La Saint Ignat
En décembre, au fur et à mesure que Noël approche, les préparatifs des
fêtes commencent. Si, en ville, tous les commerces se disputent les meilleures
offres, dans les communautés traditionnelles d’autrefois chaque instant était
pensé en relation avec le solstice d’hiver qui approchait. Que la Saint Ignat soit
reprise comme un ancien rituel de sacrifice ce n’est pas un hasard, explique
Monica Chiorpec, 20.12.2020, 12:16
En décembre, au fur et à mesure que Noël approche, les préparatifs des
fêtes commencent. Si, en ville, tous les commerces se disputent les meilleures
offres, dans les communautés traditionnelles d’autrefois chaque instant était
pensé en relation avec le solstice d’hiver qui approchait. Que la Saint Ignat soit
reprise comme un ancien rituel de sacrifice ce n’est pas un hasard, explique
Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « Bien
sûr, nous assistons encore une fois à un chevauchement d’une fête préchrétienne
avec une fête chrétienne. Il faut dire dès le début que c’est une fête très, très
ancienne et que ce jour était célébré chez beaucoup de peuples : chez les
Grecs, les Romains et les Slaves. Nous, les Roumains, conservons à ce jour de
nombreux éléments, préservés notamment des Daces et des Romains. Pendant cette
période, les Daces et les Romains célébraient un dieu du feu. Ce n’était pas un
dieu quelconque, mais celui du feu domestique, terrestre, un dieu du feu
sacrificiel. Ce jour-ci, les deux peuples sacrifiaient un cochon. Entre le 17
et le 30 décembre, les Romains célébraient les Saturnales, les jours du dieu
Saturne, lorsqu’une truie était sacrifiée du 19 au 20 décembre. L’animal devait
être de couleur blanche, car le dieu eu du feu était en même temps le dieu du
soleil. »
Le sang est un symbole de la vie et de la purification, de la renaissance
de l’être humain sous le signe du bien. La lumière et la chaleur, des éléments
solaires, l’accompagnent ainsi tout au long de l’année suivante. La Saint Ignat
est avant tout une tradition du sacrifice animal. Dans de nombreuses
communautés traditionnelles de Roumanie, les rituels d’aujourd’hui ont survécu
pendant des siècles, malgré le fait que la société moderne condamne de plus en
plus ce type de pratiques, affirme Delia Suiogan : « La Saint Ignat
est mieux connue dans la région extra-carpatique de Roumanie. Elle est
également attestée à l’intérieur de l’arc des Carpates, dans les anciens
recueils de folklore, mais elle est entrée dans une mémoire passive. On en sait
moins sur la Saint Ignat comme fête préchrétienne et davantage depuis la
perspective religieuse. Chez les Roumains de l’extérieur des Carpates, c’est
une fête très suivie et qui s’appelle l’Ignat des cochons. Le 20 décembre, on
sacrifie le cochon. La race de l’animal à abattre est très importante, il faut
que ce soit un cochon noir ou un cochon blanc. Le cochon noir est sacrifié si
l’on veut utiliser le sang et le saindoux pour toutes sortes d’incantations et
de remèdes contre les maladies. Mélangé avec de la farine d’avoine, le sang de
porc noir pouvait être utilisé comme remède toute l’année suivante, par tous
les membres de la famille tombés malades. Il semble avoir été un remède très
bien conservé dans la mémoire du paysan roumain. Le saindoux de porc noir,
mélangé avec une grande variété de produits naturels, était utilisé pour
fabriquer toutes sortes de pommades. »
En Europe, la
Saint Ignat est respectée que par les Roumains et les Aroumains. À présent, les
habitudes culinaires roumaines autour de Noël impliquent la préparation de
plusieurs charcuteries et plats à base de viande de porc, tels que les
saucisses, les sarmale (mélange de viande de porc hachée et de riz, enveloppé
dans des feuilles de choucroute), la piftia (porc en aspic) et le caltaboş (une
saucisse plus spéciale, que l’on fait bouillir). (Trad. Felicia Mitrasca)