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La maison Pompiliu Eliade

Comme toute capitale européenne ayant connu plusieurs périodes de modernisation, la ville de Bucarest a un patrimoine immobilier divers. L’évolution architecturale et urbaine de la capitale allait commencer durant le dernier quart du 19e siècle. Construite au début du 20e siècle, la maison Pompiliu Eliade est passée par toutes les phases qu’un bâtiment peut connaître, depuis les efforts de construction à l’abandon, la ruine et les tentatives de réhabilitation. L’éditrice Silvia Colfescu nous raconte brièvement l’histoire de cette maison unique : « La maison est située sur la rive de la Dâmboviţa, à l’intersection de la rue Splaiul Independenţei et de la rue Hașdeu. Elle a été construite par Pompiliu Eliade, lettré, importante personnalité culturelle de son époque et grand ami de l’écrivain Bogdan Petriceicu Hașdeu. Le projet de la maison repose sur une idée de Hașdeu, qui a imaginé un hall central octogonal et quatre ailes orientées vers les quatre points cardinaux, une structure architecturale que l’écrivain considérait comme bénéfique pour ceux qui allaient habiter la maison. Les projets ont été conçus par l’architecte Henri Susskind, à qui on doit aussi, d’ailleurs, le bâtiment de la Faculté de médecine vétérinaire, située vis-à-vis, et par l’entrepreneur Schindl. Le baron autrichien Susskind, avait épousé une roumaine, la petite fille du général Năsturel Herescu. Comme la quasi-totalité des belles maisons construites à Bucarest par les personnalités de la ville, celle-ci allait être érigée, elle aussi, avec de l’argent emprunté à une banque. A l’époque on ne faisait pas fortune du jour au lendemain. Pompiliu Eliade a donc obtenu un crédit. Il a habité la maison, avec sa femme et ses deux enfants, jusqu’à sa mort. Après son décès, sa femme n’a plus eu les moyens de payer les mensualités et la banque a pris possession de la maison. »

La maison Pompiliu Eliade
La maison Pompiliu Eliade

, 16.12.2018, 14:00

Ce joyau d’architecture urbaine est née d’une heureuse rencontre entre la personnalité extraordinaire de Hașdeu et l’intelligence de Pompiliu Eliade. Silvia Colfescu : « La maison est effectivement hors du commun. Son architecture est romantique, wagnérienne même, je dirais. Elle ressemble à un château – plus précisément au château partiellement art nouveau que l’écrivain Hașdeu a érigé à Câmpina pour sa fille Iulia. Un peu plus loin, sur la rive de la Dâmboviţa, se trouve une autre maison qui lui ressemble un petit peu, mais une autre maison pareille à celle de Pompiliu Eliade, je n’en ai pas vue à Bucarest. Jusqu’il y a quelques années, elle a conservé sa clôture, qui est donc restée debout 100 ans, le portail a disparu de façon mystérieuse ; pour certains, il était juste bon pour être vendu à la ferraille. Pompiliu Eliade s’est éteint en 1914. Après sa mort, sa femme a quitté la maison et s’est établie à Paris avec les enfants. La banque a pris possession de la maison, mais elle ne savait pas trop quoi en faire. Pendant un certain temps, elle a essayé de la transformer en foyer pour étudiants. Finalement, elle fut achetée par un juriste, Anton Rădulescu, qui avait deux enfants et une belle famille. Ils ont très bien entretenu la maison. Initialement, l’étage n’était pas séparé du reste de la maison par un plafond. Anton Rădulescu a fait construire un plafond, la rendant plus efficace comme logement. Il a réservé l’appartement situé à l’étage comme dot pour sa fille et il a occupé le rez-de-chaussée, avec sa femme et son fils. Sa fille a épousé Grigore Olimpiu Ioan, un journaliste qui avait fait ses études à Paris, et le couple a donc habité à l’étage. »

Le déclin de la maison a commencé à la fin de la deuxième guerre mondiale, après l’instauration du communisme. Silvia Colfescu: « Tout allait bien, la maison était très soignée ; c’était une des plus belles maisons de Bucarest, mais « la libération », est venue, suite à laquelle les propriétaires ont été « libérés » de leurs propriétés. Puisque c’était l’avènement du prolétariat, de nombreux villageois ont été appelés des campagnes et installés dans les villes pour diriger le pays. Bucarest comptait à l’époque 500.000 habitants et tout d’un coup, la population de la ville a monté en flèche. Où loger tant de personnes sinon dans les maisons de ceux qui bénéficiaient d’ »espace excédentaire », comme on disait à l’époque. Cette expression me donne encore la chair de poule, quand je l’entends. Dans la maison dont nous parlons ont été logés, par conséquent, toute sorte de personnages bizarres, dont un « Monsieur », soi-disant, qui recevait la visite des membres de sa famille qui habitaient la campagne et qui se rendait à Bucarest en charrette, qu’ils garaient dans la cour. Parmi les locataires, il y avait aussi un cadre du parti communiste dont le grand mérite a été de voler au juriste ses légumes en saumure. Toutes les pièces étaient dorénavant occupées. Seul le hall octogonal ne pouvait pas être habité. Or, dans ce hall où l’on recevait jadis des invités et où l’on buvait du thé en discutant de sujets élevés, on déposait à présent les bocaux de légumes en saumure. Chaque époque a ses spécificités. Or, les spécificités de l’époque dont il est question, furent la charrette garée dans la cour de la maison wagnérienne et les légumes en saumure dans le hall octogonal. »

A la mort des propriétaires, leur gendre, le seul héritier de la maison, est obligé de vendre un appartement et, après la chute du communisme, en 1989, de vendre tout l’immeuble à un homme d’affaires et d’aller vivre à Paris. Abandonnée par son nouveau propriétaire, la maison a été occupée abusivement et peu à peu vandalisée. Récemment, les personnes qui l’avaient occupée ont été évacuées et l’immeuble a été entouré d’une clôture. Les passionnés de beauté espèrent qu’un projet sera mis en œuvre pour la réhabiliter. ( Trad. : Dominique)

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