Aida Vrioni, la première femme journaliste de Roumanie
Christine Leșcu, 19.06.2022, 09:30
La modernisation de la Roumanie, débutée dans la
seconde moitié du XIXe siècle, s’était accélérée jusqu’à l’approche de la
Grande Guerre, se transformant à l’entre-deux-guerres en une synchronisation
culturelle avec l’Occident, grâce aussi à une génération d’intellectuels
exceptionnels. Parmi eux, Aida Vrioni est considérée comme la première
journaliste professionnelle de Roumanie.
Maria Mateescu, de son vrai nom, est
née en octobre 1880, dans la ville de Ploiești, à une soixantaine de km au nord
de Bucarest. Elle commence à signer des articles dans la revue « Aurora »
de sa ville natale, revue créée par elle-même et son frère. Entre 1898 et 1904,
elle publie des articles et des chroniques littéraires dans plusieurs journaux
et revues de Bucarest, tels que « Dimineața », « Adevărul
literar și artistic », « Rampa » etc. En 1904, le grand
journaliste Constantin Mille lui offre un poste permanent dans la rédaction du
journal « Adevărul », la jeune femme devenant ainsi la première
journaliste professionnelle de Roumanie. À l’entre-deux-guerres, elle se fait
aussi remarquer en tant qu’écrivaine, dramaturge et militante dans le cadre des
organisations féminines fleurissantes à l’époque. Elle a longtemps travaillé pour
la « Revista scriitoarei », devenue en 1929 « Revista
scriitoarelor și scriitorilor din România », qu’Aida Vrioni a dirigée de
1931 jusqu’à l’arrêt de l’activité en 1943. Les textes d’Aida Vrioni viennent
d’être récupérés et publiés dans des recueils, grâce aux efforts de Monica
Negru, chercheuse aux Archives nationales de Roumanie: Aida Vrioni a été une des cheffes de file du mouvement
féministe de l’époque, membre de plusieurs associations féministes de ces
temps-là. Elle a proposé et organisé les premiers concours littéraires pour les
débutants, dans le but déclaré de les aider financièrement et de les convaincre
d’écrire et de publier leurs textes. Je dirais donc que ses démarches
culturelles ont été vastes et diverses. Quant à ses articles publiés dans la
Revista Scriitoarei et ailleurs, ils sont tout aussi divers. Elle a signé des
chroniques, des articles consacrés à des événements ou bien à des localités de
différentes régions du pays. Elle a par exemple écrit sur Bucarest, Constanţa,
Sinaia, où elle avait d’ailleurs une maison.
Aida Vrioni a donc
mis ensemble journalisme, dramaturgie, prose, littérature de voyage et
féminisme, son activité frénétique lui ayant valu la reconnaissance
bien-méritée de l’intelligentsia de l’entre-deux-guerres. Pourtant, ses mérites
sont entrés dans une zone d’ombre, notamment après la disparition de la « Revista
scriitoarelor și scriitorilor », affirme Monica Negru: Cette revue a été dirigée par Aida Vrioni, qui a constamment invité ses
collaborateurs à écrire et à publier du contenu. Elle y a aussi publié ses
propres écrits, elle a même soutenu financièrement la revue, exhortant
également ses amis et connaissances à s’y abonner. En 1943, la rédaction a
fermé ses portes, probablement parce qu’Aida Vrioni n’avait plus réussi à trouver
l’argent nécessaire. Mais elle a continué à écrire pour d’autres publications de ces temps-là.
Étrangement, à l’époque, Aida Vrioni était connue et appréciée par ses
confrères et consœurs. Elle a aussi
écrit deux romans et un volume d’essais, en plus des articles de presse.
Ensuite, elle a été complètement oubliée. Ses écrits ont été abandonnés dans
des archives et se perdent avec le temps qui passe.
À la fin de la
Seconde guerre mondiale, bien que malade, Aida Vrioni continue d’être active. Elle
tient un journal personnel, malgré un spasme cérébral qui la laisse à moitié paralysée
jusqu’à sa mort, survenue en 1954. Aujourd’hui, l’œuvre d’Aida Vrioni retrouve
l’attention des lecteurs, à travers les recueils d’articles et les volumes de
mémoires mis en page par Monica Negru, suite à ses recherches aux Archives
nationales. (Trad. Ileana Ţăroi)