Jardiniers et paysagistes étrangers dans les Principautés Roumaines
Au début du 19e siècle,
lorsque la civilisation roumaine a commencé à se tourner vers l’Occident, de nombreux
domaines nécessaires à la modernisation n’étaient pas encore développés. C’est
pourquoi les princes régnants et les boyards des principautés roumaines de
Moldavie et de Valachie ont fait venir de l’étranger les spécialistes qui
manquaient : des architectes, des médecins, de professeurs, des ingénieurs
mais aussi des jardiniers paysagistes. Le parc de Cişmigiu, le jardin public le
plus ancien et peut-être le plus aimé de Bucarest, est l’œuvre de plusieurs de
ces paysagistes étrangers. Son aménagement commença vers les années 1847 et il fut
inauguré en 1854.
Christine Leșcu, 14.07.2019, 13:22
Au début du 19e siècle,
lorsque la civilisation roumaine a commencé à se tourner vers l’Occident, de nombreux
domaines nécessaires à la modernisation n’étaient pas encore développés. C’est
pourquoi les princes régnants et les boyards des principautés roumaines de
Moldavie et de Valachie ont fait venir de l’étranger les spécialistes qui
manquaient : des architectes, des médecins, de professeurs, des ingénieurs
mais aussi des jardiniers paysagistes. Le parc de Cişmigiu, le jardin public le
plus ancien et peut-être le plus aimé de Bucarest, est l’œuvre de plusieurs de
ces paysagistes étrangers. Son aménagement commença vers les années 1847 et il fut
inauguré en 1854.
Le prince régnant de Valachie, Gheorghe Bibescu, a fait venir
de Vienne le paysagiste d’origine allemande Wilhelm Mayer, ancien directeur des Jardins impériaux de
Vienne, un nom assez connu de nos jours. Mayer n’a pourtant pas été le
seul spécialiste étranger à avoir conçu ce jardin public, d’autant plus qu’il
est mort en 1852, à 38 ans. Notre interlocuteur, le paysagiste Alexandru Mexi
explique que « à la différence d’autres jardins publics, le parc de Cişmigiu
allait subir de nombreux changements. Les plus importants sont dus à Wilhelm
Knechtel et ils datent de 1880, environ. Cependant, les changements qui
allaient conférer à ce jardin son aspect d’aujourd’hui ont été réalisés dans
les années ’20 par Friedrich Rebhun. Wilhelm Knechtel a travaillé en Valachie
entre autres à l’aménagement des jardins du Château de Peleş de Sinaïa. C’est lui
qui a réalisé les petits sentiers pavés à travers la forêt. Des paysagistes
d’origines française allaient également travailler dans les principautés
roumaines, au 19e siècle et au début du 20e, dont Edouard
Redont et Emile Pinard. Ils ont réalisé ensemble plusieurs parcs publics de
Valachie, entre autres le parc Romanescu de Craiova. Ils ont également
travaillé à Caracal, et dans la zone de Muşcel – Argeş. Emile Pinard a
travaillé aussi dans la Vallée de la Prahova, à Floreşti, Breaza et Buşteni. »
Au 19e siècle, partout dans
le monde, les jardins publics et privés étaient aménagés surtout dans le style
anglais. Plus tard, au 20e siècle, on commença à préférer les
jardins à la française. Dans les principautés roumaines, les paysagistes y
respectent souvent la spécificité locale. Alexandru Mexi affirme que « Wilhelm
Meyer, Wilhelm Knechtel, Friedrich Rebhun et les autres paysagistes qui
arrivaient de l’espace culturel d’expression allemande, ont gardé une partie
des particularités locales et ont tâché de les adapter aux jardins qu’ils ont
aménagés en Valachie et en Moldavie. Les jardins conçus par les paysagistes
français sont beaucoup plus proches de ce que l’on réalisait en France et ne
prenaient pas tellement en compte les spécificités locales. Edouard Redont a
même publié un livre sur le parc Bibescu – actuel parc Romanescu – de Craiova,
peu après son inauguration. Les esquisses et les dessins insérés dans ce livre
ressemblent beaucoup à ceux que l’on retrouve dans les pages d’une des
publications françaises spécialisées les plus connues en Europe. Ces
paysagistes avaient donc des connaissances solides et ils tentaient d’appliquer
presque sans hésitation les principes qu’ils avaient étudiés. »
Durant
la seconde moitié du 19e siècle, alors que le marché européen de
l’architecture et de l’aménagement paysager était saturé, les architectes et
les jardiniers paysagistes établis dans les principautés roumaines avaient la
possibilité de pratiquer leur métier et obtenir des revenus satisfaisants, tout
en se sentant chez eux au sein d’une société qui les avait reçus
chaleureusement. Friedrich Rebhun en est un exemple. Il s’est très bien adapté
à la vie sur Bucarest qu’il avait considéré au début comme une halte sur la
route vers le Japon. Alexandru Mexi raconte que« Friedrich Rebhun est
arrivé à Bucarest en 1910. Les dernières références qui le concernent datent de
1958. Durant ce demi-siècle – ou presque – d’ «adaptation », il a
publié de nombreux articles, ainsi qu’un livre où il parle du spécifique
roumain ou des particularités de certaines villes.
Un premier projet
d’aménagement de l’actuel parc de Herăstrău – qui devait s’appeler le Parc
National – fut conçu au début des années ’30. Rebhun a fait une analyse des
plantes acclimatées pour ce parc, estimant qu’un parc national devait comporter
aussi une végétation autochtone, beaucoup plus riche que les espèces exotiques
importées. En effet, bon nombre de plantes acclimatées à ce moment-là n’ont pas
résisté, mais d’autres, si. Par exemple, dans le jardin de Cişmigiu, il y a
encore plusieurs exemplaires de vieux platanes et sophoras du Japon. Quelques
autres espèces se sont conservées dans le parc du palais de Peleş, à Sinaïa. A
l’époque, c’était comme un jeu de hasard, on ne savait pas si ces plantes
allaient s’adapter aux conditions des différentes villes roumaines, car, à
l’époque il y avait peu de pépinières pour les tester. La plupart des plantes
étaient apportées d’Autriche et d’Italie, les Archives Nationales conservant
encore des factures et des reçus qui attestent leur achat. (Trad. :
Dominique)