Deux grands architectes de Bucarest: Leonida Negrescu et Jean Monda
Il ne suffit que de se balader dans les quartiers historiques de Bucarest pour pouvoir admirer les anciennes maisons bourgeoises et découvrir l'historie de leur architecture et des architectes qui les ont construites.
Steliu Lambru, 29.03.2024, 13:52
Deux noms importants d’architectes se retrouvent aux entrées des immeubles de la bourgeoisie bucarestoise : Leon Schwartz, ou Leonida Negrescu et Jean Monda.
Il ne suffit que de se balader dans les quartiers historiques de Bucarest pour pouvoir admirer les anciennes maisons bourgeoises et découvrir l’historie de leur architecture et des architectes qui les ont construites. Et sur une plaque de marbre situé sur un immeuble ou un bloc le passeur peut découvrir comment s’appelait l’auteur de l’œuvre. Deux noms importants d’architectes se retrouvent aux entrées des immeubles de la bourgeoisie bucarestoise : il s’agit de Leon Schwartz, connu aussi sous le nom de Leonida Negrescu et Jean Monda.
Le parcours de Leon Schwartz
Felicia Waldman enseigne l’histoire de Juifs de Roumanie à l’Université de Bucarest et c’est elle qui raconte la biographie et les projets que les deux architectes issus de générations différents ont déroulés.
Le premier, dans un ordre chronologique était d’ailleurs bucarestois.
Felicia Waldman : « Leon Schwartz est né en 1857 à Bucarest. Il a étudié à l’Ecole de chaussées et de ponts et en 1879 il est parti pour Paris pour suivre les cours de l’école de beaux arts, dans la section architecture. Il a été fortement marqué par la personnalité de Charles Garnier, créateur de l’Opéra de Paris et le plus important représentant du style architectural du Second Empire. Il a obtenu son diplôme d’architecte en 1887. Ensuite il fut embauché sous-inspecteur des travaux de construction de l’immeuble de l’Ecole centrale à Paris et inspecteur général des travaux aux immeubles du quartier du Luxembourg à Paris. En 1888, il rentre à Bucarest pour devenir architecte en chef des Chemins de fer roumains. A l’époque son embauche fut une exception, puisqu’il était Juif. Il a contribué aussi à la construction des docks dans les ports de Braila et de Galati et durant les 7 années suivantes, il a travaillé en tant qu’architecte au ministère des cultes et de l’éducation publique, une autre première en Roumanie. Il s’est retiré en 1895 pour se consacrer aux travaux privés ».
Leon Schwartz a mis son empreinte sur plusieurs superbes immeubles bucarestois d’avant 1945.
Felicia Waldman : « Il a contribué à la construction de plusieurs bâtiments emblématiques à Bucarest, dont le Jockey Club, l’Académie Commerciale, l’hôtel Splendide, qui n’existe plus, le magasin de musique Orphée, situés tous sur l’avenue de la Victoire et démolis tous durant le régime communiste. Mais il a également érigé des édifices qui ont résisté au passage du temps et aux régimes politiques, telles que les Arènes romanes du Parc Carol – un amphithéâtre consacré aux spectacles, L’école de filles Fraternitatea du Temple Coral, où se trouve aujourd’hui le siège de la Fédération des Communautés Juives de Roumanie. Grâce à ses mérites, Schwartz a compté parmi les premiers Juifs à se voir octroyer la nationalité roumaine en 1894. Il est décédé en 1931 et il est enterré au cimetière Filantropia/ Jeala Philanthropie à Bucarest, dont il a construit la chapelle. »
Qui a été Jean Monda ?
Le deuxième architecte qui fait l’objet de notre chronique d’aujourd’hui, Jeam Monda, n’était pas né à Bucarest, mais il fut également très important pour la ville.
Felicia Waldman : « Jean Monda est né à Ploiesti en 1900. Il a suivi les cours de l’école Polytechnique à Milan, d’où il est rentré en 1924 avec une éducation spécifique à l’époque, suivant les lignes d’un art déco austère et d’un modernisme modéré. Il s’est établi à Bucarest et a commencé à recevoir de plus en plus de commandes d’investissements immobiliers faites par une multitude de Juifs aux goûts ciselés, selon la mode de l’architecture occidentale. En 1932, il construit à Soli Gold une maison sur la rue Armeneasca. Monda a extensivement collaboré avec l’ingénieur juif Jean Berman pour lequel il a conçu une maison rue Logofăt Luca Stroici, en 1930. Ces maisons existent encore et peuvent être admirées à Bucarest. Et ce fut également en 1930 qu’il a projeté son premier immeuble à plusieurs étages, rue Tudor Arghezi, où il a vécu dans l’appartement numéro 2 pour le reste de sa vie. Durant la seconde moitié des années 1930, Monda a commencé à enseigner des cours d’architecture. Durant la Seconde guerre mondiale, il a été professeur au Département d’Architecture du Collège Juif, une université privée, fondée par la communauté juive lorsque les étudiants juifs n’avaient plus accès à l’éducation dans le système d’Etat ».
Un classique de l’architecture de Bucarest
Le nom de Monda apparait souvent sur les plaques en marbre des maisons bucarestoises et il est déjà un classique de l’histoire de l’architecture roumaine.
Felicia Waldman : « Après 1948 et la confiscation de toutes ses propriétés, Monda n’a plus travaillé, alors qu’auparavant en moins de deux décennies, il avait projeté plus de 25 immeubles élégants, avec des décorations réussies, résultats évidents d’un bon professionnel et d’un personne à vocation. Il a écrit des textes d’architecture, publiant une série d’articles et 5 volumes, après une première monographie parue en 1940. Une grande partie des immeubles projetées par Monda peuvent être toujours identifiées par la plaquette sur laquelle se trouvent son nom et l’année de la construction. Monda a projeté aussi des bâtiments à utilisations multiples, tels le cinéma Regal/Royal et le bar Colos/Colosse, érigés en 1927 et 1930 sur le boulevard Elisabeta, mais démolis. Il a également construit l’immeuble de la salle de spectacles Frascati, le théâtre Constantin Tănase d’aujourd’hui et les immeubles à appartements qui contiennent aussi les salles de cinéma Eforie en 1945 et 1946 et Studio en 1946 – 1948 sur le boulevard Magheru. »
Leon Schwartz ou Leonida Negrescu et Jean Monda sont des noms incontournables pour toute personne curieuse de découvrir l’histoire de l’architecture bucarestoise. Et les plaques en marbre installées aux entrées des immeubles qu’ils ont projetées, sont des témoins de leur contribution. (trad. Alex Diaconescu)