La ville de Sebeș
Cest une agglomération traditionnellement multiconfessionnelle, avec des communautés et des églises romaine-catholique, luthérienne, orthodoxe et grecque-catholique.
Ștefan Baciu, 07.01.2024, 10:30
C’était au XIIème siècle que des populations d’origine
allemande avaient répondu à l’appel des rois de Hongrie et s’étaient installées
sur le territoire compris entre les rivières Mureș et Olt d’un côté et les Carpates
de l’autre. L’une des sept communautés urbaines à avoir reçu le droit d’être aussi
un centre de justice fut l’actuelle ville de Sebeș. Connue en allemand comme Mühlbach,
ou Melnbach en dialecte local, la ville d’aujourd’hui a environ 26.000 habitants,
dont près de 80% des ethniques roumains. C’est une agglomération
traditionnellement multiconfessionnelle, avec des communautés et des églises romaine-catholique,
luthérienne, orthodoxe et grecque-catholique.
Radu Totoianu, muséographe
au Musée municipal « Ioan Raica » de Sebeș, a parlé de la naissance
de la ville: « La
ville de Sebeș est mentionnée pour la première fois dans un document datant de
1245, peu après l’invasion mongole. Le prêtre Théodoric de Malenbach, le nom
allemand latinisé du bourg, demande au pape Innocent IV de lui accorder le
droit de collecter les impôts dans d’autres paroisses voisines, puisque la
sienne avait beaucoup souffert durant cette invasion. Le pape accepte sa
demande et ce document est pratiquement l’extrait de naissance de notre ville. Sebeş
est une ville importante, qui détient le plus ancien privilège de s’entourer de
murs en pierre, accordé en 1387. Elle est entourée d’un mur d’enceinte mesurant
plus de 1800 mètres, avec plusieurs tours encore debout, dont la Tour de l’étudiant
ou des tailleurs est probablement la plus connue. »
Cet ouvrage de fortification
contribue en partie à la renommée de la ville. Radu Totoianu a raconté l’histoire
du moine Georg Captivus Septemcastrensis, qui a vécu au XVème ou XVIème siècle
et qui est surtout l’auteur du premier traité sur les Turcs ottomans: « Les travaux d’entretien
et la défense de la tour étaient assurés par la guilde des tailleurs et cela
avait été visible en 1438, lorsqu’une armée turque avait assiégé Sebeş. Un armistice
est trouvé au bout de plusieurs jours de résistance et les Ottomans peuvent
entrer dans la ville à condition de ne pas la saccager. Mais cette capitulation
n’a pas plu à tout le monde, un certain nombre d’habitants s’étant barricadés à
l’intérieur de la tour des tailleurs. Parmi eux se trouvait un jeune élève
de l’école qui fonctionnait entre les murs de l’abbaye dominicaine. La tour est
incendiée, la plupart de ceux qui s’y étaient cachés trouvent la mort. Le jeune
adolescent, de seulement treize ou quatorze ans, est un des peu nombreux
survivants et partage le sort réservé à biens des habitants de Sebeş : il
est vendu comme esclave et sa captivité durera une vingtaine d’années. Il est
vendu et revendu plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il tombe entre les mains d’un maître
plus humain, qui le traite plutôt comme un membre de sa famille et finit par
lui rendre la liberté. Le jeune homme affirme souhaiter revoir sa terre natale
et promet de retourner chez son maître, mais ne tient pas sa promesse. En
réalité, il ne se rend pas en Transylvanie, mais à Chypre, pour aller ensuite
en Italie. Arrivé à Rome, il prend l’habit des moines dominicains et il écrit
ce que l’on considère comme le premier traité européen d’études orientales, qui
a connu plus de 25 éditions. Celle de 1511 a été soignée et préfacée par le
réformateur de l’église allemande, Martin Luther. »
Nous avons demandé à Radu
Totoianu quels étaient les bâtiments représentatifs de la petite ville fondée
par les Allemands transylvains. Voici sa réponse: « Le bâtiment ecclésiastique de la ville est l’église
évangélique. Les premières phases de la construction, dans le style roman,
commencent après 1241. Mais lorsque la ville atteint la prospérité économique,
les édiles veulent des choses plus fastueuses. Le style gothique avait fait son
apparition aussi en Transylvanie et le chœur de l’église, de grandes
dimensions, est réalisé dans ce style. Selon les architectes, si l’édifice
avait été entièrement construit ainsi, il aurait été le deuxième plus grand de
Transylvanie après l’Eglise Noire de Brașov. Compte tenu du fait que la ville
de Sebeș était habitée par environ 500 familles à l’époque, sa petite force
financière ne lui a pas permis de d’aller jusqu’au bout et cela a donné
naissance à un compromis : la nef romane a été collée au chœur gothique. C’est
un très bel édifice, qui a aussi des éléments plus tardifs, y compris de la
Renaissance. »
Un autre repère architectonique
local est le bâtiment du musée de la ville, présenté par le muséographe Radu
Totoianu: « Le
bâtiment laïque le plus important de Sebeș est la Maison Zapolya, dans laquelle
fonctionne le musée. Son nom fait référence au voïvode de Transylvanie Ioan
Zapolya, devenu roi de Hongrie après 1526, année de la mort au combat de Vladislav
II. Comme d’habitude, cela ne fait pas l’unanimité, une partie des Hongrois
soutient un autre candidat au trône en la personne de Ferdinand de Habsburg, membre
de la famille régnante d’Autriche. Une guerre civile éclate et le roi Zapolya se
retire, avec ses troupes, en Transylvanie, occupe Sebeș et installe sa
résidence et son quartier général dans ce bâtiment où fonctionne le musée. D’ailleurs,
il y meurt en 1540. »
Petite mais importante dans
l’histoire de la Transylvanie, la ville de Sebeș a une personnalité bien
reconnaissable, mise en valeur aujourd’hui, par ceux qui sont les gardiens de
sa mémoire. (Trad. Ileana Ţăroi)