Gheorghe Marinescu, le père de la neurologie roumaine.
Le médecin Gheorghe Marinescu est le fondateur de la neurologie dans l’histoire de la médecine roumaine, dans une clinique de l’hôpital Colentina de Bucarest. Il fut le premier à soigner des patients souffrant de troubles neurologiques à la fin de la Première Guerre Mondiale. Portrait.
Steliu Lambru, 09.06.2024, 09:42
Qui est Gheorghe Marinescu ?
Médecin roumain des plus importants du pays, dont le nom est lié au début de l’étude des maladies neurologiques et à la naissance de la neurologie, Gheorghe Marinescu est né en 1863 à Bucarest, où il meurt 75 ans plus tard, en 1938. Il fait étudie la médecine dans la capitale roumaine, avant de se rendre à Paris en 1889 pour approfondir ses connaissances scientifiques dans la clinique du très réputé neurologue français Jean-Martin Charcot. Cet approfondissement sera aussi soutenu par des voyages en Allemagne, au Royaume Uni, en Belgique et en Italie. En 1897, il obtient le doctorat à la Faculté de médecine de Paris, la plupart des résultats de ses recherches étant publiés dans des revues de langue française. De retour en Roumanie au début du XXème siècle, Gheorghe Marinescu est nommé professeur à la Faculté de médecine de Bucarest, étant aussi élu à l’Académie roumaine. Il travaille également à la clinique de neurologie de l’Hôpital Colentina de la capitale.
L’exposition « Gheorghe Marinescu – une vie dédiée au travail, à la science et au progrès »
Le Musée municipal de Bucarest détient quatre collections ayant appartenu à des médecins. Le Musée Victor Babeș, médecin microbiologiste, le Musée Nicolae Minovici, médecin légiste, le Musée George Severeanu, médecin radiologue, et la collection Gheorghe Marinescu, médecin neurologue. Une exposition intitulée « Gheorghe Marinescu – une vie dédiée au travail, à la science et au progrès » a été inaugurée au Palais Suțu de la capitale roumaine.
L’héritage de Gheorghe Marinescu
Le médecin psychiatre Octavian Buda, professeur de l’histoire de la médecine à l’Université de médecine et de pharmacie « Carol Davilà » de Bucarest, a souligné la personnalité scientifique complexe de Gheorghe Marinescu et son héritage fondamental pour l’école de neurologie roumaine.
« Gheorghe Marinescu a essentiellement travaillé dans ce que le langage scientifique moderne appelle les neurosciences. Moi-même, en tant que psychiatre et historien de la médecine, j’ai publié plusieurs articles sur Gheorghe Marinescu. J’ai eu du mal, moi aussi, à bien saisir son travail scientifique, car il est un savant qui fait de la recherche fondamentale dans des domaines associés à la neurologie, des éléments pas vraiment faciles à expliquer. Ils tiennent de l’architecture neuronale, de l’utilisation d’instruments très modernes pour l’époque, dans le but de comprendre le fonctionnement du cerveau humain et ainsi de suite. »
Lorsqu’il est allé continuer ses études en Occident, Gheorghe Marinescu s’est formé dans un environnement intellectuel et scientifique de très haut niveau. Parmi ses professeurs, l’on remarque l’éminent neurologue français Jean-Martin Charcot, formateur de plusieurs générations de médecins renommés.
Une personnalité de son temps très influente
Octavian Buda a mis en évidence l’influence quasi écrasante de Charcot sur ses étudiants, donc sur Marinescu aussi.: « Si vous me demandez quel est le médecin roumain le plus connu à l’échelle internationale, il m’est très difficile de vous répondre. Mais quand nous ouvrons un livre d’histoire internationale de la neurologie, nous y voyons le nom de monsieur Charcot, qui a dirigé la neurologie à Paris et qui était le chouchou de tous les salons culturels de son temps. Tout le monde l’adorait parce qu’il employait la photographie, l’art cinématographique, qui a aussi inspiré Marinescu. Charcot était une interface spectaculaire de la culture scientifique parisienne et internationale de la fin du XIXème siècle. Dans les rangs d’un public enthousiaste, venu écouter les cours de monsieur Charcot, on retrouve même Sigmund Freud. Celui-ci, que Marinescu n’a d’ailleurs jamais rencontré, allait être marqué par les leçons de médecine, de psychologie, de psychopathologie, données par Charcot, un homme qui a pensé la médecine moderne. Aujourd’hui, on peut lui reprocher le fait d’avoir été l’adepte de certaines conceptions, mais lui –même était un personnage magnétique, qui a coagulé toute une école autour de lui. Marinescu aussi était quelqu’un de sérieux, qui savait travailler avec des échantillons histologiques, qu’il examiner dans le moindre détail. »
Un modèle pour les futurs neurologues roumains
Rentré en Roumanie, un pays en train de moderniser rapidement, Gheorghe Marinescu est devenu un modèle à suivre pour les futurs neurologues locaux, ajoute Octavian Buda.
« En tant que médecin formé notamment à l’école parisienne, il se faisait écouter par les hommes politiques de son temps, qu’il effrayait même un peu. Il avait l’intelligence de trancher les choses assez nettement et il a certainement représenté une élite médicale absolument remarquable. Donc, les artefacts qu’il nous a légués et ses très savantes et très techniques recherches scientifiques nous montrent un homme intéressé par toutes les nouveautés apparues dans son domaine d’activité. Or, à mon avis, cela fait de lui un personnage très connu dans le milieu occidental. Il a adapté énormément de choses de notre culture universitaire. On y voit aussi le testament d’un homme en colère contre la réalité de son époque. Nous pouvons également voir en lui un témoin d’une société très civilisée et désireuse de technologie et de culture. Ce qui n’est pas rien si l’on pense au fait que Gheorghe Marinescu avait employé dans son travail un appareil auquel nous devons toute cette culture des tapis rouges déroulés à Cannes. »
L’exposition du Musée municipal de Bucarest présente des documents et des objets ayant appartenu au médecin. Parmi eux, il y a l’appareil de projection utilisé par Gheorghe Marinescu pour étudier les maladies neurologiques qui provoquaient des troubles du mouvement des membres. (Trad. Ileana Ţăroi)