Documents iconiques de la Grande Union
Une des images les plus connues du rassemblement ayant proclamé l’union de la Transylvanie avec la Roumanie est nécessairement présente dans les manuels scolaires, dans les documentaires consacrés à cet événement centenaire, dans les musées et sur les lieux publics à travers le pays. C’est une photographie qui montre un grand nombre de gens rassemblés dans un champ appelé « Câmpul lui Horea/Le Champ de Horea »
Steliu Lambru, 08.12.2024, 10:30
Le souvenir de l’union de la Transylvanie avec la Roumanie, le 1 décembre 1918, date de l’actuelle Fête nationale de l’Etat roumain, a été retenu par différents types de documents et de sources historiques. A travers les cent ans écoulés depuis, certains en sont devenus des références essentielles du grand moment de l’histoire.
Les photos du rassemblement d’Alba Iulia
Une des images les plus connues du rassemblement ayant proclamé l’union de la Transylvanie avec la Roumanie est nécessairement présente dans les manuels scolaires, dans les documentaires consacrés à cet événement centenaire, dans les musées et sur les lieux publics à travers le pays. C’est une photographie qui montre un grand nombre de gens rassemblés dans un champ appelé « Câmpul lui Horea/Le Champ de Horea » ; ils étaient des paysans pour la plupart, mais on y remarque aussi quelques uniformes militaires. Au centre de l’image, un homme âgé, en costume traditionnel, tient dans sa main gauche un drapeau tricolore bleu-jaune-rouge, tandis qu’il lève sa main droite à 45 degrés. Cinq ou six autres gens, qui entourent cet homme, brandissent eux-aussi des drapeaux tricolores dont les couleurs sont disposées horizontalement. L’omniprésence de cette photo s’explique par la volonté du régime communiste d’avant 1989 de mettre en évidence la classe paysanne comme principal facteur décisionnel de l’union. Cette photo du Champ de Horea poussait en arrière-plan une autre photo sur laquelle se détachait le visage de l’évêque gréco-catholique et prisonnier politique Iuliu Hossu, qui avait lu la proclamation de l’union devant les participants à cet événement historique.
Une deuxième image, tout aussi largement présentée au public est celle d’une cinquantaine de femmes et d’hommes, paysans du village de Galtiu, de la commune de Sântimbru, dans le département d’Alba. En plan éloigné, on aperçoit quelques arbres, à gauche un homme, membre du groupe habillé en costumes traditionnels noir et blanc, brandit un drapeau tricolore. Au milieu, une bannière, qui domine l’ensemble, affiche le texte « Galtiu. Trăiască unirea și România Mare/Vive l’union et la Grande Roumanie ».
Samoilă Mârza, le photographe de l’Union
L’auteur de ces deux photos iconiques est Samoilă Mârza, celui que l’on a appelé « le photographe de l’Union » et qui a donné aux Roumains non seulement ces deux photos archiconnues, mais aussi huit autres moins connues. Né en 1886 dans le village de Galtiu, Mârza étudie d’abord dans un lycée de la ville d’Alba Iulia et se rend ensuite à Sibiu pour se former au métier de photographe. Pendant la Grande Guerre, il sert dans le département de topographie et de photographie de l’armée austro-hongroise. A la fin de la première conflagration mondiale, Mârza réalise trois clichés photographiques au moment de la consécration du premier drapeau tricolore du Conseil National Roumain Militaire le 14 novembre 1918. Quatre jours avant la tenue du rassemblement d’Alba Iulia, Mârza se rend dans son village natal et prend trois photos de ses concitoyens avant leur départ pour Alba Iulia. Il transportait tout à vélo : la caméra pliable, le trépied et les clichés-verre. Le poids des appareils et la météo morose ont obligé Samoilă Mârza à prendre seulement cinq photos du rassemblement, dont trois montrent des participants et deux autres des tribunes officielles où l’acte de l’union avait été lu. Au début de l’année 1919, Samoilă Mârza a publié ses photos dans un album sous le titre « Marea adunare de la Alba Iulia în chipuri/Le grand rassemblement d’Alba Iulia à travers des visages ».
Témoignages audio des préparatifs pour le voyage à Alba Iulia
Bien que loin d’être iconique, les documents audio liés à la mémoire de cette journée capitale ne sont pas moins importants. En 1918, le prêtre gréco-catholique Gherasim Căpâlna avait 24 ans ; dans une interview datant des années 1970, que la Radiodiffusion roumaine garde dans les archives de son Centre d’Histoire Orale, il se souvenait de l’organisation de son départ de l’évêché d’Alba Iulia, son lieu de travail.
« La préparation du départ s’est faite par le bouche à l’oreille, d’un village à l’autre, par les prêtres, les instituteurs. La date choisie pour le rassemblement a été le 8 novembre, jour de la fête de l’Archange. Mais cela a changé et c’est à Arad que l’on a arrêté le premier jour du mois de décembre pour nous rendre à Alba Iulia. Là-bas, il y avait tellement de monde qu’il était impossible de bouger. Les chefs ont été les premiers à s’organiser ; ils ont nommé un président de l’Assemblée en la personne de Gheorghe Pop de Băsești, qui était le plus âgé parmi eux. Ensuite, il a donné des ordres à chaque centre, à chaque « județ ». Dans notre cas, il y avait parmi nous Vaida-Voevod, le médecin député Theodor Mihali. Mais le moteur principal de la dynamique d’organisation du rassemblement ont été le prêtre et l’instituteur, sans lesquels rien n’aurait été possible. Ils ont agi au péril de leur vie. Nous avons dressé une liste de ceux qui voulaient y aller, pour pouvoir obtenir le permis de voyage ferroviaire. Les Chemins de fer nous ont réservé des wagons, nous sommes partis d’ici le jeudi et le rassemblement s’est tenu le dimanche d’après. Le voyage a occupé le vendredi, samedi, cent personnes ont débarqué à Alba Iulia. La plupart d’entre eux ont dormi dans la nature. Ils se sont baladés dans la ville et se sont endormis, appuyés aux murs de la forteresse d’Alba Iulia. »
Les documents iconiques du rassemblement historique d’Alba Iulia, du 1er décembre 1918, ont eux-aussi leur propre petite histoire. Que nous insérons dans la grande histoire pour mieux la comprendre. (Trad. Ileana Ţăroi)