu est la ville de Târgoviște, ancienne capitale médiévale de la principauté de Valachie.Le plus ancien document officiel, qui mentionne Bucarest, date de la moitié du XVe siècle, à l’époque du prince Vlad Țepeș (l’Empaleur).
Les habitants de la bourgade, appelée aussi la Citadelle de la Dâmbovița dans les papiers administratifs, se servaient de l’eau de la rivière dans leurs cuisines et pour se laver. Les premières fontaines publiques, ainsi que les premiers réseaux d’adduction d’eau potable sont apparus durant le règne du prince Alexandru Ipsilanti, vers la fin du XVIIIe siècle. La population locale se faisait approvisionner par les fameux « sacagii », les porteurs d’eau, qui arpentaient les rues de Bucarest. Outre les difficultés d’approvisionnement, les habitants devaient aussi faire face aux caprices de la Dâmbovița, qui inondait les quartiers périphériques et faisait naître des marécages lorsque les pluies étaient trop abondantes.
La création de l’État roumain moderne en 1859 et l’établissement de sa capitale à Bucarest lance le processus de transformation et d’apprivoisement de la Dâmbovița. Pour contenir les désagréments de la nature, les ingénieurs roumains ont imaginé des projets d’aménagement, en s’inspirant de ce qui avait été fait à Paris, Londres et Berlin. Les premières tentatives d’endiguer le déchaînement des eaux remontent à l’époque du même prince Alexandru Ipsilanti, en 1775, lorsqu’un canal fut construit pour limiter l’ampleur des inondations. Le fond du lit de la rivière fut nettoyé en 1813, pendant le règne du prince Ioan Caragea.
Mais les véritables transformations furent lancées après 1878, année de l’indépendance de la Roumanie. A partir de 1880, l’ingénieur et architecte Grigore Cerchez met en œuvre ses projets de correction et d’approfondissement du lit de la rivière, de consolidation et d’augmentation de la hauteur des berges, de construction de ponts et de plantation d’arbres.Cependant, le projet d’aménagement le plus ample a vu le jour après le tremblement de terre du 4 mars 1977, lorsque Nicolae Ceaușescu a donné l’ordre que la zone centrale de la ville de Bucarest change complètement de visage, l’aménagement de la Dâmbovița en étant une partie. L’historien Cezar-Petre Buiumaci, du Musée de la ville, a rappelé les aspects essentiels du fameux projet : « Le grand projet de transformation du centre-ville, démarré par Ceaușescu après le séisme du 4 mars 1977, a aussi inclus l’aménagement de la rivière Dâmbovița. Le projet du grand Centre Civique de la capitale, dont les premières ébauches apparaissent après le tremblement de terre, a été une intervention brutale et sans précédent, qui a imposé la démolition de la zone centrale, quasi exclusivement résidentielle, de la ville. La destruction des habitations a eu pour résultat le problème des logements nécessaires pour accueillir les familles dont les maisons n’existaient plus. Bucarest devenait un immense chantier, car en plus de la zone centrale, des travaux de construction avaient lieu dans d’autres quartiers, pour bâtir les nouveaux immeubles d’appartements (les blocs) où allaient loger tous ceux dont les maisons avaient été démolies. Un tel quartier, une telle zone fut le nouvel ensemble de blocs Crîngași-Constructorilor-Giulești, qui devait accueillir 45 000 personnes. Le réaménagement de la rivière Dâmbovița à travers la capitale se déroulait en parallèle avec cette action. »
Ceaușescu reprenait aussi des idées plus anciennes, d’une Dâmbovița navigable et intégrée dans un autre projet encore plus ample, de faire de Bucarest une ville-port sur le Danube, via un canal, explique Cezar-Petre Buiumaci.: « L’idée de cet aménagement, que l’on avait voulu inclure dans le projet du Canal Bucarest-Danube, était apparue bien avant, au XIXe siècle, et elle refaisait surface périodiquement. C’est pour mettre en œuvre ce projet que l’on a construit les lacs de retenue Ciurel et Văcărești, dont la mission était d’augmenter le volume d’eau et de créer des conditions de navigation. Sauf que la géographie des lieux ne le permettait pas et l’idée de la navigation dans la ville a été abandonnée, étant maintenue seulement pour au-delà des confins de la ville, à savoir la zone Vitan-Cățelu. »
La nouvelle Dâmbovița avait un bien nouveau visage. Pour éliminer définitivement le danger des inondations, mais aussi pour la rendre utiles aux irrigations, la rivière était coupée par un premier barrage à 20 km après sa source et par un deuxième à 80 km avant son entrée dans Bucarest. Un troisième barrage se trouvait à Bucarest même, là où s’est formé le Lac Morii (du moulin). Un bras a été creusé avant l’entrée de la Dâmbovița dans la ville, en direction du sud, pour rediriger un éventuel surplus d’eau vers la rivière Ciorogârla. Deux canaux collecteurs d’eaux usées ont été construits sous le lit urbain de la Dâmbovița. Les ponts ont été reconstruits et même, certains, repositionnés, tandis que les berges ont été bétonnées, raconte l’historien Cezar-Petre Buiumaci : « L’aménagement de la Dâmbovița a été un projet complexe, dont non seulement le lit a été redessiné, mais aussi des réseaux entiers qui le croisaient, des installations de maintien d’un débit relativement constant. Outre les nouveaux ponts et les passerelles qui permettaient de traverser la rivière, sur les segments de délimitation de biefs l’on a réalisé des aménagements pour le loisir: plusieurs pontons et accès à la surface de l’eau. Dans cette même catégorie, on retrouve aussi l’aménagement de la plage ștrandului Crângași, tout près du lac Ciurel. »
L’histoire du visage actuel de la Dâmbovița à Bucarest est relativement récente, mais elle s’appuie sur une démarche vieille d’au moins 200 ans. (Trad. Ileana Ţăroi)