Une nouvelle guerre froide ?
Des milliers de ballons blancs se sont envolés dans le ciel de Berlin, aux accords de l’hymne européen « Ode à la Joie » pour marquer le quart de siècle écoulé depuis la chute du Mur, la réunification allemande et la fin de la guerre froide. Plusieurs centaines de milliers de personnes réunies à la Porte de Brandebourg ont participé aux célébrations organisées comme une immense fête en plein air au centre de la capitale allemande.
Corina Cristea, 05.12.2014, 12:51
La chancelière Angela Merkel, qui a vécu dans l’Allemagne communiste, a adressé un message d’espoir aux peuples encore opprimés: « Ce jour-là nous rappelle que la volonté de liberté des gens ne pourra jamais être vaincue. Lors des événements de 1989, les citoyens de l’Est ont surmonté leur peur face à la répression et à la perfidie des autorités. »
Erigé en un seul jour, le 13 août 1961, par les autorités de l’ancienne RDA, le mur de Berlin a été au début une clôture de barbelés, consolidé par la suite et élargi au fil des années. Pendant 28 ans, ce mur a séparé les deux Allemagnes, réunifiées le 3 octobre 1990, 11 mois après la chute, sous la pression des manifestants, de ce symbole de la division de l’Europe. Durant ces 3 décennies, les tentatives d’évasion du bloc communiste ont mis à profit les méthodes les plus ingénieuses, depuis les tunnels creusés sous du mur, jusqu’aux câbles aériens et aux appareils de vol ultralégers. Ces tentatives se sont soldées par la mort de 128 personnes, tuées à coups de fusil. Pourtant, selon différentes recherches, leur nombre aurait été beaucoup plus élevé.
En 1989, sur la toile de fond des changements politiques radicaux enregistrés en Europe de l’Est, de la chute des gouvernements prosoviétiques, au bout de plusieurs semaines de protestations, le 9 novembre, les autorités de Berlin-Est ont levé les interdictions aux points de passage. Les Allemands de l’Est ont franchi en grand nombre le Mur, pour se rendre à Berlin-Ouest. Des portions du mur ont été arrachées et pendant les semaines qui ont suivi, les autorités ont démoli ce qui restait de ce symbole de la division de l’Europe.
Aux festivités organisées cette année à Berlin a également été présent le dernier dirigent de l’Union Soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, un des artisans des événements d’il y a un quart de siècle, aux côtés du chef historique du syndicat polonais « Solidarité », Lech Walesa.
« Le monde se trouve au bord d’une nouvelle guerre froide » – a averti Gorbatchev à cette occasion. Dans une allusion manifeste à la crise en Ukraine, l’ancien chef d’Etat ajoutait : « Certains disent qu’elle a déjà commencé. » « Souvenons-nous quil ne peut y avoir de sécurité en Europe sans le partenariat germano-russe », a-t-il encore insisté.
Dans une interview à la Radio Télévision Suisse, Gorbatchev estimait que le danger est là. « On pense avoir gagné la Guerre Froide. Il n’y a pas de vainqueur, tout le monde a gagné, mais à présent on veut commencer une nouvelle course aux armements. » – soulignait Gorbatchev. C’est qui « on » ? Se rapportait-il aux Etats de l’OTAN ? La réponse de l’ancien leader soviétique : « L’OTAN est un instrument dont on se sert. » A son avis, sur la toile de fond du dialogue rompu entre les grandes puissances, les conflits sanglants en Europe et au Moyen Orient suscitent beaucoup d’inquiétude.
Les 25 années écoulées depuis la chute des dictatures communistes en Europe de l’Est et la transition vers la démocratie ont fait l’objet d’une conférence qui a réuni à Bucarest plusieurs anciens chefs d’Etats européens et leaders des révolutions de 1989. Sujet important à l’agenda politique 2014, les évolutions en Ukraine ont également été abordées à cette occasion.
Nous écoutons l’historienne Zoe Petre, ancienne conseillère présidentielle : « Malheureusement, les 6 derniers mois d’histoire ont obligé le monde entier à réviser les concepts beaucoup trop optimistes instaurés après 1989 et qui ont survécu même à la crise géorgienne de 2008. L’idée qu’en fin de compte la Russie est un pays comme les autres, bien que peut-être un peu plus autoritaire, s’est avérée une illusion. Je vous rappelle que lors de l’installation du nouveau président américain, Barack Obama, un groupe important de dirigeants est-européens, avec, en tête, Václav Havel, s’est adressé au nouveau président, le priant d’examiner très soigneusement la notion de réinitialisation des relations avec la Russie. Malheureusement, on ne leur accorda pas trop d’attention. Inutile, à présent, de le déplorer. Le problème c’est qu’en effet, on se trouve actuellement devant une agression. »
A l’occasion du 25e anniversaire de la chute du Mur de Berlin, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a averti, de son côté, au sujet du risque que de nouvelles frontières apparaissent en Europe, suite à des actions agressives, comme celle d’Ukraine. Chose inacceptable — affirme Martin Schulz — ce conflit ne pouvant pas être résolu par des moyens politiques. « Que cela nous plaise ou pas, la Russie est une puissance-clé, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous sommes en mesure de nous engager en faveur de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, mais nous devons, en même temps, maintenir ouverts tous les canaux de communication avec la Russie » — estime le président du Parlement européen. (Trad. : Dominique)