Une décision contestée
La décision américaine a tout de suite appelé à une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité de l’ONU. Des émeutes dans les territoires palestiniens occupés et des manifestations dans plusieurs pays musulmans se sont ensuivies.
Corina Cristea, 19.01.2018, 13:22
Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien, s’est rendu dans une brève tournée pour essayer de convaincre d’autres pays, cette fois européens, et obtenir le soutien de l’UE. Abordant le sujet avec la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, le premier ministre israélien estimait que : « Tous les pays européens ou la plupart transféreront leurs ambassades à Jérusalem, la reconnaîtront comme la capitale de l’Etat hébreu, et s’engageront résolument, avec nous, au bénéfice de la sécurité, de la prospérité et de la paix. » C’était le message que le leader israélien adressait aux décideurs européens à l’occasion ».
Ce message s’est néanmoins heurté à la position communautaire exprimée de façon ferme par Federica Mogherini: «Nous pensons que la seule solution réaliste dans le conflit opposant Israël à la Palestine se fonde sur deux Etats, avec Jérusalem comme capitale des deux, aussi bien de l’Etat d’Israël que de l’Etat Palestine. Telle est notre position résolue et nous continuerons d’observer les accords internationaux conclus au sujet du statut de Jérusalem jusqu’au moment où le statut final de la ville sainte sera décidé suite à des négociations entre les parties impliquées.»
La paix dans cette zone géopolitique, l’une des plus sensibles au niveau mondial, est souhaitée par tout le monde, et cela a été souligné dans toutes les déclarations officielles. C’est d’ailleurs l’argument qui a été invoqué lorsque, début décembre, le président Donald Trump s’est résolu à faire le geste que ses prédécesseurs avaient ajourné depuis très longtemps. En effet, tous les 6 mois, le président des Etats-Unis ajournait la décision votée il y a longtemps par le Congrès américain, visant la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu.
Invité par Radio Roumanie, Iulian Chifu, le directeur du Centre pour la prévention des conflits de Bucarest, a expliqué le contexte existant dans cette région : « La dispute sur le statut de Jérusalem est ancienne et historique. Il existe là des éléments symboliques des trois principales religions monothéistes, et les Arabes palestiniens voudraient en faire également leur capitale, à Jérusalem Est, là où est située la Mosquée Al-Aqsa. Donc, le grand problème de la division de Jérusalem, qui serait censé être la capitale de deux Etats, c’est une question qui a fait débat lors de chaque processus de paix. Le geste est donc plutôt symbolique, je dirais, mais cet aspect symbolique revêt au Proche Orient un très grand impact, et les coûts et les répercussions de tout cela, on va les constater, vous allez voir. »
C’est que le processus de paix au Proche Orient est en quelque sorte grippé, selon les analystes, et que la décision prise dans ce contexte par Donald Trump se veut comme la seule variante afin de débloquer la situation.
Iulian Chifu : « C’était présenté comme une formule pour remettre les choses à plat. Maintenant, mon espoir, c’est que Washington ait également pensé à gérer les conséquences d’un tel changement. Parce que lorsqu’on remet les choses à plat, on peut se retrouver aussi bien devant un bon résultat, mais le plus souvent on se verra confronter à une situation pire qu’avant. N’oublions pas l’histoire de l’apprenti sorcier. On pourrait se retrouver face à une situation de ce genre. Pour l’instant, je laisserais passer le premier moment d’émotion pour y voir plus clair. Cela va durer, je ne sais pas, peut-être deux mois, et ce n’est que par après que l’on pourrait évaluer. Ce n’est qu’après que l’on saura si cette zone arabe et palestinienne, mais aussi le monde en général, les grandes puissances, les puissances régionales pourraient s’accommoder de cette nouvelle réalité. Ce n’est qu’à la suite de cela que l’on va pouvoir conclure si le geste était avantageux. A première vue, c’est outrepasser la ligne rouge, c’est mettre le feu aux poudres à cette paix fragile du Proche Orient, telle qu’on la connaît. »
D’autre part, dit le politologue Iulian Chifu, il n’y a pas de précédent qu’un accord de paix puisse être conclu sans impliquer les deux parties en conflit : « Un processus de paix unilatéral n’existe que lorsque l’une des parties en conflit gagne de manière absolue la situation sur le terrain. Or, nous le savons bien, une telle situation serait insoutenable. L’histoire du Proche Orient nous l’a déjà démontré. Il y a déjà eu des moments où l’une ou l’autre partie croyait avoir remporté la bataille, pour se retrouver peu de temps après confrontée à la situation du terrain. C’est pourquoi je resterais très réservé, attentif aux évolutions ultérieures. »
« De nos jours, il n’existe plus des conflits lointains ou proches », disait l’ancien premier ministre roumain, Mihai Tudose. « De ce point de vue, tout conflit qui met en danger la stabilité, la sécurité de nos concitoyens, constitue une préoccupation », a-t-il ajouté. Selon lui, la Roumanie demeure solidaire de ses partenaires, qu’il s’agisse des membres de l’Union européenne ou de l’OTAN, pour tout effort qui mène à la stabilité et à la sécurité dans la zone. Pour l’instant, les jeux ne sont pas encore faits… (Trad. Ionut Jugureanu)